Concours 1ère année 2012 : Epreuve à Option Droit commercial L’intérêt social C
Concours 1ère année 2012 : Epreuve à Option Droit commercial L’intérêt social Correcteur/ auteur du sujet : Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences, ENS Cachan 1 / Difficulté du sujet Le thème de l’intérêt social est un sujet classique du droit commercial, censé ne pas affecter, en raison de sa neutralité, le changement d’auteur et de correcteur du sujet entre les sessions 2011 et 2012. De ce point de vue, la question de l’intérêt social, extrêmement transversale et alimentée en permanence par des courants doctrinaux puissants, a donné l’occasion, à de nombreux candidats, d’asseoir une dissertation riche dans le cadre d’une thématique, apparemment, bien maîtrisée. En l’occurrence, en dépit d’un effort de synthèse, le sujet ne présentait aucune difficulté autre que le respect des formes canoniques de l’épreuve et du particularisme de la matière. 2 / Contenu indicatif Nous ne saurions que renvoyer aux nombreux ouvrages qui traitent de cette notion passionnante qu’est l’intérêt social pour proposer une réflexion sur le contenu idéal d’une dissertation de droit commercial à travers les lacunes rencontrées dans les productions des candidats. A propos des théories, d’abord, on relèvera une description plus que satisfaisante des trois grands courants dominants qui animent la doctrine : la thèse de l’assimilation à l’intérêt des associés, celle de l’orientation vers l’intérêt de l’entreprise et celle du « juste milieu » qu’on rattache parfois à l’intérêt de la personne morale. Ceci étant posé, les productions purement théoriques étaient variables, qu’il s’agisse de l’étendue ou de la profondeur des connaissances, mais ces différences ont semblé davantage constituer des différences de degré plutôt que des différences de niveau et, de facto étaient sans relation avec la profondeur du raisonnement (du moins pour les candidats ayant préparé sérieusement l’épreuve). Les théories étant posées, toutefois, et leurs auteurs identifiés avec plus ou moins de bonheur, se posait la lancinante question de l’intérêt, pour la logique juridique, de parer une notion aussi opérationnelle - et qui paraissait fort simple aux origines du code de commerce - de considérations démesurément byzantines. C’était là tout l’intérêt du débat que personne, ou presque n’a pu véritablement découvrir. On rappellera que les thèses (rares en France) permettant de maximiser la valeur actionnariale répondent à une logique de défense des petits actionnaires sur les marchés financiers et que, même si elles peuvent paraître exacerbées, ces représentations de l’intérêt social constituent un des axes du raisonnement présidant à la mise en place de la gouvernance d’entreprise, paradoxalement, elles se nourrissent également, de la thèse de l’intérêt social « intérêt commun ». A l’inverse, la thèse de l’intérêt social / intérêt de l’entreprise, elle également, fortement ancrée en doctrine peut trouver une illustration dans la relation entre l’intérêt social et l’environnement des petites entreprises, largement perméables à leur environnement social et familial. Paradoxalement, là encore, elle permettent d’appréhender le groupe de société qui n’a pas la personnalité morale. La thèse de l’intérêt social / intérêt de la personne morale, en définitive, ne fait que placer un curseur mobile entre l’alpha et l’omega doctrinal décrit plus avant : l’appréciation de l’intérêt social et de sa définition dépend de la forme adoptée par la personne morale (de la SA cotée à l’EURL). A lire les copies, cependant, on aurait pu croire que le débat doctrinal n’était que virtuel alors qu’en réalité, les enjeux pratiques des solutions préconisées étaient extrêmement importants. Nous rappellerons que la définition de l’intérêt social joue ainsi un rôle pratique fondamental : dans la mise en œuvre de l’abus de biens sociaux, dans l’abus de majorité (minorité/égalité) etc…autant de manifestations de distorsion du fonctionnement des sociétés susceptibles de déboucher sur des condamnations, civiles, commerciales mais également pénales. C’est cette notion qui, à l’évidence, renvoie aux inquiétudes des acteurs du commerce quant à l’imprécision des théories susceptibles de servir de base à des sanctions, et plus particulièrement, à une incrimination pénale. Au-delà, l’enjeu pratique, dans la caractérisation de différentes fautes, ne pouvait être ignoré. Ces différents enjeux, toutefois, n’ont pratiquement jamais été traités, le plus souvent par manque de réflexion et pensons-nous, de méthode. La recherche de la citation brillante et de la théorie la plus clivée a trop souvent été privilégiée avec des effets désastreux : hypertrophie de l’introduction, toute dédiée à l’explication des théories, anémie corrélative de la dissertation stricto sensu faute de connaissances suffisantes en droit substantiel, ignorance de la logique d’organisation des pouvoirs qui caractérise le droit des sociétés… la dissertation requiert des appuis sur le droit positif, ce qu’il convient de ne jamais oublier. Quant au droit substantiel, précisément, il laisse une large part aux décisions de jurisprudence que, là également, il ne fallait pas ignorer. A ce titre, on relèvera que la place de l’intérêt social dans la jurisprudence sur l’abus de majorité a été le plus souvent ignorée des candidats et, que seules de très rares copies évoquent ce même intérêt dans la qualification d’abus de biens sociaux. Ce constat est plutôt inquiétant si l’on constate que nombres de candidats citent fort exactement Ripert dans le texte ou sont capables de référencer avec précision les publications des auteurs dont les travaux ont porté sur l’intérêt social. Là encore, la culture en « fiche » semble avoir fait long feu (cf, teneur du rapport 2012 sur l’épreuve de droit civil). On soulignera, enfin, la politique législative en matière d’intérêt social. La notion, non définie, est ainsi utile par sa plasticité, et la faculté que le législateur accorde au juge pour apprécier les violations de l’intérêt social trouve sa justification dans la possibilité qui lui est offerte de faire varier son appréciation en fonction des circonstances de la cause. On relèvera, ainsi, que la notion d’intérêt social est le plus souvent confondue, sémantiquement dans les arrêts de Cour de cassation avec celle d’intérêt général ou intérêt de la société, le juge du droit se faisant, par la même, l’écho du large champ terminologique utilisé par le code civil (où l’on voit même le terme « intérêt commun des associés » - a. 1833 -) et le code de commerce pour cerner la notion d’intérêt social. Rennes, le 3 juillet 2012 Jean Baptiste Lenhof Maître de conférences à l’ENS Cachan. uploads/Finance/ tres-belle-presentation-de-l-x27-interet-social.pdf
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- Publié le Mai 29, 2022
- Catégorie Business / Finance
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