CHAPITRE 1 La start-up, acteur de la mutation numérique : un défi pour les entr

CHAPITRE 1 La start-up, acteur de la mutation numérique : un défi pour les entreprises leaders Le mot « start-up » recouvre des réalités largement hétérogènes. Il est mal ou pas défini. Dans le sens commun, il renvoie de manière floue au vaste monde des nouvelles technologies, sans que l’on sache bien au juste ce qui le caractérise. Mais il est une intuition à son sujet : une start-up serait le parfait contraire du leader établi, sans que l’on sache non plus bien définir ce que l’on entend par là. Du point de vue de la start-up, l’entreprise de référence est, à première vue, la cible à concurrencer. Elle fait figure de dinosaure dépassé, de concurrent établi à la destinée nécessairement déclinante. Du point de vue du leader, la start-up ressemble à un trublion, un agitateur à chasser rapidement, une petite voix contrariante à rapidement étouffer. Or, à y regarder de plus près, les réalités sont plus complexes, les lignes de démarcation entre ces deux mondes économiques moins nettement dessinées, les définitions plus poreuses. Google, leader reconnu, n’emprunte-t-il pas beaucoup au modèle de la start-up, au point qu’on peut le qualifier de méga-start-up ? Pourquoi BlaBlaCar est-il une start-up pure et parfaite, là où Uber n’est pas une jeune pousse radicalement innovante montée en graine ? Pourquoi les entreprises créées ou dirigées par Elon Musk (PayPal, SpaceX, Tesla Motors, entre autres) ne peuvent-elles être clairement rangées sous la catégorie start-up ? Est-ce la taille qui fait la start-up ? Une clarification des termes à ce propos s’impose pour bien comprendre quelle est l’identité de ce nouveau concurrent que l’entreprise leader trouve face à elle. La start-up n’évolue pas nécessairement dans l’économie numérique, comme le veut le lieu commun. La start-up peut être médicale, biologique, médiatique, marketing… La confusion ou l’assimilation vient simplement du fait que la start-up est une entreprise qui utilise, plus et mieux que ses concurrentes, les nouvelles ressources des technologies numériques, qu’il s’agisse de l’internet, de robots ou d’équipement informatique. Néanmoins, toute entreprise que l’on peut qualifier d’innovante ne se voit pas attribuer automatiquement le titre de start-up. La traduction française du terme – jeune pousse – est également trompeuse ; il est des entreprises naissantes qui ne sont pas des start-up. Le concept de start-up est donc souple. Il fait cohabiter trois idées : celle de petite taille, celle de nouvelles technologies et celle de démarrage, couplées à celle de nécessité d’une croissance rapide 1. Mais aucune de ces dimensions, prise isolément, ne suffit à faire d’une entreprise une start-up. Une start-up est une entreprise créée il y a peu, qui cherche à grandir coûte que coûte, proposant un modèle d’offres innovant et usant de moyens qui puisent aux sources des nouvelles technologies numériques. En réalité, une quatrième dimension permet de distinguer deux familles de start-up et, partant, de caractériser de façon plus précise le type de concurrence auquel le leader est en butte. D’un côté, se situent les start-up non mutantes. De l’autre, les start-up mutantes. Qu’est-ce à dire ? Les premières exercent le même métier que les entreprises traditionnelles avec des moyens nouveaux. Certaines vendent par exemple des chaussures, mais via un canal commercial digital. Le métier et la nature du produit ont peu ou pas changé dans ce cas : Uber offre le même service que celui qu’offrent les taxis. On trouve en revanche des start-up qui s’appuient sur des révolutions sociologiques et pas seulement sur des percées technologiques. BlaBlaCar et Airbnb en sont deux illustrations. Il est certain que ces entreprises n’existeraient pas sans l’internet. Mais elles ne s’expliquent pas que par lui. La technologie ne suffit pas à définir cette seconde catégorie de start-up. Il faut y rajouter une mutation sociologique. Dans le cas d’Airbnb, l’offre n’est pas la même que celle d’un hôtel Accor. Dans le cas de BlaBlaCar, l’offre n’est pas non plus la même que celle du loueur Avis. Uber fait au contraire partie de la première catégorie. Ses services ne concourent pas à une mutation sociologique mais s’appuient seulement sur un nouveau moyen technologique. Le service est comparable à ce que promet une course en taxi. Autre exemple, TripAdvisor n’est pas non plus une start-up mutante. Son seul avantage, certes de taille, correspond à son vaste site web et son réseau d’établissements. Les start-up non mutantes peuvent être remarquables par leur efficacité et la qualité de leurs services. Elles peuvent déjà largement dominer leur domaine. Mais elles ne seront pas les plus difficiles à contrer pour les entreprises leaders. Elles ont bien entendu changé de