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EN PAR LE CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE COMANDEUR DE CHARLES MEMBRE CORRESPONDANT DES SOCIÉTÉS SCIENTIFIQUES DE FRANCE ET DE L'ÉTRANGER NOUVELLE ÉDITION Revue et considérablement augmentée,aveccarte et portrait de l'auteur PARIS CANSON , ÉDITEUR Rue desBeaus-Arts , 6 ET CHEZ L'AUTEUR, A ÉCOS , ANDELYS (EURE) 1884 SIX SEMAINES EN ROUEN. —IMPRIMERIE NOUVELLE. —L.TAEOUILLOT EN PAR LE VICOMTE DE PULLIGNY CHEVALIER DE LA LÉGION-D'HONNEUR ,OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE COMMANDEUR DE CHARLES III ETC. MEMBRE CORRESPONDANT DES SOCIÉTÉS SCIENTIFIQUES DE FRANGE ET DE L'ÉTRANGER NOUVELLE ÉDITION Renieet considérablement augmentée, aveccarte et portrait del'auteur PARIS GANSON , ÉDITEUR RuedesBeaux-Arts , 6 ET CHEZ L'AUTEUR, A ÉCOS, ANDELYS (EURE) 1884 Droitsdetraduction réservés SIX SEMAINES EN ALGÉRIE I Débarquement en Afrique. La ville d'Alger ayant été désignée pour lieu de réunion du Congrès scientifique en 1881 , j'ai quitté Paris le vendredi 1er avril, afin de pouvoir arriver le 14, jour fixé pour l'ouverture de la session. J'avais ainsi l'avantage de consacrer près de deux semaines à la province d'Oran, de visiter celle d'Alger entre les séances du Congrès, et de terminer par; Constantine. Pour un Parisien tenant essentiellement à voir beau- coup sans retourner sur ses pas, il était indispensable de suivre cette métbode : quinze jours attribués à chacun des trois départements formaient un total de six semaines, temps arrêté pour mon excursion. Après avoir traversé la France et l'Espagne , je me suis embarqué a Valence , et, le 6 au matin, j'étais en vue de l'Afrique, puis de la ville d'Oran. Bientôt le paquebot prend quai et une multitude d'indigènes aux costumes les plus variés se précipite à notre bord, les uns se disputant nos bagages, d'autres nous poursuivant de leurs obsessions, tous parlant un idiome barbare composé de phrasés arabes accidentées de langue roumy. 8 PROVINCE D'ORAN. Cependant Oran , avec sa vieille citadelle suspendue comme un nid d'aigle au flanc d'une haute falaise, nous sourit derrière une allée de beaux platanes, entremêlés de figuiers élastiques, aux branches chargées de fleurs d'éphémères grimpants (tradescentia) , ou de grandes convolvulacées (ipomoea leari) aux splendides corolles du bleu le plus pur. Entourés de notre cortège bariolé, nous atteignons la place principale et, après avoir choisi un gîte con ¬ venable, il m'est enfin permis de contempler à l'aise cette population si nouvelle pour moi. Il y avait là des hommes des races les plus variées : les uns au front saillant, d'autres à la mâchoire fuyante , avec oscillation de la courbe frontale ; ici le type Berbère; là le Maure , le Juif, l'Arabe pur, le Bédouin ; celui-ci de Mascara , celui-là de Mostaganem , de Milia - nah , de Tlemcen ; puis de beaux nègres du Soudan et de la Nigritie , tranchant par le noir d'ébène de leur peau sur les tons jaunes, bruns ou bistrés. Pas un mot de français mais chacun, ravi de rétonnement peint sur mon visage, me jetait en passant le nom de sa tribu que j'inscrivais sur mon carnet après avoir pris note de sa conformation et de son costume. Grâce au bon vouloir de tous ces braves gens, je fus bientôt familiarisé avec les principaux. types arabes de la province de l'Ouest, et je me suis félicité, bien des fois depuis, d'avoir débuté sur la terre d'Afrique par cette étude indispensable à tout voyageur sérieux. II La ville d'Oran. — Quartiers Français , — Espagnol , Maure,— Arabe,—Nègre. Oran , ville de 45,000 âmes , la plus importante de l'ouest dont elle est le chef-lieu, offre à l'étranger visi ¬ tant pour la première fois l'Afrique française un curieux contraste, cachet des grands centres de l'Al ¬ gérie. En effet, chaque quartier y représente une cité à part , d'un caractère tranché, où les races les plus disparates, vivant dans des habitations propres à leurs tribus, conservent leurs usages, leurs costumes nationaux, et se perpétuent dans les mêmes milieux sans jamais se mésallier. La partie française est tracée à l'européenne ; les maisons , à toitures élevées, sont à plusieurs étages et couvertes d'enseignes , d'écriteaux , de vulgaires affi ¬ ches; les rues alignées, aboutissant à des places régu ¬ lières, sont sillonnées de diligences, de voitures de promenade avec vaste parasol, de lourdes charrettes chargées de caisses; une population affairée, hommes et femmes aux toilettes démodées se croisent dans tous les sens, contrastant par une agitation fébrile avec le calme des indigènes aux burnous blancs. 