Revue d'économie industrielle 119 | 3e trimestre 2007 Varia Entrepreneur et cro
Revue d'économie industrielle 119 | 3e trimestre 2007 Varia Entrepreneur et croissance économique : développements récents François Facchini Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/rei/2033 DOI : 10.4000/rei.2033 ISSN : 1773-0198 Éditeur De Boeck Supérieur Édition imprimée Date de publication : 15 septembre 2007 Pagination : 55-84 ISSN : 0154-3229 Référence électronique François Facchini, « Entrepreneur et croissance économique : développements récents », Revue d'économie industrielle [En ligne], 119 | 3e trimestre 2007, mis en ligne le 15 septembre 2009, consulté le 30 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/rei/2033 ; DOI : 10.4000/rei.2033 Ce document a été généré automatiquement le 30 avril 2019. © Revue d’économie industrielle Entrepreneur et croissance économique : développements récents François Facchini 1 « En l’état actuel de la connaissance, la croissance économique et sur le plus long terme le développement économique s’expliquent par les gains de productivité provoqués par l’accumulation de capital physique, humain et technique, par les conditions climatiques qui, selon qu’elles sont tempérées ou tropicales, favorisent ou nuisent à l’activité et à la bonne santé des travailleurs et par la qualité des institutions. Toutes ces explications participent à leur niveau à la reconstitution du puzzle de la création de richesse. Le modèle Solow – Romer met en évidence une relation entre gains de productivité et croissance de la production. Il n’explique pas, en revanche, pourquoi certains pays ont de hauts niveaux de productivité alors que d’autres pas. Les déterminants géographiques (Diamond 2000, 1997) ou institutionnels (Acemoglu 2003) expliquent ces différences. C’est parce que le climat et les institutions ne sont pas les mêmes que les niveaux de productivité sont inégaux entre les pays. Ni les institutions ni le climat, néanmoins, ne créent de richesse. Ils ne sont que des préalables favorables à la création de richesse. Seule l’action humaine est à l’origine de la croissance économique. C’est sur cette généralité que l’on peut aborder l’importante littérature qui s’est développée à la frontière des sciences économiques et de gestion sur l’entrepreneur. L’objet de cet article est de mettre en mouvement les figures de l’entrepreneur de la théorie économique pour expliquer la croissance économique et en tirer quelques conséquences sur la manière de penser les politiques publiques en faveur de la croissance de la production. 2 La théorie de l’entrepreneur n’est actuellement pas unifiée, mais elle tend à le devenir (Venkataraman 1997) grâce à l’adoption d’une définition très large de l’entrepreneur. Cette définition lui permet de caler son raisonnement sur l’idée qu’avant tout processus de création de richesse, il y a l’identification d’un profit. Cette définition très large est la suivante. L’entrepreneur est essentiellement celui qui agit. Cette définition permet de saisir l’essence de l’entrepreneur. Toute personne agissant en vue de modifier le présent et d’atteindre ses objectifs dans le futur est un entrepreneur. Cette définition, comme le Entrepreneur et croissance économique : développements récents Revue d'économie industrielle, 119 | 2009 1 rappelle Jesus Huerta de Soto (2000, p. 34), est conforme au sens étymologique originel du mot entrepreneur. Le mot entrepreneur vient du verbe latin in prehendo-endi-ensum qui signifie découvrir, voir, percevoir, se rendre compte de, saisir. L’utilisation de cette définition permet d’organiser les différentes théories en présence, la théorie schumpétérienne en particulier, autour du principe d’identification d’un profit. Un entrepreneur est avant tout celui qui perçoit une opportunité de profit, autrement dit un échange mutuellement avantageux non encore exploité par les agents sur le marché (Kirzner 1973, 2005). La première section de cet article montre, sur cette base, que la chaîne smithienne multiplication des échanges – division du travail – spécialisation – gain de productivité débute par un acte d’identification d’un échange mutuellement avantageux non encore perçu. 3 Rappeler l’importance de l’identification des profits dans le processus de création de richesse ne signifie pas que l’innovation n’ait pas un rôle décisif dans la croissance de la production. La deuxième section aborde ce point. L’identification d’un profit d’innovation est à l’origine d’un modèle de croissance que nous appelons « par le haut » parce qu’il exige d’importantes quantités de capital humain, physique et technique. Ce modèle de croissance qui enchaîne innovation-entrepreneur et croissance repose classiquement sur une dynamique de destruction créatrice. Les anciens avantages concurrentiels sont détruits par de nouveaux avantages. La littérature récente sur le sujet tend cependant à amender de deux manières ce modèle ancien. Elle montre, tout d’abord, que cette dynamique de l’innovation n’est pas seulement portée par les grandes firmes. Elle l’est aussi par des firmes de petite taille (moins de 500 salariés). Cela conduit à ne pas croire que seule l’activité des grandes firmes peut