culture, d’outils, de support par rapport aux groupes installés. Elles ont changé de vitesse. Elles ont parfois considérablement amélioré la qualité des services et changé d’univers en termes de compétitivité en se rapprochant pour certaines des contours du low cost. Mais, dans le fond, elles exercent le même métier. Leurs raisons d’être sont proches ou identiques. Entre une start-up qui vend des vêtements en ligne et un grand acteur du textile qui a pignon sur rue, la distance n’est pas si grande à combler pour le second, quand elle est colossale pour la première – qui ne cherche pas forcément à le faire. Les start-up mutantes donneront bien plus de fil à retordre au leader. Elles reposent moins sur des mutations technologiques que sur des mutations sociologiques, qui sont deux choses bien différentes. Elon Musk est, par exemple, le champion de la mutation technologique. L’essentiel de la voiture de Tesla Motors, dont il est l’un des principaux dirigeants, ne réside pas dans la mécanique, mais dans la batterie électrique. Il est le promoteur de la batterie à bas prix. Dans l’industrie spatiale, c’est l’approche par les coûts qui est novatrice. Ce n’est pas un créateur de start-up, malgré l’image que l’on peut s’en faire ou qu’il s’évertue à donner. Il ne respecte pas le critère de la taille ; il crée des entreprises de grande envergure dès l’origine. Les dimensions de son usine de batteries implantée au Nevada sont impressionnantes. Il préfère pousser à l’extrême des concepts industriels et commerciaux classiques, comme l’optimisation opérationnelle, l’esthétique du produit, l’approche par les coûts ou l’intégration de technologies à de nouveaux domaines. Soutenues par le gouvernement américain via des subsides ou des commandes publiques, ses sociétés n’ont rien de start-up. Elles ressemblent davantage, si l’on peut dire, à des programmes comme le Concorde, qu’aux débuts, devenus mythiques, de Google. Son aspect novateur vient du fort effet de stimulation qu’il exerce sur l’industrie. Il n’y a qu’à voir l’ampleur de la riposte, qui a de bonnes chances de s’avérer victorieuse, des géants de l’automobile qui mettent sur pied des voitures électriques à grande autonomie et à pilotage automatique. Les tendances sociologiques dont les start-up dites mutantes s’inspirent se répartissent autour de quatre pôles, dont le premier, le plus important, est l’idée de partage. Les technologies de l’information et de la communication permettent un partage des biens personnels de premier ordre, comme la voiture ou la maison, qui n’était pas possible auparavant et, surtout, auquel les usagers sont à notre époque prêts à consentir contre rémunération. La garantie de réputation d’un inconnu, la sécurité des transactions, la mise en relation massive entre offre et demande, ainsi que la mise à disposition d’une somme d’informations n’étaient pas concevables jusqu’à il y a peu. Il faut pourtant se garder d’interpréter ce phénomène comme un élan de partage généreux. Loin d’être altruiste, il se rapproche plutôt de l’acceptation, pour une durée limitée, d’une perte de jouissance personnelle sur un bien. Le but poursuivi est d’obtenir un prix plus avantageux du côté de la demande et un complément de revenu du côté de l’offre. Il y a fort à parier que la volonté de protéger l’environnement ne se range pas parmi les premières raisons du covoiturage marchand. La perspective d’un moindre coût l’emporte sur la connotation humaniste. Le premier motif pour louer un appartement ou une chambre via Airbnb n’est pas le désir de rencontre. Dans la plupart des cas, le propriétaire n’occupe pas l’appartement pendant le séjour du locataire. Il n’est même pas sûr que l’essor de cette économie du partage signe un recul du sens de la propriété. L’usage ne se substitue pas encore à la propriété, ni la réparation au remplacement. Il ne faut pas pousser à l’extrême la volonté de mutualisation des biens onéreux, comme l’habitat ou la voiture. Les générations antérieures n’auraient peut-être pas consenti à ouvrir leurs intérieurs – de toute façon, elles n’en avaient pas les moyens techniques –, alors que les générations actuelles y sont prêtes. Le terme de « communauté », à l’instar de ceux de « collaboration » ou de « partage », est trompeur. Il faut se garder de confondre la valeur utilitaire d’un bien et sa valeur sociale 2. Aucune mise en commun durable d’un bien n’est visée. Le partage entre d’ailleurs en contradiction avec la médiation d’un marché. La gratuité n’est plus un critère pertinent : Google et Facebook offrent des services gratuits, mais en attendent un profit. uploads/Finance/ test-transformer-ou-mourir-clean.pdf

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  • Publié le Jui 17, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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