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1 www.lautreprepa.fr Corrigé proposé par Céline Garçon CONCOURS ENM 2015 Droit pénal La prescription de l’action publique Définition des termes du sujet : L’action publique a pour but de réprimer le trouble social par l’application d’une peine ou d’une mesure de sûreté à l’auteur d’une infraction pénale. C’est une action d’intérêt général qui appartient à la société, et à elle seule. La société la fait exercer par des représentants qualifiés, les magistrats du Ministère public. L’action publique est donc l’action intentée par le Ministère public, au nom de la société, pour que l’auteur d’une infraction soit pénalement réprimé. Comme toute action en justice, l’action publique peut se prescrire, c'est-à-dire s’éteindre par l’effet du temps. Ainsi, quand elle n’est pas exercée pendant un certain délai, l’action publique s’éteint par l’effet de la prescription extinctive : le délinquant ne peut plus être poursuivi, et, de ce fait, l’infraction dont il s’est rendu coupable reste impunie. On parle alors de prescription de l’action publique. 1er temps de la problématique : une notion forte (protection des droits et libertés) La prescription de l’action publique fait de prime abord figure d’institution cardinale de notre procédure pénale contemporaine. Les justifications de l’extinction de l’action publique par la prescription sont nombreuses. Pour certains, cette cause d’extinction de l’action publique repose sur l’idée qu’au bout d’un certain temps, dans un intérêt de paix et de tranquillité sociale, mieux vaut oublier l’infraction qu’en raviver le souvenir. On la justifie aussi par cette considération psychologique que le coupable, aussi longtemps qu’il a pu échapper à la poursuite ou au châtiment, a dû vivre dans l’inquiétude, et cette sanction apparaît suffisante. Pour justifier la prescription de l’action publique, on fait également appel à l’idée de négligence : la société perdrait son droit de punir parce qu’elle ne l’a pas exercé en temps utile. Plus pragmatiques, d’autres avancent que la prescription de l’action publique trouve sa source dans le dépérissement des preuves : au fur et à mesure que le temps s’écoule depuis que l’infraction a été commise, les preuves disparaissent ou perdent beaucoup de leur valeur. Une action exercée trop longtemps après la commission de l’infraction risquerait ainsi de provoquer une erreur judiciaire. Malgré la diversité de ces justifications, tous s’accordent à considérer que la prescription de l’action publique est l’expression d’un droit au pardon, à l’oubli qu’une société accorde à ses délinquants, et que l’on retrouve, dans une plus ou moins grande mesure, dans la procédure pénale de la plupart des grands régimes démocratiques. La lecture de notre Code de procédure pénale, dont articles 7, 8 et 9 disposent que les crimes se prescrivent par 10 ans, les délits par trois ans, et les contraventions par 1 an, accrédite dans cette perspective l’idée d’une admission large du droit au pardon par le droit français. 2ème temps de la problématique : une notion combattue (protection de l’ordre public) Cependant, les impératifs inhérents à la nécessaire sauvegarde de l’ordre public ont, ces dernières années, pris le pas sur le droit au pardon, impliquant un net recul de la prescription de l’action publique. Cette évolution est conforme à l’esprit de la hiérarchie des normes. En effet, alors que la protection de l’ordre public constitue dans notre droit un « objectif à valeur constitutionnelle », le droit au pardon exprimé par la prescription extinctive ne revêt qu’une valeur législative. C’est ce qu’a utilement rappelé l’assemblée plénière de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 20 mai 2011. Saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité tendant à contester la jurisprudence constante de la chambre criminelle relative à la prescription du délit d’abus de biens sociaux, la Haute Cour a affirmé, pour refuser de renvoyer la question au Conseil constitutionnel, que « la prescription de l'action publique ne revêt pas le caractère d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République et ne procède pas des articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ni d'aucune disposition, règle ou principe de valeur constitutionnelle ». Conforme aux normes supérieures, le recul du droit au pardon s’exprime par une acquisition toujours plus tardive de la prescription. Pour faire prévaloir l’impératif de sauvegarde de l’ordre public, législateur et jurisprudence remettent en cause, par touches successives, non seulement la détermination initiale des délais de prescription, mais aussi leurs modalités d’écoulement. D’une 2 www.lautreprepa.fr Corrigé proposé par Céline Garçon part, s’agissant de la détermination initiale des délais de prescription, le législateur multiplie les interventions ayant pour objet de rallonger la durée