1 La microfinance. Quels impacts économiques et sociaux ? Philippe JEANNIN, Mar

1 La microfinance. Quels impacts économiques et sociaux ? Philippe JEANNIN, Mariam SANGARE IUT de Tarbes – Université de Toulouse (Toulouse 3) Département GEA 1 rue Lautréamont, BP 1624, 65 016 Tarbes CEDEX LEREPS – Université de Toulouse (Toulouse 1) Manufacture des tabacs, 21 allée de Brienne 31 000 Toulouse Philippe.Jeannin@univ-tlse1.fr. http://www.iut-tarbes.fr/rech/cv/Jeannin2007.pdf sangarem@hotmail.fr Section de rattachement : 5 Secteur : Tertiaire RESUME. Pourquoi mesurer les impacts de la microfinance ? Pour trois raisons principales : prouver la capacité de l’outil à atteindre ses objectifs de lutte contre la pauvreté et l’exclusion financière, attirer les financements publics et privés, mieux connaître les besoins des clients pour mieux les servir. Les études d'impacts adoptent des techniques de mieux en mieux élaborées pour évaluer l’impact des programmes sur les bénéficiaires en termes économiques et sociaux. Cependant des difficultés liées parfois aux caractéristiques mêmes des programmes rendent la tâche difficile à mener, un modèle universel d’évaluation n’étant pas disponible à ce jour ni du côté des praticiens ni des analystes. MOTS-CLES : microfinance, microcrédit, institutions de microfinance (IMF), impacts, pérennité. 2 Aux exclus du système financier formel, la microfinance fournit des services diversifiés (Blondeau 2006) : des microcrédits pour financer des fonds de roulement de court terme et de petits crédits d'investissements (Labie 2004), mais aussi des services d'épargne et d'assurance. On trouve aujourd'hui des institutions de microfinance (IMF)1 en Afrique, en Amérique latine, en Asie, comme en Europe et aux États-Unis. On estime que la microfinance compte plus de 90 millions de clients et distribue 4,5 milliards de $ de crédits (Blondeau 2006), ce qui reste faible par rapport au système financier formel. Cependant son caractère innovant comme son développement très rapide poussent l'économiste à s'interroger sur ses impacts économiques et sociaux, au moment où elle atteint une sorte d'âge de raison. La microfinance, par l'activité économique qu'elle autorise dans les foyers, génère un effet revenu, elle améliore consommation et épargne, au bénéfice des enfants en particulier et de leur éducation. Mais elle modifie également la valeur du temps : en accroissant l'emploi féminin, elle force les enfants à aider à la maison et diminue les taux de scolarisation. Sur ce simple exemple des enfants, on constate combien les conséquences de la microfinance peuvent être contradictoires. Sur ce sujet, nous manquons encore, estime Morduch 1999, d'analyses d'impact et d'études empiriques. Certes, nous disposons de données du côté bancaire, sur les taux de remboursement très élevés dans le domaine. Des mesures existent sur les impacts économiques et sociaux. Mais nous manquons toujours d'instruments adaptés. Notre propos, dans cette contribution, sera d'exposer, dans un premier point, les facteurs ayant incité les chercheurs et praticiens à mesurer l’impact des programmes de microfinance. Dans un second point, nous présenterons un classement non exhaustif des différentes études faites en fonction des époques et des questions soulevées. Nous finirons par évoquer les difficultés rendant l’évaluation des impacts problématique, notamment les biais de sélection des clients dont le traitement reste encore à améliorer. A un moment où fonds éthiques et programmes de microcrédit se développent, il paraît urgent de réfléchir, en se gardant soigneusement de tout effet de mode ou de toute inclinaison idéologique, aux liens entre les sphères éthique et économique (Santiso 2005). 1. Pourquoi est-il nécessaire de mesurer les impacts de la microfinance ? Trois principales raisons peuvent être évoquées comme ayant favorisé les études d’évaluation d’impacts menées par les chercheurs et les praticiens, de la fin des années 1990 à nos jours. 1 Les IMF se différencient des banques classiques car elles ne créent pas de monnaie (elles ne collectent pas de dépôts préalablement à leur activité de crédit), elles dépendent majoritairement des subventions publiques et dons privés pour conduire leur activité. 3 Tout d’abord, le mouvement étant en marche depuis la fin des années 1970, et au vu de l’ampleur qu’il a eu dans le monde entier, le temps était au bilan pour juger de la capacité de la microfinance à atteindre son objectif de lutte contre la pauvreté et l’exclusion financière. C’était un moyen de confirmer ou non la portée de l’alternative qu’elle représentait par rapport à d’autres politiques ayant eu le même objectif. La seconde raison est liée à la difficulté que les institutions de microfinance (IMF) ont eu à trouver des financements nécessaires pour faire face à l’évolution de leur activité dans les années 1990. N’étant pas autorisées à collecter les dépôts des non clients (car n’ayant pas pour la plupart le statut de banque), la seule issue s’offrant jusque là à ces «microbanquiers» était de recourir à des financements publics ou privés, subvention ou don. Cependant une