La fête de la petite patrie à Capbreton 4 et 5 Septembre 1910 J'aurais voulu la
La fête de la petite patrie à Capbreton 4 et 5 Septembre 1910 J'aurais voulu laisser à un jeune le plaisir de parler aux Escouliès de Febus des fêtes gasconnes de Capbreton. Les affectueuses instances du bureau ne me l'ont pas permis. Jamais cependant je ne fus moins préparé au rôle de conteur, de chroniqueur. Depuis plusieurs jours, j'étais envahi par une tristesse qui torturait mon cœur et paralysait mon esprit. M. Planté était retenu à Départ par line convalescence laborieuse. Lafore s'en allait aux eaux, chercher la guérison d'un mal qui ne paraît grave qu'à travers les nuages d'une imagination trop fertile. Le Gurmeth tout entier s'abstenait. Camélat ne donnait aucun signe de vie. Cardaillac semble nous avoir abandonnés et Carrive à la loéngue tan ahielade était devenu muet. Qu'irais-je faire à Capbreton, sans le cortège des amitiés si vivantes qui me réchauffaient jadis de leur ardeur, de leur enthousiasme ? Si j'avais honnêtement pu m'abstenir, j'aurais télégraphié des excuses et je serais resté à Bidache pour taquiner le goujon ou jouir des dernières mélodies des nomades chan- teurs, linots, chardonnerets et fauvettes qui reprennent le chemin de l'exil à la première feuille qui tombe. C'est donc le front entouré de papillons noirs que le 4 Septembre au matin, je montai sur le petit vapeur qui sert de trait d'union entre Bidache et Bayonne. Les premières caresses du soleil qui se lève, la pelouse toujours verte et fleurie qui borde la Bidouze ; la succession rapide des ta- — 182 — bleaux si gais, si riants, si variés qui font de d'Adour un fleuve enchanteur ; puis, à partir de Bayonne, le vacarme de celte chose laide, malpropre, fuyante, enfumée qu'on appelle le chemin de fer, rien ne fut capable de m'égayer ou de me distraire. D'un pas d'automate, je descends à Benesse, petite station mélancoliquement assise au milieu des pins. Je me laisse pousser dans une sorte de diligence des anciens temps, lourde et criarde, traînée par des mules, et en avant pour la plage houleuse ! lorsque je me trouve nez à nez avec un Monsieur à la chevelure argentée, au teint légèrement bruni, portant lorgnon et béret bleu, avec, en bandoulière, un sac de cuir mystérieux, que je vois toujours le même depuis des années et qui toujours m'intrigue à un degré que je ne saurais dire. A ce portrait sommairement esquissé, vous avez reconnu Canton, le Béarnais fervent qui s'est fait et avec quel succès! l'apôtre recruteur de notre Ecole. 11 m'interpelle de sa voix sympathique : Adiu, Lalanne, e quin te ba la botte? Tè ! assiu que-t presénti û Gascou d'Armagnac, purmè prêts de pouesie a Coundoum, Mous de Desclaux, reyén de Pujols, e ù Biarnês de Coarraze, mentabut Cyprién de Pomès. Un premier prix de poésie et un Béarnais de la cité d'Hen- ricou, diable ! Ce sont là camarades de marque. D'un mou- vement spontané je tends ma main tandis que le sourire revient sur mes lèvres et que tout mon être s'ouvre à la gaîté ! Etrange mystère de la machine humaine, qu'un rien atterre et qu'un rien emporte au-dessus des horizons radieux ! Dès cet instant, le pin ne me semblait plus morose, la route devenait pittoresque, les champs de maïs et de chaume, encore couverts de la buée matinale, prenaient des tons chatoyants ; le vieux tronc de chêne couché le long du fossé, noirci par les ans, mutilé par la hache, revêtait un cachet d'originalité et d'inimitable poésie. Que fut-ce donc lorsque, débarquant à Capbreton, je me trouvai en présence de la trinité démocratique landaise : le docteur Samanos, le meilleur des Gascons et le plus sérieux des Français ; Labeyrie (Léon pour les intimes), — m — toujours railleur, batailleur et rieur, dont la moustache hérissée à la manière du Cadet de