1 Lettre de Stans – Pestalozzi – traduction de Michel Soëtard – notes de Philip
1 Lettre de Stans – Pestalozzi – traduction de Michel Soëtard – notes de Philippe Meirieu Avertissement : La Lettre de Stans est un grand texte du patrimoine pédagogique. À ce titre, il peut et doit faire l’objet de plusieurs lectures : une lecture historique qui permet de replacer les faits dans leur contexte et de comprendre plus précisément les événements rapportés ici ; une lecture philosophique qui permet de comprendre les grands enjeux théoriques de ce texte au regard de la philosophie de l’éducation (c’est le travail que fait Michel Soëtard à travers toute son œuvre) ; et une lecture plus spécifiquement pédagogique qui cherche à entendre les contradictions fondatrices de l’acte éducatif dans ce type de « littérature ». C’est cette dernière lecture, selon les méthodes que j’ai définies dans La pédagogie entre le dire et le faire ( http://www.meirieu.com/LIVRES/li_lpeldelf.htm ) que je mets modestement en œuvre ici à travers les notes en marge. Ph. M. Lettre de Stans Johann Heinrich Pestalozzi Traduction de Michel Soëtar d Notes en marge de Philippe Meirieu Ami, voici que je me réveille une nouvelle fois de mon rêve, que je vois une nouvelle fois mon oeuvre anéantie et ma force déclinante inutilement dépensée. Mais si faible, si malheureuse qu'ai été mon expérience, chaque cœur philanthropique prendra plaisir à s'attarder quelques instants sur elle et à réfléchir aux raisons qui me convainquent qu'une heureuse postérité renouera à coup sûr le fil de mes vœux là où j'ai dû le laisser. J'ai considéré toute la Révolution depuis son origine comme une simple conséquence de l'état d'abandon dans lequel avait été laissée la nature humaine, et j'ai tenu son dépérissement comme une nécessité inéluctable pour ramener les hommes, tombés à l'état sauvage, à une attitude réfléchie dans leurs affaires essentielles. Sans accorder foi à l'extérieur de la forme politique que la masse de ces gens pourraient se donner, je tins quelques idées mises à l'ordre du jour et quelques intérêts éveillés pour aptes à entraîner ici et là quelque chose de vraiment bon pour l'humanité. C'est ainsi que je fis circuler autant que je pus mes vieux projets sur l'éducation du peuple et que je les déposai en particulier, dans toute l'ampleur où. je les pense, entre les mains de Legrand (à l'époque l'un des membres du Directoire helvétique). Non seulement il y prit intérêt, mais il jugea avec moi que la République avait absolument besoin d'une transformation complète de l'éducation, et il en était d'accord La République a besoin d’une véritable transformation de l’éducation Pestalozzi arrive à Stans le 4 janvier 1799. En juin, le bâtiment est réquisitionné et l’institut dissous. La lettre est écrite dans les semaines qui suivent. 2 Lettre de Stans – Pestalozzi – traduction de Michel Soëtard – notes de Philippe Meirieu avec moi : la formation du peuple pourrait avoir les plus grands effets possibles si l ' on donnait une éducation achevée à un nombre appréciable d' individus choisis parmi les enfants les plus pauvres du pays, à condition que ces enfants ne fussent pas arrachés par l ' éducation à leur condition, mais qu' ils y fussent au contraire rattachés plus solidement par elle . Je limitai mes vœux à ce point de vue. Legrand le favorisa par tous les moyens. Il le trouva si important qu'il me dit un jour : «Si je dois quitter mon poste, je ne le ferai pas avant que tu aies commencé ta carrière ». Comme j'ai exposé en détail mon plan d'éducation publique pour les pauvres dans la troisième et la quatrième parties de Léonard et Gertrude (première édition), je n'en reprends pas le contenu. Je le soumis, avec tout l'enthousiasme qu'éveillait en moi la proche réalisation de mes espoirs, au ministre Stapfer. Il le favorisa avec la chaleur d'un cœur noble qui embrasse des points de vue les plus élevés les besoins essentiels de la formation du peuple. Rengger, le ministre de l'Intérieur, en fit autant. Mon intention était de choisir pour mon projet, sur le territoire de Zurich ou en Argovie, un lieu qui, par la conjonction des avantages locaux, de l'industrie, de l'agriculture et des moyens extérieurs de l'éducation, me faciliterait le chemin tant pour étendre mon établissement que pour réaliser pleinement ses buts intérieurs. Mais le malheur d'Unterwald (en septembre 1798) décida du lieu que je devais choisir. Le gouvernement considéra l'urgence de venir au secours de ce district et il me pria de faire pour cette fois l'essai de mon entreprise en un lieu qui était vraiment démuni de tout ce qui aurait pu favoriser de quelque manière son succès. J'y allai volontiers. J'espérais trouver dans l'innocence du pays de quoi suppléer à ce qui lui manquait, et dans la misère un fondement à sa gratitude. Mon ardeur à pouvoir un jour mettre la main au grand rêve de ma vie m'aurait conduit à L’éducateur espère toujours secrètement que la difficulté de la situation lui facilitera la tâche : on devrait l’accueillir à bras ouverts puisqu’il vient « faire le bien des gens » ! Stans : la première ZEP ! Une éducation exigeante et achevée, mais qui ne soit pas, pour autant, un arrachement qui brutalise les personnes. 