des délais de prescription (ex : loi du 6 décembre 2013 instaurant un délai de prescription dérogatoire au droit commun pour le délit de fraude fiscale, loi du 9 mars 2004 allongeant la durée du délai de prescription des infractions sexuelles), tandis que la jurisprudence retarde le point de départ de la prescription (ex : jurisprudence relative à la prescription des infractions clandestines). D’autre part, concernant les modalités d’écoulement des délais de prescription, après avoir multiplié les causes d’interruption de la prescription et étendu leurs effets, les juridictions répressives ont récemment conféré une portée nouvelle au mécanisme de la suspension. Ainsi, dans un arrêt rendu le 7 novembre 2014, dans une affaire d’infanticide, l’assemblée plénière de la Cour de cassation n’a pas hésité à donner naissance à une nouvelle cause de suspension de la prescription de l’action publique pour faire prévaloir l’impératif de sauvegarde de l’ordre public sur le droit au pardon de la personne impliquée. Ces évolutions posent immanquablement la question de la persistance du droit au pardon dans notre procédure pénale contemporaine. Or, que l’on se penche vers la détermination initiale de la prescription de l’action publique (I) ou vers les modalités de son écoulement (II), le constat est celui d’une remise en cause de la prescription au profit d’une meilleure sauvegarde de l’ordre public. I- La prescription remise en cause dans sa détermination initiale La détermination ab initio de la date d’extinction de l’action publique par l’effet de la prescription repose d’une part sur la durée du délai de la prescription, et d’autre part, sur la fixation du point de départ de ce délai. Or, les évolutions les plus récentes révèlent non seulement un allongement de la durée des délais de prescription (A), mais aussi un report de plus en plus fréquent de leur point de départ (B), accréditant ainsi l’idée d’un recul de la prescription dès sa détermination initiale. A) L’allongement de la durée des délais de prescription Les délais de prescription de droit commun sont de 10 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits et 1 an pour les contraventions (art.7, 8 et 9 CPP). Ces délais connaissent néanmoins plusieurs exceptions (1), qui, au fil des réformes législatives, se sont faites de plus en plus nombreuses (2). 1) Les allongements traditionnels - Les causes de l’allongement des délais de prescription : c’est le plus souvent la particulière gravité de certaines infractions qui porte le législateur à repousser l’extinction de l’action publique par la prescription. En effet, plus une infraction est grave, plus la société est exigeante lorsqu’il s’agit d’accorder son pardon ; plus la valeur atteinte par l’infraction commise est protégée, plus l’extinction de l’action publique par l’effet de la prescription sera tardive. Or, au fil des années, sont apparues des infractions particulièrement graves. Afin d’adapter la procédure pénale à leur particulière gravité, le législateur a instauré des régimes spéciaux dérogatoires au droit commun. Les infractions jugées d’une particulière gravité ont, de cette manière, vu leur prescription extinctive nettement retardée au regard du droit commun. - Les manifestations traditionnelles: au lendemain de la seconde guerre mondiale, les crimes contre l’humanité, dont l’atrocité venait d’être démontrée, sont devenus des infractions imprescriptibles ; une loi du 31 décembre 1987 a prévu des délais de prescription plus longs en matière de stupéfiants, sévérité accrue par une loi du 8 février 1995 ; les infractions terroristes ont suivi la même évolution (la durée du délai de prescription est de 30 ans pour les crimes et de 20 ans pour les délits pour ces deux dernières catégories d’infractions). 2) Les allongements nouveaux - La protection des mineurs : de manière plus récente, le législateur a entendu accroître la sévérité à l’encontre des auteurs d’infractions commises sur des victimes mineures. Dans cette perspective, la loi du 9 mars 2004 a 3 www.lautreprepa.fr Corrigé proposé par Céline Garçon porté le délai de prescription de l’action publique des infractions mentionnés à l’article 706-47 CPP (meurtre ou assassinat d’un mineur précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie, viol d’un mineur, corruption de mineur, infractions relatives aux images et messages pédophiles, atteintes sexuelles sur mineur) à vingt ans pour les crimes, et à dix ans pour les délits. Poursuivant dans cette lignée, la loi du 4 avril 2006 a allongé la durée du délai de la prescription de l’action publique des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ou une ITT de plus de 8 jours commises sur une victime mineure en la portant à uploads/Finance/ penal-dissertation-2015 1 .pdf

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  • Publié le Mar 30, 2022
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