être à l’origine du développement et de la destruction d’anciens avantages concurrentiels. Les risques d’infériorité concurrentielle pour les firmes d’un pays comme la France ne viennent plus seulement des grandes firmes étrangères. Ils viennent aussi des petites firmes innovantes et de leur dynamique collective. Ces travaux développent ensuite l’idée qu’il ne suffit pas d’investir en recherche développement. Il faut aussi que ces inventions soient utilisées et mobilisées dans la production par des entrepreneurs. L’entrepreneur a un rôle décisif dans la diffusion et la modification de la connaissance scientifique. Il est le maillon manquant de la théorie des spillover effects de la théorie de la croissance endogène (Audretsch, Keilbach et Lehmann 2006). Le processus de croissance devient un processus de construction- créatrice où l’entrepreneur se sert de la connaissance non utilisée par les firmes présentes sur le marché pour innover et entretenir le processus de création de richesse. Il ne suffit pas alors d’investir dans la R & D, il faut aussi investir dans l’éducation entrepreneuriale afin qu’un relais se crée entre les chercheurs et le marché. 4 La troisième section traite des travaux empiriques et relève de l’histoire économique quantitative. Les sciences économiques et de gestion proposent des mesures de l’activité des entrepreneurs par pays pour évaluer l’importance du rôle de l’entrepreneuriat dans la croissance économique. Ces travaux quantitatifs montrent que la relation entre entrepreneur innovateur et croissance économique est parfaitement observée pour les pays développés. Ils mettent aussi en évidence l’existence d’une relation positive entre croissance et création d’entreprise à partir de deux types de mesure de l’activité entrepreneuriale : le nombre d’individus qui sont leur propre employeur (self-employment) et l’indice de création d’entreprise du Global Monitoring Entrepreneurship. Ces travaux soutiennent alors la possibilité d’un modèle de croissance par le bas qui ne serait pas tiré par l’innovation mais par l’imitation et la recherche de profits d’arbitrage. Ils rappellent Entrepreneur et croissance économique : développements récents Revue d'économie industrielle, 119 | 2009 2 aussi qu’avant de se précipiter dans la recherche de solutions publiques pour résoudre les problèmes de déséquilibre de prix, d’inefficience des firmes et/ou d’insatisfaction des consommateurs, il est préférable d’attendre de voir ce que vont faire les entrepreneurs pour gérer ces différents problèmes. I. — Vigilance au profit et croissance économique 5 La figure la plus générale de l’entrepreneur a été théorisée par Kirzner (1973, 2005). En définissant l’entrepreneur comme l’individu qui adopte une posture de vigilance aux opportunités de profit (alertness), Kirzner construit une théorie sur laquelle on peut organiser les autres théories de l’entrepreneur présentes dans la théorie économique et plus particulièrement la théorie de l’entrepreneur innovateur. L’autre conséquence de cette définition est qu’elle conduit à soutenir que la croissance s’explique par la découverte d’échanges mutuellement avantageux par les entrepreneurs. Leur travail de découverte favorise les échanges, la division du travail, la spécialisation et les gains de productivité. L’entrepreneur soutient la croissance de la production parce qu’il révèle de nouveaux usages et/ou informe des mauvais usages des ressources existantes. 6 Avant de répondre à la question de savoir pourquoi les entrepreneurs sont à l’origine de la croissance, il est très important de distinguer soigneusement la croissance économique du progrès économique, car la théorie de l’entrepreneur est construite davantage pour expliquer le progrès économique que la croissance quantitative de la production. La croissance de l’Union soviétique nous rappelle, en effet, que l’entrepreneur n’est pas une condition nécessaire à la croissance de la production. En revanche, il est possible de penser qu’il est nécessaire au progrès économique. Comme Holcombe (1999, p. 397) le soutient, le progrès économique ne rime pas avec plus de biens, mais avec des biens de meilleure qualité, d’une plus grande variété et produits avec des techniques de production plus performantes. Ainsi, lorsque l’on compare les niveaux de vie en 1900 et en 2007, la plus grande différence n’est pas dans les volumes de biens consommés, mais dans leur nature. Il y a, par exemple, une gamme beaucoup plus large d’automobiles, ce qui donne plus de choix aux consommateurs et de meilleures opportunités d’avoir un véhicule qui corresponde à leurs besoins. Holcombe (2004, p. 399) cite Cox et Alm (1998) sur ce point. Cox et Alm (1998, p. 12) estiment que les Américains avaient le choix entre 140 modèles d’automobiles en 1970 et qu’en 1997 ils pouvaient choisir entre 260 modèles. Ce simple exemple montre que la fonction de production Y = f (K, L) où K est le facteur capital et L le facteur travail est une mesure parfaitement uploads/Finance/entrepreneur-et-croissance 1 .pdf
Documents similaires
-
23
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 22, 2021
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
- Taille du fichier 0.6991MB