Juin 2021 Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que la responsabilité

Juin 2021 Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que la responsabilité de l'auteur ISSN : 2739-3283 © Tous droits réservés, Paris, Institut d'Études de Géopolitique Appliquée, 2021. Comment citer cette publication : Constance Wybo, « Le Sénégal : risques et enjeux transnationaux à l’épreuve des économies criminelles », Institut d'Études de Géopolitique Appliquée, Paris, 15 juin 2021. Institut d'Études de Géopolitique Appliquée - 31 Rue de Poissy 75005 Paris E-mail : secretariat@institut-ega.org Site internet : www.institut-ega.org Le Sénégal : risques et enjeux transnationaux à l’épreuve des économies criminelles Constance Wybo Analyste - Commission Sécurité & Défense internationales / Délégation Afrique subsaharienne Institut d'Études de Géopolitique Appliquée Le Sénégal : risques et enjeux transnationaux à l’épreuve des économies criminelles Constance WYBO © Institut d’Études de Géopolitique Appliquée Juin 2021 1 SOMMAIRE Introduction – P. 2 Le Port de Dakar : le nouvel eldorado des cartels latino-américains ? – P. 5 Comment transite la cocaïne ? – P. 5 Un arsenal institutionnel et juridique propice ? – P. 6 La Casamance : une région propice aux narcotrafics ? – P. 8 Un passé conflictuel – P. 8 Une zone de transit et de production – P. 11 Kédougou : une plateforme de transit vers le Sahel – P. 13 Une région frontalière et connectée au Sahel – P. 13 Les autoroutes transsahariennes peuvent-elle servir le narco-jihad ? – P. 15 Conclusion – P. 18 Bibliographie – P. 19 Le Sénégal : risques et enjeux transnationaux à l’épreuve des économies criminelles Constance WYBO © Institut d’Études de Géopolitique Appliquée Juin 2021 2 Au début de l’année 2021, le Sénégal est exposé à de nouveaux enjeux et risques transnationaux, à l’épreuve d’un tournant dans le déploiement des économies criminelles dans la sous-région. D’importants volumes de cocaïne et de matériaux à des fins de transformation de la cocaïne sont saisis sur les côtes dakaroises1 au début du mois de janvier. À partir du 26 janvier 2021, des opérations militaires sont menées en Casamance afin de stabiliser la zone et de saisir les armes et les munitions des bases du MFDC2. Face à la deu- xième vague de la Covid-19, l’État sénégalais investit de nombreux moyens afin de contrôler les différents trafics transnationaux tout en renforçant la sé- curité au sein de ses territoires. À cet égard, le président Macky Sall s’est rendu à N’Djamena, à la 7ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État du G5 Sahel qui s’est tenue le 15 février 2021. Le Sénégal ne faisant pas partie des pays de l’organisation paramilitaire est pour la première fois invité à la table des négociations par le président mauritanien Mohamed Ould El-Ghazaouani. Sa présence marque un changement de paradigme dans la po- litique de coopération sécuritaire que les États du Sahel souhaitent mettre en place. En effet, depuis la mort du Cheikh d’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique), Abdelmalek Droukdel le 3 juin 2020 près de Tessalit (Mali), son successeur Abou Obeida Youssef al-Annabi, désigné en novembre, a annoncé la volonté d’AQMI et du GSIM3 (Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musul- mans) de s’étendre vers des zones périphériques - Côte d’Ivoire, Bénin, Gui- née et Sénégal. Cette information a été confirmée le 1er février 2021 lors d’un communiqué de presse du directeur de la DGSE Bernard Emié, ainsi que par le président Macky Sall dans une interview à RFI le 23 février : « Nous crai- gnons une contagion car leur objectif est d’atteindre la côte Atlantique. Le Sénégal et les pays côtiers sont les derniers remparts, il faut nous préparer à rentrer dans la bataille. »4 Dès lors, le Sénégal doit d’ores-et-déjà prévenir et se préparer à l’arrivée d’une menace transnationale à l’Est, qui pourrait en- gendrer des violences extrêmes sur son sol. Le Sénégal est un pays très attractif en Afrique de l’Ouest, grâce notam- ment à sa croissance économique et son poids géostratégique dans la région. Situé au bord de l’Atlantique, à 3 000 kilomètres de l’Europe, le Sénégal est une porte d’entrée pour les investisseurs étrangers qui souhaitent s’installer au Sahel. Le pays de la Terranga - traduit en wolof par terre d’accueil – ne manque pas de richesses naturelles - bois, pétrole, minerais, sel, agriculture… Néanmoins, le taux de chômage reste très important, notamment chez les jeunes qui représentent 70% de la population. Avec un faible taux de scolari- sation et une carence de l’employabilité, les jeunes sont très souvent laissés à eux même. L’économie informelle, caractéristique de l’ensemble des pays de l’Afrique subsaharienne représente 80% de la part du marché du travail au Sénégal. Elle permet à une majeure partie de la population de gagner sa vie et de subvenir à ses besoins. Ainsi, chômage et économie informelle engen- 1 La saisie est estimée à 675kg de cocaïne, elle s’est déroulée le 13 janvier 2021 entre la Somone et Ngaparou vers M’Bour (région de Thiès). 