10 : PROVINCE D'ORAN. De tous côtés, de petits négrillons à demi vêtus arrêtent les passants pour cirer leurs chaussures ; des charretiers, entravés dans leur marche, s'injurient ; des crieurs vendent nos plus mauvaises feuilles périodiques ou les produits de la presse locale. Dans la cité espagnole, les rues deviennent plus étroites ; les maisons , aux combles déprimés , sont cou ¬ vertes de tuiles faîtières rouges, imbriquées les unes sur les autres. De rares habitants, coiffés d'un simple mouchoir noué autour de la tête, quelquefois du som - brero aux larges bords, et portant sur l'épaule l'alha - mar , couverture de grosse laine rouge, passent , roulant leur cigarette avec insouciance ; les femmes, vêtues d'étoffes aux couleurs voyantes, babillent accoudées à leurs fenêtres grillées, ou pincent nonchalamment les cordes de leurs guitares traditionnelles. Plus loin , le quartier maure , avec murailles blan ¬ chies à la chaux ; point de jours au dehors ; une seule porte très basse, conduisant par un sombre passage à la cour intérieure, décorée d'une galerie par laquelle on accède aux chambres. Puis les villes nègre et arabe, composées de petites cellules carrées au toit complète ¬ ment plat, entourées d'une cour murée ; ce ne sont pas les moins intéressantes de cette région exotique, où les voitures ne peuvent plus circuler tant les ruelles deviennent étroites. Bans les carrefours ou sur les places, une foule de gens à. la haute stature, jambes et souvent pieds nus ; de belles juives dont les robes de soie brochée d'or font encore ressortir la distinction; des mauresques em ¬ ballées des pieds à là tête, laissant apercevoir de grands yeux noirs au-dessus du haïk qui leur couvre la face; car ici, comme dans tout l'Orient musulman, la femme mariée ne peut paraître en public sans être complète - LA VILLE D'ORAN 11 ment voilée ; or, les filles maures et arabes étant fian ¬ cées à dix ans et mariées à douze, il n'est permis de juger les types féminins que d'après des créatures toutes jeunes, à la physionomie charmante, gentilles il est vrai dans leurs manières, mais aux allures un peu sauvages. Elles portent avec une grâce enfantine le costume de leurs mères, et les plis harmonieux de ces étoffes flottantes donnent un semblant de.noblesse, à leur démarche ; les plus pauvres même , malgré les lam ¬ beaux dont elles sont couvertes, présentent en petit la dignité de la femme, car le drapé exclut toute défail ¬ lance dans le vêtement. Les Européens ne pénètrent dans ces quartiers qu'avec une extrême réserve ; aussi suis-je heureux de pouvoir retracer les impressions causées par la pre ¬ mière vue d'une ville complètement arabe, que j'ai été à même de contempler seul et loin de toute espèce de gêneurs. III Les remparts. — Les bains de la Reine. — La mos ¬ quée. — Le mouezzin. — Le général Gérez. — Excursion à Misserghin , — Le grand Marabout. — L'agha d'Oran. — Un Khalifâat. — Le père Abram.— Les écoles des Soeurs. Le général Gérez, commandant militaire de la pro ¬ vince d'Oran, est un homme fort aimable ; il m'accueille chaleureusement et me fait, avec beaucoup de bienveil - lance , les honneurs de son palais, ancienne résidence du bey ; c'est bien la plus pure expression du style mauresque civil, associé au génie stratégique espagnol. Au dedans, les riches salles, soutenues par des co - lonnes torses de marbre blanc , sont éclairées par des fenêtres inscrites dans de charmantes ogives; les mu- railles, ornées de dessins ciselés avec un art infini, com- muniquent par de larges portiques à des jardins sus- pendus, remplis des fleurs les plus rares ; au dehors, de hautes courtines crénelées, des fossés avec glacis à embrasures, présentent un ensemble de défenses redou ¬ tables, battant la mer ainsi que les divers quartiers de la ville. Trois forts superposés : Santa-Cruz, Saint-Gregorio et Lamoune , couvrent la rade de leurs feux. Depuis LES BAINS DE LA REINE. 13 peu, Santa-Cruz a été abandonné à cause de sa position par trop escarpée. Les Espagnols , en possession de la ville d'Oran pendant deux siècles et demi, en avaient fait un lieu de déporta ¬ tion pour les prèsidarios (forçats) ; ils y furent employés à élever ces formidables remparts , ce qui explique com- ment un tel travail, véritable ouvrage de galériens, sut résister, près de trois cents ans, au ravage du temps, et surtout aux sièges successifs que la place eut uploads/Geographie/ 1884-six-semaines-en-algerie-puligny.pdf

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