APPLICATIONS PRATIQUES DE LA THEORIE DES COUTS DE TRANSACTION* Michel GHERTMAN

APPLICATIONS PRATIQUES DE LA THEORIE DES COUTS DE TRANSACTION* Michel GHERTMAN Département Stratégie et Politique d’Entreprise Groupe HEC 78351 Jouy en Josas Cedex, France 33 (1) 39 67 72 74 Fax : 33 (1) 39 67 70 84 Erreur! Signet non défini. * Michel GHERTMAN Copyright. Cette étude a été réalisée avec l’aide de Allègre Hadida et avec le concours de la Fondation HEC. 5 APPLICATIONS PRATIQUES DE LA THEORIE DES COUTS DE TRANSACTION Cette étude est consacrée aux applications pratiques de la théorie des coûts de transaction. Elle commence par traiter les raisons de l'existence de cette théorie et rappelle ses principaux concepts. Deux types d'applications pratiques seront traitées : d'abord celles utilisées par les entreprises, ensuite les applications par les Etats. I - LA THEORIE DES COUTS DE TRANSACTION : RAISONS ET PRINCIPES Nous expliquerons dans un premier temps les raisons de l'existence de cette théorie avant d'en rappeler les principaux concepts et l'objet. I - A - Pourquoi la théorie des coûts de transaction ? La question ayant donné lieu au titre ci-dessus peut être divisée en trois parties : - Pourquoi l'entreprise en est-elle un objet parmi d'autres? - Pourquoi a-t-elle été créée par des économistes ? - Pourquoi intéresse-t-elle les dirigeants dentreprises ? Pourquoi l'entreprise est l'un des objets de la théorie ? Dans la théorie économique néoclassique, l'entreprise n'est pas un objet d'intérêt légitime. Seul le marché existe. Le marché, au sens de la théorie économique néoclassique, est un système de prix qui donne les signaux nécessaires aux entreprises pour ajuster leur niveau de production. L'entreprise, la base de l'offre, n'est qu'une fonction de production. La demande des clients est une fonction de préférence indiquant l'utilité qu'ils perçoivent pour des produits concurrents. L'équilibre de l'offre et de la demande s'effectue à la marge des deux fonctions : production et demande. La stratégie n'est donc pas une discipline légitime au sein de la théorie néoclassique puisque l'entreprise fixe son niveau de production de façon automatique en fonction de la variation du niveau des prix. 6 L'application la plus importante de la théorie néoclassique pour l'environnement institutionnel des entreprises concerne le droit de la concurrence. Puisque l'entreprise est une fonction de production, tout accord inter-entreprises est considéré comme illégal ou tout au moins avec suspiscion par les autorités responsables de la mise en oeuvre du droit de la concurrence. Les contrats de distribution exclusifs, les accords de licence ou de franchise ainsi que les rachats de fournisseurs ou de clients créant une intégration verticale, sont perçus à priori comme une action de la firme pour assurer son pouvoir de marché. Elle cherche à faire monter les prix et s'assurer d'une rente illégitime qui va à l'encontre du bien-être des consommateurs. Influencées par l'idéologie néoclassique, ces autorités pensaient qu'il s'agissait de mouvements collusifs destinés à empêcher la concurrence et à augmenter les prix. Il devenait donc très important pour justifier l'existence des entreprises et en particulier des grands groupes industriels et commerciaux, de trouver une base théorique à leur activité. En effet, jusque-là, et surtout aux Etats-Unis, le législateur était uniquement influencé par les économistes néoclassiques dans l'établissement des règles de la concurrence. C'est Ronald Coase qui le premier en 1937 a fondé la légitimité de l'entreprise sur sa capacité à effectuer des transactions en interne d'une manière plus économique que par le marché. La base de la création de cette légitimité tient dans un déplacement de l'objet de l'économie. Auparavant, l'économie s'intéressait uniquement à la production. Depuis Coase (1937), les transactions font également partie de l'objet de l'analyse économique. Ce déplacement du champ d'application de l'économie est essentiel pour deux raisons. La première tient à l'accroissement considérable de la part des transactions dans le produit national brut d'un pays. Wallis et North (1986) ont montré que les coûts de transaction de l'économie américaine étaient de 45 % en 1970 alors qu'ils n'étaient que de 25 % en 1870. Dans les économies industrielles développées d'aujourd'hui, la production représente probablement moins de la moitié de la valeur ajoutée. Ce pourcentage ne fera probablement que décroître avec le temps. La deuxième raison tient aux préoccupations actuelles des dirigeants. Au dix-neuvième siècle, lors de la construction des économies industrielles, tout ce qui se produisait se vendait. Les dirigeants pouvaient donc concentrer leur attention uniquement sur les questions de production. Maintenant, leur tâche est totalement différente. Ils ne gèrent plus des unités de production et des vendeurs. Ils font du management stratégique. Cette pratique, étudiée comme une discipline (Ghertman, 1989), se définit en trois dimensions. Les chefs d'entreprise 7 doivent d'abord s'intéresser à décider de leurs domaines d'activités, c'est-à-dire les secteurs dans lesquels ils peuvent fabriquer les produits