2 Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance - Article : https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/politique- africaine/le-senegal-mene-une-vaste-operation-militaire-en-casamance-pour-y-affirmer-son-autorite_4291467.html 3 Le GSIM connu aussi sous le nom de JNIM (Jamāʿat nuṣrat al-islām wal-muslimīn) regroupe depuis le 1er mars 2017 AQMI et plusieurs Katiba : Ansar Dine, la Katiba Macina et la Katiba al-Marabitoune. 4 https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/02/24/le-senegal-redoute-la-contagion-djihadiste-a-ses-fron- tieres_6071089_3212.html Le Sénégal : risques et enjeux transnationaux à l’épreuve des économies criminelles Constance WYBO © Institut d’Études de Géopolitique Appliquée Juin 2021 3 drent de fortes inégalités bien que l’émergence de la classe moyenne sénéga- laise permet d’homogénéiser cette situation. Au niveau institutionnel, le Sé- négal subit encore les fragilités de son système judiciaire et financier défail- lant, qui alimente en grande partie le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Néanmoins, c’est un État qui a su se montrer convainquant au regard des normes internationales de transparence, de démocratie et de la con- currence. Selon Transparency International5, le Sénégal est classé au 67ème rang sur 180 pays et territoires, pour l’indice de perception de sa corruption, tandis, par exemple, que la Guinée-Bissau est au 165ème rang. Partageant plu- sieurs frontières (terrestres et maritimes) avec notamment six pays - Maurita- nie, Mali, Guinée Conakry, Guinée-Bissau, Gambie et Cap Vert - le Sénégal est celui qui contrôle le plus les flux des produits et des marchandises qui transitent sur son sol. Il est devenu, au fil du temps, un pays de migration. Le commerce transfrontalier et le libre-échange dans la zone de la CEDEAO ont favorisé l’installation de plusieurs réseaux marchands, licites et/ou illicites, faisant évoluer les produits acheminés. L’interdiction des trafics et de la con- trebande a accru la rentabilité et favorisé la multiplication de ces pratiques criminelles. Avant 2010, le trafic de drogue au Sénégal était déjà une activité de forte prévalence qui générait des revenus très importants. Il était favorisé en grande partie par la géopolitique et le positionnement du Sénégal à proxi- mité des pays tels que la Mauritanie et la Guinée Bissau, historiquement an- crés dans les narcotrafics de la région, tandis que perdurent de vieilles habi- tudes comme le trafic de bois, la contrebande de marchandises, la contrefaçon et autres activités peu recommandées. Par ailleurs, plusieurs études de l’ONUDC montrent qu’il y’a une augmentation de la consommation de drogue parmi la population africaine. L’Afrique de l’Ouest n’est plus seule- ment lieu de transit, elle est aussi consommatrice. Le Sénégal est particuliè- rement vulnérable devant ce problème en raison de la forte présence d’expa- triés européens sur son territoire, premiers consommateurs de drogue de syn- thèse ou de cocaïne. Dès lors, cocaïne, héroïne, métamphétamine, cannabis, tramadol et ecstasy s’y propagent. Face à l’épidémie mondiale de la Covid-19, les États africains ont très vite fermé leurs frontières terrestres, maritimes et aériennes. La mondialisation s’est soudainement stoppée, alors qu’elle était la genèse et le fer de lance du crime transnational organisé. Les trafiquants ont alors été contraints de trou- ver une solution pour survivre ou se réinventer. M. Idrissa Ouattara, cher- cheur au GIABA6 a d’ailleurs confié que : « Internet fut la cible de l’ensemble des délinquants du monde et ça les GAFI7 ne pouvaient pas le prévoir ». De nouvelles formes d’arnaques sont apparues, nous avons assisté au stockage de volumes plus importants de certaines substances et à leur déplacement, l’utilisation de colis postaux a été mise en place pour envoyer les marchan- dises illicites… En bref, de nombreux dispositifs ont été trouvés par les orga- nisations criminelles, qui s’adaptent aux évolutions des situations. L’objet de cette étude est de se questionner sur les raisons de cette crimi- nalisation du Sénégal, à travers la présence grandissante des narcotrafics. Pourquoi le Sénégal est-il touché par les économies criminelles ? Alors qu’il 5 https://transparency-france.org/publications/indices-de-perception-de-corruption/# 6 GIABA - Groupe Intergouvernemental d'Action Contre le Blanchiment d'Argent en Afrique de l’Ouest 7 GAFI - Groupe d’Action Financière Internationale : crée en 1989 c’est un organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Le Sénégal : risques et enjeux transnationaux à l’épreuve des économies criminelles Constance WYBO © Institut d’Études de Géopolitique Appliquée Juin 2021 4 est l’un des pays les plus dynamiques de l’espace CEDEAO, comment peut- uploads/Geographie/ 0-le-se-ne-gal-risques-et-enjeux-transnationaux-a-l-x27-e-preuve-des-e-conomies-criminelles.pdf

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