Le Modèle d’Equilibre des Actifs Financiers (MEDAF) Philippe Bernard Ingénierie

Le Modèle d’Equilibre des Actifs Financiers (MEDAF) Philippe Bernard Ingénierie Economique et Financière Université Paris-Dauphine Novembre 2007 Fig. 1 — Harry Markowitz (1927-), Prix Nobel d’économie 1990 La théorie du portefeuille s’élabora en une dizaine d’années de 1952, date de l’article fondateur de Markowitz, à 1964, date de celui de Sharpe [Sha64], avec entre les deux le livre de Markowitz [Mar59] et l’article de Tobin [Tob58]. Entre ces différentes contributions, la perspective de la théorie des portefeuilles évolua considérablement : initialement, disci- pline uniquement normative ([Mar52], [Mar59]), elle devint avec Tobin [Tob58] et surtout Sharpe [Sha64] (puis [Sha70]) une théorie positive de l’équilibre ‘du marché financier’. Dans l’approche de Markowitz, les différents actifs et portefeuilles sont repérés par leurs couples (rendement moyen, risque) où le risque est supposé mesuré par la variance. Le problème de chaque financier est donc de chercher le portefeuille maximisant son utilité. Pour résoudre ce problème, il est souvent plus habile de le résoudre en deux étapes (résumées sur la figure 2) : 1. déterminer la frontière des portefeuilles efficients, i.e. l’ensemble des portefeuilles minimisant les risques à rendement moyen donné; ceci nous donne un morceau de courbe croissante dans l’espace (variance du rendement,espérance du rendement); 2. déterminer le point de la frontière maximisant l’utilité; les courbes d’indifférence étant convexes et croissantes, l’optimum est un point de la frontière où celle-ci est tangente à une courbe d’indifférence. Tobin [Tob58] puis Sharpe [Sha64] ont étendu la théorie du portefeuille de Markowitz : — en supposant l’existence d’un actif sans risque; — en transformant la théorie du portefeuille en une théorie positive. 1 E [R ] Var p o rtefeu ille d e v arian ce m in im ale F ro n tière d es p o rtefeu illes efficien ts co u rb e d 'in d ifféren ce d u g éran t d e p o rtefeu ille Fig. 2 — La détermination du portefeuille optimale sur la frontière des portefeuilles effi- cients Si Tobin s’est contenté d’appliquer la théorie du portefeuille à la demande de monnaie, Sharpe1 en a fait le socle d’une théorie de l’équilibre financier, le Modèle d’Equilibre des Actifs Financiers (MEDAF ou en anglais CAPM), sous trois hypothèses supplémentaires : — les marchés financiers sont parfaits au sens où les agents peuvent prêter et emprunter en l’absence de toute contrainte quantitative; — les marchés financiers sont parfaitement concurrentiels; — les agents ont les mêmes anticipations sur les rendements2. Comme l’a noté Brennan [Bre89] : “The reason for delay [between Markowitz (1959) and Sharpe (1964)] was 1Et aussi Lintner [Lin65], Mossin [Mos66]. Le modèle de Mossin est sans doute le plus remarquable des trois par sa limpidité. Aussi est-il quelque peu injuste que Sharpe est monopolisé l’attention alors que comme le notait (avec un brin de perfidie) Jan Mossin : “The paper by Sharpe gives a verbal diagram- matical discussion of the determination of asset prices in quasi-dynamic terms. His general description of the character of the market is similar to the one presented here, however, and his main conclusions are certainly consistent with ours. But his lack of precision in the specification of equilibrium conditions leaves parts of his arguments somewhat indefinite (souligné par nous).” ([Mos66] p.769) 2Sharpe attribue le terme d’homogénéité des anticipations à un des référés de son article. Bien que concédant ‘l’irréalisme’ de cette hypothèse, il la justifiait par sa conséquence, la réalisation de l’équilibre. 2 undoubtedly the boldness of the assumption required for progress, namely that all investors hold the same beliefs about the joint distribution of a security.” ([Bre89] p.93) Un des principaux résultats du CAPM fut de donner une expression exacte (et li- néaire) de la prime de risque des actifs reposant sur la prise en compte des possibilités de diversification : “The older view that the risk premium depended on the asset’s variance was no longer appropriate, since if one asset had a higher covariance with the market, it would have a higher risk premium even if the total variance of returns were lower. Even more surprising was the implication that a risky asset that was uncorrelated with the market would have no risk premium and would be expected to have the same return as the riskless asset, and that assets that were inversely correlated with the market would actually have expected returns of less than the riskless rate equilibrium.” ([Ros89] p.327) Les