ou mettre sur pied des services qui seront vendus. Ensuite, il leur faut construire des organisations qui représentent une capacité leur permettant de survivre dans un environnement de plus en plus concurrentiel et de plus en plus international. Troisièmement, ils ont besoin de se décider sur les opérations qui doivent être faites à l'intérieur des frontières de leur entreprise, sous-traitées à des fournisseurs ou distributeurs ou réalisées sous forme de filiales communes ou d'alliances avec d'autres entreprises qui peuvent être également des concurrents. En théorie des coûts de transaction, ces décisions correspondent au choix entre des modes de gouvernance alternatifs. Les dirigeants doivent donc intégrer trois types d'analyse : l'économie de leur secteur, celle de leurs capacités et enfin la nature des transactions auxquelles leur groupe participe. Si la théorie des coûts de transactions ne recouvre pas directement les trois composantes du management stratégique, elle est la seule à pouvoir traiter directement des frontières de l'entreprise dans un esprit d'économie. Pourquoi par des économistes ? Ce sont les économistes qui ont développé la théorie économique néoclassique. Pour arriver à montrer ses insuffisances, il fallait des économistes maîtrisant suffisamment bien l'ancienne théorie pour montrer ses limites et en élaborer une autre qui la complète. Les auteurs intéressés par le management étaient trop occupés à faire autre chose, c'est-à-dire à s'intéresser à la gestion interne des entreprises pour développer de nouvelles théories. Leur point fort consistait à créer des cadres conceptuels et des principes de management (Taylor,1911, Fayol, 1916, Barnard, 1938, Mintzberg, 1986). Aujourd'hui toutefois, peu de gestionnaires ont compris l'intérêt de la théorie des coûts de transaction. Par contre, les programmes de doctorat de management de haut niveau possèdent un cursus très développé sur cette théorie et les recherches empiriques auxquelles elle a donné lieu. Les théoriciens de l'organisation peuvent maintenant joindre leurs efforts aux économistes,et dans une moindre mesure aux juristes, pour enrichir une théorie dont les applications pratiques au management sont indéniables. Pourquoi un intérêt par les dirigeants de l'entreprise ? 8 La théorie des coûts de transaction, née avec Coase en 1937 et surtout élaborée par Williamson à partir de 1975, a donné lieu à de très importants développements empiriques depuis 1985. C'était le moment de la remise en cause des anciens grands principes de management hérités de Taylor et Fayol. L'organisation "scientifique" du travail, le contrôle détaillé des tâches, le planning systématique de toutes les opérations commencaient à entrer au musée des techniques managériales. Le reengineering (Hammer et Champy 1990, Ghertman, 1994) en est une illustration frappante. L'intérêt des entreprises est basé sur trois remises en cause. La première concerne l''intégration verticale. Elle était souvent considérée auparavant comme la meilleure solution pour l'entreprise qui pouvait ainsi tout organiser et tout contrôler à l'intérieur de ses propres frontières. L'archétype était IBM. Cette société se sentait alors capable d'acquérir à l'extérieur toutes les compétences pour développer, fabriquer et vendre elle-même tout ce qu'elle souhaitait faire avec ses clients. La première chose que les entreprises ont faite pour remettre en cause ce principe a été l'accroissement de la sous-traitance et le développement considérable des alliances. Les frontières de l'entreprise se sont considérablement rétrécies et elles sont devenues beaucoup plus floues. En 1996, avec à peine un peu plus de deux cent mille personnes, IBM compte environ deux fois moins d'employés qu'en 1989. Elle est engagée dans un nombre très important de collaborations et de sous-traitances avec d'autres firmes. La deuxième remise en cause des principes de management inclut les préoccupations nouvelles de l'internationalisation des entreprises. Les multinationales existent depuis un siècle et se sont fortement développées depuis 1945 (Ghertman, 1982). La nouveauté vient de ce qu'elles doivent maintenant faire le choix de leur mode de présence à l'étranger dans des environnements asiatiques. Ils sont beaucoup plus incertains que les environnements européens et nord-américains dont elles avaient l'habitude. Elles ont donc encore plus besoin qu'auparavant d'une méthode leur permettant de choisir entre les différents modes possibles de présence à l'étranger. Comme le choix du plus ou moins d'intégration verticale, c'est l'une des questions auxquelles la théorie des coûts de transaction permet de répondre. Le troisième domaine de remise en cause est évidemment le Taylorisme c'est-à-dire la division scientifique du travail et son corollaire, la parcellisation des tâches avec l'augmentation des 9 procédures et des contrôles. Elle a conduit à un accroissement considérable des bureaucraties uploads/Finance/ theorie-des-couts-de-transactions.pdf

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  • Publié le Dec 23, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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