SUIRE Raphaël. Encastrement social et usages de l'Internet : une analyse jointe

SUIRE Raphaël. Encastrement social et usages de l'Internet : une analyse jointe du commerce et de l'administration électronique. dans : Économie et prévision, n°180-181, 2007-4-5. pp. 161-174; doi : 10.3406/ecop.2007.7677 http://www.persee.fr/doc/ecop_0249- 4744_2007_num_180_4_7677. NOTE DE LECTURE : Introduction L’étude de Raphaël SUIRE réalisée en 2007, porte sur : Encastrement social et usages de l'Internet : une analyse jointe du commerce et de l'administration électronique. Elle a pour objectif d’expliquer sur le plan économétrique l’existence de la fracture numérique de second niveau, à partir d’une analyse jointe de deux usages de l’internet à savoir le commerce électronique et l’administration électronique. Il pose le constat selon lequel la première ligne de fracture qui renvoie à l’adoption des TIC relève des déterminants économiques, tandis que la seconde ligne de fracture est plutôt le fait des variables d’interactions non marchandes et des aptitudes cognitives. Il est fondamental de lire les usages de l’internet indépendamment l’un de l’autre, mais aussi à partir de trois déterminants, notamment la trajectoire individuelle, l’influence sociale des individus et les influences du contexte institutionnel. Pour ce faire, le travail s’est appuyé au plan méthodologique sur les données issues de l'enquête Internet ménage réalisée en 2003 par le Centre d'études de populations, de pauvreté et de politiques socio-économiques au Luxembourg. Ces enquêtes, avaient pour échantillon 750 internautes luxembourgeois représentatifs de la population. Les entretiens ont été réalisés en face à face ce qui a permis de diminuer les biais de non réponses et d'améliorer la robustesse des statistiques. Enfin, les données ont été collectées pour les deux études entre la mi-avril et mi-août 2003. L’étude s’est appesantie de prime abord sur la présentation des similitudes et des divergences existant entre les deux usages, et enfin sur les éléments qui sous-tendent la fracture de second degré. I. La présentation des deux types d’usage Cette rubrique a donné l’occasion au chercheur de mettre en avant d’une part les similitudes existant entre ces deux usages, et d’autre part les points de divergence. En termes de similitudes, il fait remarquer que les deux usages ont pour finalité de créer ou de renforcer une nouvelle forme de partenariat à travers des transactions en ligne entre les différents acteurs en interaction. Le dénominateur commun est le décloisonnement ou la dématérialisation toutes formes d’entraves, de procédures, qui existent entre les acteurs en interaction, et faciliter autant que faire se peut les échanges directs entre ces derniers. Concernant les éléments de divergence, il est à noter que l’accès à l’information est beaucoup plus ouvert ou démocratisée en ce qui concerne l’administration. En entreprise par contre, la prise de décision est beaucoup plus centralisée. Pour finir, le dernier point de divergence se situe au niveau de la rationalité des choix budgétaires. Sur cet aspect, l’auteur fait clairement observer que les choix budgétaires ont plus une portée d’utilité sociale dans l’administration, alors que, dans l’entreprise cette question est abordée sur l’angle de la rentabilité. II. Les éléments explicatifs de la fracture de second ordre Parti du postulat selon lequel la fracture numérique ne peut être uniquement envisagée que sur le plan de la dotation en équipements technologiques, Raphaël SUIRE soutient qu’elle prend également en compte la question relative aux usages de ces équipements, d’où l’évocation de la notion de fracture numérique de second niveau. Ce type de fracture permet de questionner et comprendre les dynamiques individuelles d’adoption et d’usages de ces équipements. Les dynamiques individuelles d’adoption et d’usages des TIC en général et de l’internet en particulier se construisent à partir de l’influence sociale de l’internaute ou des interactions non marchandes qu’il entretient avec son environnement social et institutionnel. L’influence sociale de l’internaute, individu socialement situé et daté1, apparaît comme l’élément fondateur à partir du quel l’on peut observer et établir non seulement un décloisonnement ou une dé-corrélation s’agissant des usages joints de l’internet, mais également expliquer et comprendre la problématique de l’accès et de l’utilisation efficace et efficiente des TIC à partir des stratégies d’adoption et d’usages des TIC et des activités qui s’y greffent. Sans rejeter en bloc l’importance des trajectoires individuelles et du capital culturel personnel concernant l’acquisition des compétences numériques, il reconnait néanmoins que la distance cognitive ou le gap en matière d’usage efficace et efficient des TIC existant entre les différents internautes tient du fait de la capacité des individus à interagir ou non avec les agents sociaux de leur environnement le plus souvent mieux qualifiés, et du rapport de confiance entre les institutions et les internautes. En d’autres termes, les individus font recours au commerce en ligne et à l’administration en