Emballements de réactions, étude de cas, retour d’expérience Les emballements d

Emballements de réactions, étude de cas, retour d’expérience Les emballements de réactions constituent une source importante d’accidents dans l’industrie. Ils sont dus principalement à la perte de la maîtrise du procédé et touchent de nombreux domaines : chimie, pétrochimie, agroalimentaire, fabrication de plastiques et caoutchoucs, travail des métaux… Les procédés en cause sont eux aussi variés : réaction chimique, polymérisation, distillation, etc. La perte de maitrise du procédé est liée à différents facteurs que nous examinerons dans cet article. Plusieurs accidents enregistrés dans ARIA(1) et survenus en France illustreront nos propos. Les causes Les défaillances d’instrumentation De nombreuses fabrications de produits sont le fruit de procédés établis avec précision et leur succès réside dans l’établissement d’un cahier des charges strict : température, pression, quantité respective de chaque réactif, vitesse d’agitation… Un écart d’un de ces paramètres par rapport aux conditions établies peut suffire à provoquer la perte de la maitrise du procédé. ARIA fait état de plusieurs accidents liés à des défaillances d’instrumentation conduisant à l’emballement de la réaction. Parmi ces dernières, on note des défauts de réglage ou des pannes de pompes conduisant notamment à des débits mal ajustés, donc des quantités de réactifs non respectées, des pannes d’agitateurs, une mauvaise régulation du pH, de la température, défaillances de contrôle commande. Les défaillances d’instrumentation sont parfois liées à la perte d’utilités du site. Aria 44071 Les erreurs humaines Elles constituent une source importante de perte de maîtrise du procédé. Les accidents recensés dans ARIA montrent qu’il peut s’agir d’une vanne laissée ouverte, de l’oubli d’une étape dans la fabrication du produit, de l’introduction trop rapide ou d’un excès d’un des réactifs, d’une mauvaise initiative de l’opérateur comme l’ajout supplémentaire d’une quantité de catalyseur pour initier la réaction qui ne Emballement de réaction chimique dans une usine pharmaceutique à la suite de la perte de l’alimentation électrique de l’unité Un transformateur prend feu à 19h45 au sous-sol d'un bâtiment de production d'une usine pharmaceutique classée Seveso seuil bas. L'alimentation électrique du bâtiment s'interrompt, provoquant l'arrêt des dispositifs d'agitation et de refroidissement des réacteurs. Une réaction exothermique en cours s'emballe dans l'un des appareils. Son disque de rupture taré à 4 bar se rompt, l'évent d'explosion s'ouvre pour protéger l'intégrité du réacteur. Du mélange réactionnel à 70 °C composé de plusieurs produits dangereux (pipéridine, acide acétique, hypochlorite de calcium, methyl ter-butyl ether, méthanol, pyridine, hypochlorite d'hydroxylamine, isopropanol, chloroformate de benzyle…), au lieu d’être canalisé vers un exutoire dédié, est projeté sur un employé et 6 pompiers en reconnaissance à proximité. Une flaque de 60 m² se forme sur le sol. L'exploitant déclenche son POI et fait évacuer l’établissement. L'intervention s'achève à minuit. L'étude de danger réalisée sur le site n'avait identifié aucun scénario comparable. Aucune alimentation de secours n’était prévue pour garantir le fonctionnement des équipements critiques. Les activités dans le bâtiment accidenté et sur le parc de stockage de solvant associé sont suspendues jusqu'à ce que les systèmes de sécurité (centrale de détection incendie et extinction automatique) soient à nouveau opérationnels. Dans l'attente, l'exploitant instaure une surveillance permanente par un rondier. Un diagnostic sur toutes les installations électriques du site est réalisé avec étude d'une alimentation de secours sur les équipements critiques liés à des réactions exothermiques : refroidissement, agitation, sondes de température et de pression... démarre pas, accident présenté ci-dessous. Un autre accident fait état de l’ajout d’un produit à la place d’un autre. Aria 40496 Explosion d'une colonne d'un réacteur chimique Dans l'un des ateliers d'une usine fabriquant des intermédiaires de synthèse organique, une réaction s'emballe et une explosion (environ 1 kg équivalent TNT) a lieu à 21h10 dans la colonne de verre de 3,5 m de haut surplombant un réacteur de 3 000 l. L'explosion provoque un départ de feu dans l'unité. Un nuage de 110 kg d'acide chlorhydrique (HCl) se forme au-dessus du site, puis se disperse en quelques minutes grâce au vent favorable. Le bruit alerte les opérateurs qui mettent les installations en sécurité à 21h12, le POI est déclenché. Les employés commencent à lutter contre l'incendie avec les moyens internes. A leur arrivée, à 21h20, les pompiers maîtrisent l’incendie à 21h40. L’un des 12 employés de l’unité présente des troubles auditifs dus à l’explosion. Les dommages matériels s’élèvent à 700 k € : bardage léger et charpente métallique du bâtiment, instrumentation, colonne et installation de reflux du réacteur, ainsi que les installations électriques et pneumatiques du bâtiment accidenté et du bâtiment voisin suite aux effets thermiques. Le jour