1 PERSPECTIVES DE RÉFORME ADAPTATIVE DE LA ZONE FRANC: Pour des ajustements con
1 PERSPECTIVES DE RÉFORME ADAPTATIVE DE LA ZONE FRANC: Pour des ajustements concertés. Par Professeur Moustapha Kassé, Président de l’Ecole de Dakar Membre des Académies de Sciences et Techniques du Sénégal et du Maroc Commandeur de l’Ordre National du Lion, Officier des Palmes académiques Doyen Honoraire de la FASEG. INTRODUCTION. Les mécanismes monétaires ne sont pas créés pour eux-mêmes : ce sont des instruments qui facilitent la production et les échanges. En conséquence, ils doivent refléter les mécanismes productifs et s’y conformer. « L’Histoire de l'Union monétaire ouest-africaine » est analysée par la BCEAO dans un ouvrage peu connu des chercheurs (Éditions Georges Israël, en 3 volumes, 1200 pages). Les avantages, les inconvénients et tous les projets élaborés depuis soixante ans y sont largement développés. Également, le rôle du système financier est examiné ainsi que l'efficacité de la politique monétaire. L’une des limites de ce travail monumental concerne essentiellement les perspectives évoquées au quatorzième et dernier chapitre de l’ouvrage. Elles auraient pu faire l'objet d'une analyse plus approfondie, malheureusement, ce chapitre ne comporte que douze pages au moment où la zone a atteint un cycle optimal de vie et doit conséquemment subir des réformes adaptatives devenues inévitables dans le contexte d’une mondialisation darwinienne, de haute compétition. Les mutations démentielles intervenues dans la globalisation financière ont permis aux marchés financiers d’acquérir des pouvoirs trop étendus, de contrôler l’essentiel des circuits de financement à l’échelle mondiale et de déterminer les rythmes de croissance des économies. Les transactions opérées sur les marchés de change représentent environ 1500 milliards de dollars par jour soit plus de 50 fois les flux réels de marchandises. Cette globalisation financière provoque la multiplication et le durcissement des chocs asymétriques, généralise le régime de change fixe ajustable qui permet de tirer meilleur profit des avantages compétitifs, globalise l’écosystème financier avec la formation d’un méga marché des capitaux qui installe l’instabilité et les risques au cœur du Système Monétaire International. Les risques de cette mondialisation financière ont été sous-estimés et les gains surestimés, elle expose les autorités monétaires à défendre quotidiennement leur taux de change face à la spéculation. Le très libéral hebdomadaire britannique « The Economist » observait, en 2003, « Désastres financiers périodiques, crises de la dette, fuites de capitaux, crises de change, faillites de banques, krachs boursiers… C’est assez pour forcer un bon libéral à s’arrêter pour réfléchir ». Cette conjoncture coïncide avec une crise des organisations internationales de régulation (FMI, Banque mondiale, BRI, l’OMC) révélée par l’impertinence de leur épure théorique, la panne d’idéologie, le manque de légitimité, la concurrence d’autres organes de régulation (PNUD, CNUCED etc.). Cette crise a notablement affaibli leurs diagnostics et remèdes malgré leur autisme, aveuglement et entêtement totalement absurde, à les maintenir dans les pays africains. C’est dans ce contexte qu’un groupe d’économistes réaniment un vieux débat dans un ouvrage intitulé « Sortir l’Afrique de la servitude monétaire. À qui profite le franc CFA ? » Pourquoi sortir ? Comment sortir et à quels coûts ? Quelles sont les propositions alternatives ? Quelles incidences sur chacun des États membres qui ont des situations économiques asymétriques ? En résumant les idées de ces auteurs qu'on peut appeler « les souverainistes », on trouve pèle mêle : le démantèlement de la zone franc (souveraineté monétaire), la mise en place de politiques monétaires nationales autonomes permettant une manipulation des taux de change et des taux d’intérêt (Références incomplètes et analyses trop insuffisantes du système monétaire des pays émergents d’Asie), l’abandon de la parité fixe et de l’arrimage à l’Euro, la résiliation du Compte d’opération pour une utilisation plus productive des ressources de la BCEAO et les changements institutionnels de celle-ci. 2 Le débat mené en ces termes est éminemment politique avec des soubassements analytiques et empiriques plus empreints d’idéologie et d’émotion que de techniques rigoureuses d’approche. Ni les coûts de sortie, ni les incidences sur les systèmes productifs ne sont évalués. Ces réflexions sont bien en deçà des travaux des 300 chercheurs africains réunis à Ouagadougou en 2001, travaux consignés dans l’ouvrage : « L’avenir de la zone franc » que nous avons coédité (aux Éditions Karthala) avec le Professeur Hakim Ben HAMMOUDA (ancien ministre de l’économie et des finances de la Tunisie) , bien en deçà, également, de la recherche collective menée par des économistes et universitaires de la CEDEAO autour du thème « Sortir du sous-développement, quelles nouvelles pistes pour l’Afrique de l’Ouest ?». Nous avons assuré, pendant deux ans, la présidence du Comité scientifique comprenant les Professeurs Bamba Abdoul GADIRI (Problématique de la convergence), IGUE John (Historien, Le Bénin un État entrepôt) et G. SEMEDO (La Zone franc Mécanismes et perspectives) et des auteurs anglophones du Nigéria, Ghana, Cap-Vert etc. Un symposium de restitution a été organisé à Ouagadougou en juin 2010, suivi de la publication d’un ouvrage (en 2 tomes à l’Harmattan). L’expérience montre que l'introduction de nouvelles monnaies nationales engendre : premièrement de lourdes contraintes de régulation institutionnelle pour chacun des Etats: pour quelle économie et quelle politique monétaire. Comment gérer les inéluctables mouvements spéculatifs, les fortes anticipations inflationnistes, les réajustements en cascade qui amèneront une perte de confiance aux monnaies nationales respectives et une intensification de la fuite des capitaux ? En exemple, les cas spectaculaires du zaïre de Mobutu, du franc malien, du dollar de Zimbabwe, ces monnaies ont fait de leurs populations des milliardaires qui ne peuvent pas payer une baguette de pain ; deuxièmement des coûts attachés à l'impression et à la fonte d'une nouvelle monnaie fabriquées forcément à l’étranger. Ce sont les fameux «coinage costs» ; troisièmement des coûts d’apprentissage de la gestion monétaire et d’une nouvelle gouvernance de l’ensemble de l’écosystème monétaire et financier; quatrièmement des coûts liés aux effets externes négatifs des déficits budgétaires considérables, de la monétisation de la dette et de l’intensification de la fuite des capitaux et cinquièmement des coûts quasi permanents d’ajustement et de réajustement monétaire pour faire face à l'asymétrie des chocs externes qui deviendront plus nombreux et produisant de multiples incidences sur le productif et financier. L’absence de réponses concrètes à ces problèmes intangibles et complexes nous conduisent à analyser les avantages de la Zone franc ainsi que ses inconvénients pour mieux cerner les réformes adaptatives et les ajustements indispensables en sachant que rôle économique de la ZF dans l’économie française est marginal : 4% des échanges et des investissements à l’extérieur et 1,5% de sa masse monétaire globale. Par ailleurs, selon Pankaj GHEMAWAT les échanges entre 2 pays sont : 114% plus importants s’ils ont la même monnaie et 118% supérieurs si, à un moment de leur histoire l’un a colonisé l’autre (Problèmes économiques 2012). Il faut souligner, un problème qui passe inaperçu, que certaines rigidités des changements institutionnels procèdent du fait que l’existence de la Zone Franc fait de la France, en apparence, une puissance monétaire pouvant justifier une certaine capacité d’influence sur les règles de jeu du Système Monétaire International, capacité qui est quasi négligeable presque proche de zéro. I/ Les avantages liés à l’appartenance à la Zone Franc. La Zone franc a produit des avantages bien connus qui sont au nombre de cinq : la stabilité de la monnaie que recherchent toutes les monnaies du monde ; la convertibilité qui encourage les Investissements Directs étrangers rendus nécessaires par le lourd déficit d’épargne ; l’accroissement des échanges avec l’UE qui est la première puissance commerciale mondiale par suite de l’absence de risque de change et de commission; le levier pour l’assainissement des finances publiques et la lutte contre l’inflation ; un espace de solidarité et de coprospérité tiré par les principaux moteurs que sont la Côte d’Ivoire et le Sénégal : les excédents des uns ont toujours comblé le déficit des autres. 3 Ces avantages ont créé un climat de confiance qui a facilité les Investissements Directs étrangers et ont eu pour conséquence d’abord une croissance économique appréciable des pays (que de bonnes politiques d’offre peuvent accroitre), ensuite une faible croissance monétaire et une inflation maitrisée (qui influe sur le pouvoir d’achat), en outre, une forte surliquidité des banques et enfin un niveau appréciable des réserves extérieures de la Banque Centrale. À cela s’ajoute une rigoureuse discipline monétaire consistant à contenir l’expansion de la liquidité pour éviter les tensions inflationnistes ruineuses (Cf, Zaïre, Mali, Zimbabwe, etc.). Il faut souligner deux autres aspects remarquables de la zone franc : la croissance et l’inflation. Les travaux réalisés avec le Prof. K. KANE (Mondialisation et indépendance monétaire : Le CFA face à l’Euro) montrent que les performances de ce binôme croissance/inflation ont été et demeurent, encore aujourd’hui, plus importantes dans la Zone que dans le reste de l’Afrique. Le Rapport "Perspectives économiques mondiales", publié par la Banque mondiale en 2016, observe qu’en « Afrique de l'Ouest, les pays francophones de l'espace UEMOA ont enregistré une progression globale de la croissance supérieure à 6 % pour la quatrième fois en cinq ans (6,3 %). Si la Côte d'Ivoire et le Sénégal ont réalisé les meilleures performances (7,8 % et 6,6 %), la croissance a continué à être uploads/Finance/ reforme-de-la-zone-franc-verse-def-corrige.pdf
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- Publié le Sep 24, 2021
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