premiers tests rigoureux du MEDAF, au début des années 70, ont à la fois illustré le pouvoir explicatif important de ce modèle mais aussi la présence de certaines anomalies. Aussi, pour rendre compte de celles-ci dans un cadre préservant les principaux résultats du MEDAF, une première extension de celui-ci fut présentée par Black : le modèle du zéro-beta. 1 Le cadre Le cadre du MEDAF est celui du théorème des deux fonds : — le modèle est statique (et comprend donc uniquement deux périodes); — les préférences des agents sont supposées pouvoir être définies dans l’espace variance / espérance; — les rendements espérés et la matrice de covariance des différents titres risqués peuvent — les agents peuvent emprunter ou prêter un actif certain sur un marché parfait. Dans l’économie, existent donc I agents (ménages) indicés i = 1, ..., I. Chaque agent est défini par sa richesse initiale Wi et par ses préférences résumées par la fonction d’utilité 3 Ui définie sur la richesse terminale f Wi : Ui = Ui ³ Ef Wi, σ2 i W ´ (1) Comme le modèle est un modèle d’équilibre, on ne se contente pas cependant de spéci- fier le côté demande du marché (les ménages) mais aussi l’offre. Les marchés financiers comprennent deux compartiments : la bourse et le marché de l’actif certain. Sur le marché boursier sont cotés les différents titres risqués j = 1, ..., J dont les rendements espérés sont toujours notés Rj. Pour simplifier, on supposera que chaque titre j est l’action émise par l’entreprise j et que celle-ci n’émet aucun autre titre.3Comme le MEDAF est un modèle de court-terme, la quantité de titres émise par chaque entreprise est supposée constante et normée à 1. Chaque agent i détermine donc pour chaque actif j la part θi j du capital de l’entreprise j qu’il souhaite détenir. Remarque 1 Comme dans la théorie (classique) du portefeuille, les ventes à découvert étant supposées possibles, θi j peut être négatif. Il n’existe aucune contrainte sur la valeur que peut a priori prendre θi j. La somme des demandes du titre j étant PI i=1 θi j, l’offre globale étant 1 (par conven- tion), la condition d’équilibre du marché de chaque titre émis par l’entreprise j est donc : I X i=1 θi j = 1 (2) Le prix du titre j est noté qj. En raison de la normalisation du titre et de l’hypothèse que les actions sont les seuls titres émis par les entreprises, ce prix qj est en même temps la valeur boursière de l’entreprise j. La condition d’équilibre peut donc être réécrite en valeur en utilisant ce prix qj. La valeur demandée par l’ensemble des ménages doit donc alors être égale à la capitalisation boursière des ménages : I X i=1 qjθi j = qj (3) 3Ce dernier résultat étant sans perte de généralité dans le cadre choisi puisque la politique financière y est neutre. Le théorème de Modigliani-Miller s’applique donc et le coût de financement des investissements est indépendant de la structure du capital de l’entreprise. Supposer que celle-ci est à 100% composée par des fonds propres est donc sans conséquence. 4 Le marché boursier est alors défini par les différentes capitalisations (qj)j=1,...,J ou encore par la donnée de la valeur du marché et par sa structure. La valeur boursière du marché est simplement PJ j=1 qj et la structure du marché est donnée par les parts θM j des différents titres dans la valeur du marché : θM j = qj PJ j=1 qj (4) Le vecteur θM = ¡ θM 1 , ..., θM j , ..., θM J ¢ est résume non seulement la structure du marché mais aussi constitue un portefeuille financier puisque : J X j=1 θM j = 1 (5) La structure de ce portefeuille étant celle du marché, il constitue le portefeuille de marché. Remarque 2 La propriété essentielle de ce portefeuille est d’être définie par l’ensemble des opportunités d’investissement existant dans l’économie. Dans le MEDAF tradition- nel, celles-ci se limitent aux titres émis en bourse. Ceci suppose l’absence d’actifs non transférables (par exemple du capital humain) et qu’une complète ‘equitization’ des inves- tissements puissent être réalisée ( Grossman [1995] [Gro95]), i.e. que les risques attachés à ces investissements puissent être partagés à l’aide d’actions ou de titres de participation. Sur le marché de l’actif certain ne sont présents que les ménages dans le cadre du MEDAF.4 Chaque agent i détermine le montant Bi qu’il désire prêter (ou emprunter si Bi < 0) au taux d’intérêt r ou pour le rendement brut R0 = 1 + r. L’épargne net des ménages uploads/Finance/ medaf-2-pdf.pdf

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  • Publié le Aoû 08, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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