de l'accident, une fabrication par batch était en cours depuis 15 h par addition à froid de 1 000 kg d'un composé éthylénique liquide avec 750 kg d'un composé silylé liquide très inflammable et volatile (hydrosilane). Le mélange homogène devait ensuite être versé dans un 2ème réacteur à 100 °C en présence de catalyseur (acide chloroplatinique hydraté) pour former le produit final. La maîtrise de la réaction d'hydrosilation est assurée par l'introduction progressive du mélange. A 21h10, une montée brutale de la température du mélange a provoqué une surpression et l'éclatement pneumatique de la colonne. L'hydrosilane s'est hydrolisé en HCl au contact de l'air humide et s'est aussi décomposé en hydrogène à l'origine du départ de feu. L'enquête montre que pour compenser la perte d'activité du catalyseur (7ème batch consécutif) entraînant un rallongement de la durée du batch, un opérateur prend l'initiative d'introduire une dizaine de grammes de catalyseur neuf dans le réacteur en même temps que les matières premières. Les études bibliographiques et les essais en laboratoire montrent en effet que la réaction ne peut s'amorcer dans le réacteur à basse température (5 – 20 °C), l'écart avec la température nécessaire à la synthèse (90 °C) apparaissant comme un garant de la sécurité réactionnelle de cette modification jugée mineure. Pourtant, les essais menés par l'exploitant après l'accident révèlent qu'à ces températures, une réaction d'hydrosilylation exothermique peut survenir après une période d'induction de plusieurs heures en présence de traces d'alcool. Le catalyseur ayant été mis en solution avec une cétone, une quantité infime de cétone (de l'ordre de 0,01 %) s'est retrouvée dans le mélange au sein du réacteur et a été réduite en alcool par l'hydrosilane. Malgré un processus d'analyse des risques réactionnels rigoureux et la synthèse de 36 batch sans accidents en 6 ans, l'accident s'est produit sur le seul batch pour lequel le procédé a été légèrement modifié. L'exploitant rappelle aux opérateurs que 1) selon les critères de sécurité de l'usine, cette modification aurait dû être classée comme notable et faire l'objet d'une analyse collégiale approfondie avant sa mise en œuvre 2) toute modification unilatérale d'un procédé doit être motivée et faire l'objet de mesures de sécurité compensatoires. La présence de résidus, de dépôts, ajouts accidentels De nombreux accidents sont liés à des réacteurs, cuves, canalisations ou colonnes de distillation mal nettoyés contenant des impuretés, des résidus qui s’accumulent ou encore des ajouts accidentels de substances non désirées. Ces résidus, impuretés ou autres produits sont susceptibles de réagir avec les réactifs lors de leur introduction, conduisant à une réaction incontrôlée. Aria 7069* Au-delà de la défaillance matérielle, de l’erreur humaine ou de la présence de résidus, on trouve bien souvent des défaillances organisationnelles : absence ou insuffisance des contrôles, procédures absentes, inadéquates ou non respectées, formation insuffisante des opérateurs, procédés ou modifications de procédés non optimisés, risques mal identifiés, analyse de risques insuffisante… En effet, les risques liés à la réaction mise en jeu ne sont pas toujours évalués correctement, notamment lors de la mise en place du procédé qui nécessite souvent de passer d’une échelle de laboratoire à une échelle industrielle. Une fois les conditions définies et l’analyse de risque validée, les opérateurs doivent être formés au procédé et avertis des dangers liés à celui-ci et aux substances utilisées. Ces étapes essentielles peuvent être négligées pour des impératifs de production ou des arbitrages coûts / risques. Pour ces mêmes raisons, le personnel se retrouve parfois contraint d’assurer dans un minimum de temps un nombre d’opérations important, négligeant alors la surveillance de réactions potentiellement dangereuses. La formation du personnel associée à des rappels réguliers permet aussi d’éviter une dérive fréquente qui consiste à reproduire des gestes sans se poser la question du pourquoi, à prendre des initiatives malvenues, voire oublier une étape par manque d’attention. Explosion dans une unité batch / Rejet de SO2 Dans une usine de chimie fine, un réacteur explose à 22h30 lors de la chloration d'un alcool par du chlorure de thionyle (SOCl2). La réaction peu exothermique est effectuée en milieu solvant (1,2 dichloroéthane ou DCE), sous légère dépression et à une température de 70 °C maintenue par injection vapeur. Le réacteur contient au départ le SOCl2 en solution dans le DCE, l'alcool est ensuite ajouté sous contrôle durant 30 h. Lors de l'accident, le réacteur est alimenté depuis 3 h par des charges successives de 200 l d'alcool, la 1ère coulée n'est pas encore achevée. Le suivi effectué par 2 opérateurs dont l'un en formation comprend un contrôle horaire de la température et de la dépression ; aucune uploads/Finance/ lpb-les-emballements-de-reaction 1 .pdf

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  • Publié le Aoû 13, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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