ligne parce qu’ils subissent l’influence de leurs alter ego, ou entretiennent un rapport de confiance avec les institutions offreur de services. Un individu vivant dans un environnement où les mentalités sont en osmose avec l’ère du numérique, a une très grande possibilité d’apprendre et d’intégrer dans ses habitudes les différents usages de l’internet. A contrario, un entourage social faiblement connecté, et des rapports de confiance effrités entre l’usager et l’administration, peut constituer un frein au recours à l’internet et subséquemment à ses différents usages. La lecture 1 de la fracture numérique de second niveau dont parle Raphaël SUIRE doit être lue à partir de ces contrastes. En tout état de cause, il n’y pas réellement de lien entre le commerce en ligne et l’administration électronique. Les individus font recours invariablement à l’un ou à l’autre en fonction des rapports qu’ils entretiennent avec d’un côté l’environnement social ou familial proche, et de l’autre côté avec les institutions qui leur offre des services. A ce propos, la notion de capital a donc été mobilisé sous un triple prisme afin de démontrer les mécanismes par les quels les entités individuelles acquièrent les compétences, les savoirs, les savoir-faire en la matière. Cette triple déclinaison du concept de capital social a conduit l’auteur à emprunter aux travaux d’Hilary PUTNAM, la notion de capital social transversal, mettant l’accent sur deux variables en l’occurrence, la variable déclarative de confiance à l'égard des citoyens en général, ainsi que la variable de participation à des structures associatives, consacrant l’association comme étant l’un des lieux par excellence de la densification du réseau social des individus. A partir des travaux de Mark GRANOVETTER, il a été défini la seconde variable à observer à savoir le capital social horizontal renvoyant à l’idée de réseau social au sens stricte du terme, ou de densité relationnelle des individus. Pour finir, le capital social vertical est la troisième notion mobilisée à partir des travaux Margaret LEVI et Laura STOKER. Elle traduit l’idée de confiance des individus en les institutions. C’est à travers ces différents stades d’interactions entre l’internaute et les agents de son environnement que se construisent ou se façonnent des comportements d’usage de l’internet. Ils dépendent de son appartenance à un cadre social bien défini et à la confiance qu’il a des institutions ou encore à son engagement associatif. A titre d’exemple, il ressort d’une part que la densité relationnelle ou le capital horizontal est un élément influent la pratique du commerce en ligne et donne lieu à l’apparition de l’internaute usager citadin. D’autre part, le capital social vertical influence quant à lui la pratique de l’administration en ligne et fait intervenir l’internaute usager citoyen.. Conclusion Il a été question tout au long de cette étude d’expliquer l’existence de la fracture numérique de second niveau, à partir d’une analyse jointe de deux usages de l’internet à savoir le commerce électronique et l’administration électronique. Les différents usages de l’internet dépendent non seulement de la capacité personnelle à développer des habiletés à partir des déterminants sociodémographiques ou de la trajectoire individuelle des usagers, mais aussi et surtout des habiletés reproduites et acquises dans le cadre des interactions de l’usager au sein de son groupe de référence et du rapport de confiance entre lui et son environnement institutionnel. Cette posture adoptée par Raphaël SUIRE se rapproche des travaux de Fabrice Le GUEL, Thierry PENARD2, et aux quels il a d’ailleurs pris part. Tout en réfutant l’importance du marché et par ricochet la recherche de la rentabilité ou de la plus-value, ils ont démontré tout au long de cette étude que les pratiques marchandes se démocratisent plus par le truchement du bouche à oreille que par le marché. Le recours à l’achat en ligne est sous-tendu par une logique de diffusion de proche en proche, un effet d’entraînement ou de contagion. Les modes opératoires aux quels font recours les internautes sont soit le « mimétisme informationnel » de ORLEAN3, soit l’ « apprentissage observationnel » dont fait cas MANSKI4, stipulant qu’un individu peut bénéficier des conseils, l’expertise ou voire des expériences de son voisinage social pour apprendre plus rapidement et réduire d’éventuels risques attachés à l’achat en ligne. Abdoulaye DIAGNE et Ousmane BIRBA5 quant eux ont identifié d’une part les déterminants à l’échelle micro au rang desquels figurent les caractéristiques sociodémographiques personnelles, l’environnement familial et les disparités des lieux de résidence. D’autre part, ils ont fait mention des déterminants à l’échelle macro avec comme variables le taux d’achèvement du cycle primaire et la uploads/Finance/ raphael-suire-encastrement-social-et-usages-de-l-x27-internet-une-analyse-jointe-du-commerce-et-de-l-x27-administration-electronique.pdf

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  • Publié le Dec 31, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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