nouvelle source de financement apparaît également à cette période, les fonds apportés par les investisseurs socialement responsables (ISR). Ces derniers, prônant des valeurs autres qu’économiques (sociales notamment), sont en plein développement depuis quelques années. Des fonds communs de placement éthiques aux produits d’épargne solidaire, en passant par les participations dans des entreprises socialement responsables, ce marché a pris une telle place qu’il est impossible aujourd’hui pour les intermédiaires financiers de ne pas y prêter une attention particulière. Il représente également une opportunité pour les IMF à la recherche de financement. Celles-ci rentrent dans le créneau de ces investisseurs par leurs objectifs sociaux certes, mais il leur faut prouver effectivement que c’est le cas en démontrant les impacts sociaux et économiques de leurs activités sur les populations ciblées. L’évaluation des impacts apparaît ainsi comme un moyen de rendre compte de la performance économique et sociale, afin d’attirer les subventions publiques ou les financements privés. Enfin, la troisième raison, de loin la plus évoquée aujourd’hui pour justifier les mesures d’impacts, est la volonté d’améliorer les services aux clients. L’évaluation des impacts s’oriente ainsi de plus en plus vers les clients, pour mieux comprendre leurs besoins en vue de leurs offrir des services mieux adaptés. Les études orientées par cet objectif sont celles qui obtiennent le plus grand consensus car elles intéressent aussi bien les bailleurs de fonds que les IMF et leurs clients. Evaluer les impacts de la microfinance est certes plus facile dans les discours que dans les faits. Cette difficulté est encore plus évidente quand on constate qu’il n’existe aujourd’hui encore aucune étude largement acceptée. Cela ne doit pourtant pas faire oublier les avancées accomplies dans la réalisation des études, des années 1990 à nos jours. Différentes méthodes d’analyses ont été élaborées, profitant des innovations dans les modèles d’estimation en économie, les unes destinées à pallier les difficultés observées dans les autres. 2. Les méthodes d’analyse et d’évaluation des impacts de la microfinance Comment mesure-t-on les impacts de la microfinance, dans un contexte socio- 4 économique marqué par beaucoup d’autres facteurs ? La réponse à cette question implique l’identification des effets exclusivement produits par la microfinance sur les populations bénéficiaires. La question à traiter, selon Armendáriz et Morduch 2007, devient alors celle-ci : que serait-il arrivé aux clients si le programme n’avait pas existé ? Pour bien définir la méthodologie d’étude, il importe avant tout de savoir comment la microfinance affecte la vie de ses bénéficiaires. L’effet économique (ou effet revenu) est le premier qui vient à la pensée. Si la microfinance se limitait au microcrédit2, il aurait suffit de mesurer cet effet pour prouver l’impact de la microfinance. De plus il faudrait que l’activité financée soit parfaitement identifiée, et que le crédit n’ait qu’un effet économique sur la vie de l’emprunteur. Alors qu’en réalité, la microfinance affecte la vie sociale et économique des membres à travers d’autres aspects, tels que l’éducation, la santé, les loisirs, etc. Ces effets ne sauraient être ignorés dans les évaluations au risque d’avoir des résultats erronés. Trois générations sont identifiables dans les études consacrées à l’estimation des effets de la microfinance, chacune orientée méthodologiquement par les questions pertinentes de l’époque. • Première génération : Il s’agit des premières études apparues vers le milieu des années 1990, alors que la pérennité des IMF était au cœur du débat. Avec l’échec de nombreux programmes et l’évidence de la dépendance accrue des plus performants aux subventions, il s’agissait de comprendre les problèmes de fonctionnement des institutions à travers leur performance économique. Les financements étant de plus en plus difficiles à trouver, seules les institutions les plus performantes bénéficiaient des subventions et des rares fonds privés destinés à cet effet. Les études étaient principalement menées par des organismes comme l’US AID ou encore la Banque Mondiale, et non par les IMF elles-mêmes. L’accent était mis sur la capacité des institutions à fonctionner de façon à couvrir leurs coûts opérationnels et financiers, tout en permettant à leurs clients de bénéficier économiquement des services offerts. Ces études s’intéressaient plus au fonctionnement des IMF, qu’aux impacts sur les clients, qui n’étaient appréhendés que sous l’aspect purement économique. L’effet revenu était alors le seul effet considéré, l’étude de Coleman citée par Armendáriz et Morduch 2007 en est un bon exemple. A cette époque, les rendements économiques prenaient effectivement le pas sur les aspects sociaux du mouvement. • Deuxième génération : Les travaux correspondant à cette génération sont uploads/Finance/149.pdf

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  • Publié le Jui 16, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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