3 Lettre de Stans – Pestalozzi – traduction de Michel Soëtard – notes de Philippe Meirieu commencer, si je puis dire, au sommet des Alpes, sans feu ni eau, pourvu qu'on me laissât seulement commencer. Le gouvernement m'assigna comme résidence le nouveau bâtiment du couvent de femmes (des Ursulines) à Stans. Mais celui-ci était, lorsque j'y arrivai, encore inachevé et pas du tout approprié pour servir d'orphelinat à un grand nombre d'enfants. Il fallait donc, avant toutes choses, le mettre en état d'utilisation. C'est pourquoi le gouvernement fit prendre les mesures qui s'imposaient, et Rengger mena les choses avec prodigalité, force et énergie. D'une façon générale, le gouvernement ne lésina pas sur l'argent nécessaire à la mise en place de l'expérience. Malgré toute la bonne volonté et tous les appuis, ces travaux préparatoires requéraient pour le moins du temps. Mais il n’était pas question de temps dans la nécessité où l'on se trouvait de s'occuper sans tarder de cette quantité d'enfants, pour les uns abandonnés, pour les autres rendus orphelins par les événements sanglants qui venaient de se produire. À part l'argent nécessaire, on manquait d'ailleurs de tout, et les enfants affluèrent avant que ni la cuisine, ni les chambres, ni les lits ne fussent prêts pour les recevoir. Cela perturba considérablement le début de l'expérience. Pendant les premières semaines, je fus confiné dans une pièce qui ne faisait pas 24 pieds carrés. L'air était malsain, à quoi s'ajoutait le mauvais temps, et la poussière des travaux qui remplissait les couloirs acheva l'inconfort de ces débuts. Le manque de lits m'obligea au début à renvoyer chez eux pour la nuit une partie des enfants pauvres. Ils revenaient tous alors le matin recouverts de vermine. La plupart des enfants étaient, lorsqu'ils entraient, dans un état que l'extrême dégénérescence de la nature humaine a généralement pour conséquence nécessaire. Beaucoup m'arrivaient avec une gale si profonde qu'ils pouvaient à peine marcher, beaucoup avec des têtes couvertes de plaies, beaucoup en haillons remplis de vermine ; beaucoup étaient maigres comme des squelettes décharnés, jaunes, grimaçants, les yeux pleins d'angoisse, le front chargé des rides de la méfiance et du souci ; quelques- uns effrontés, habitués à la mendicité, à l'hypocrisie et à Stans : une situation- limite, des enfants « perdus », tant physiquement que psychologi- quement.… On n’est jamais prêt à affronter les situations d’urgence… Tout manque et il faut, pourtant, commencer ! 4 Lettre de Stans – Pestalozzi – traduction de Michel Soëtard – notes de Philippe Meirieu toutes sortes de fausseté ; d'autres pressés par la misère, résignés, mais méfiants, insensibles et farouches. Parmi eux, quelques enfants gâtés qui vivaient autrefois dans une aisance relative ; ceux-ci étaient pleins de prétentions, ils se tenaient entre eux, manifestaient du mépris pour les enfants de mendiants et de familles pauvres : ils ne se sentaient pas bien dans cette nouvelle égalité, et le régime des pauvres, tel qu'il était établi, n'était pas en accord avec leurs anciennes façons de vivre et ne correspondait pas en conséquence à leurs vœux. Indolence et inaction, manque d'exercice des facultés intellectuelles et plus encore des aptitudes physiques, tel était le cas général. À peine un enfant sur dix connaissait son alphabet. Pour les autres connaissances scolaires ou éléments essentiels de l'éducation, il en était encore moins question. L'absence totale d'instruction scolaire était d'ailleurs justement ce qui m'inquiétait le moins ; confiant dans les forces de la nature humaine que Dieu a également déposées dans les enfants les plus pauvres et les plus abandonnés, non seulement j'avais appris depuis longtemps par mon expérience antérieure que la nature développe, au beau milieu de la fange de la grossièreté, de la sauvagerie et du délabrement, les dispositions et les aptitudes les plus sublimes, mais je voyais également chez mes enfants cette force vivante de la uploads/Finance/ lettre-pestalozzide-stans.pdf
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- Publié le Dec 13, 2021
- Catégorie Business / Finance
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