Gascogne qui part en guerre, fait rêver de poétiques conquêtes ; le bon Dar- clanne, aussi fin poète que polémiste mordant ou linguiste érudit ! Malaye, mes chers amis, d'avoir oublié que si je laissais une partie de mon cœur au pays des gaves, je devais trouver à l'ombre des pignadas mêmes sympathies, même amour de la patrie, de sa langue, de ses coutumes, de ses vieilles libertés ; même enthousiasme pour les grandes et belles choses qui élèvent l'âme, au-dessus des petitesses de la vie, des mesquineries de l'existence. Grâce à vous, grâce à la foule des autres chers camarades que j'aperçois, devisant sur les terrasses des cafés ou faisant les cent pas autour de l'orchestre bruyant, qui fait sauter, danser, tourbillonner de solides gars, me voilà remonté et tout prêt à tenir, avec l'ardeur des anciens jours, mon rôle de secrétaire général de Febus. * * Voulez-vous, tant que la musique nous berce de ses accords harmonieux, que nous jetions un rapide coup d'œil sur la cité renommée qui va, deux jours durant, nous donner une fraternelle hospitalité ? Comme toutes les stations balnéaires de notre pays, Salies-de-Béarn, Biarritz, Eaux-Bonnes, Cauterels et combien d autres ! Capbreton est double. Le vieux Capbreton est un gros bourg comme il y en a quelques-uns au pied des Pyrénées. Des anciens temps, il a les constructions lourdes et massives, toutes édifiées selon une architecture uniforme, un peu primitive, ignorante des élégances et des goûts de la civilisation raffinée de notrf époque. De ci, de là cependant, le progrès moderne s'affirme par des poussées de maisons rajeunies qui ont tout à fait bon air avec leur face peinte et leurs balcons fleuris ; un hôtel de ville tout flambant neuf, et quelques hôtels et cafés confoi tablement installés autour d'une place minuscule. Tout cela animé par le va-et-vient, par le trafic d'une popu- lation saine, pleine de vivacité et rayonnante d'intelligence est, ma foi, fort agréable à voir. - 184 - Mais ne cherchez pas le monument, bronze, pierre, édifice ou buste destiné à perpétuer le souvenir de hauts faits, d'évé- nements mémorables. Les rudes pionniers que furent nos pères ne travaillaient pas pour la gloire, ils se souciaient peu de l'admiration de la postérité. Notre esprit avide de con- naître, désireux de toujours percer les nuages du passé, ne comprend pas une telle mentalité. Voici cependant une maison qui appelle et retient l'atten- tion parce qu'elle échappe à la banalité qui est le caractère général de tout ce qui l'entoure. Elle est exiguë, mais ses Ouvertures à cintre surbaissé, ses croisées à meneaux, les traces de sculptures qu'on aperçoit encore, malgré les efforts combinés du temps et des profanes, indiquent une origine et une destination qui piquent la curiosité. — C'est la maison du Templier, me dit un passant, et si l'on fouillait le sous-sol on découvrirait un souterrain dont les ramifications s'étendent au loin et vont se perdre soit dans la forêt, soit dans quelque rocher bien retiré du rivage. Nous voilà en plein mystère et mon imagination bâtit tout de suite un roman dans lequel un pauvre diable de moine échappe aux griffes d'un roi avide et cruel et aux doigts tremblants d'un pape prévaricateur. — Mais il est probable qu'aucun Templier n'habita jamais cette maison, ajouta mon interlocuteur. Ce seraient plutôt les chevaliers de Malte qui, aux temps de notre prospérité, eurent ici établissement et chapelle. Au diable soit le pédant, m'écriai-je intérieurement, et je le plantai là pour me diriger vers une vieille tour dont j'apercevais Te sommet. Cette vieille tour servit autrefois de phare, on en a fait un vulgaire clocher. Ma mauvaise humeur s'en augmenta encore. Je pénétrai dans l'église sans trop espérer y trouver la dérivation néces- saire à celui qui devra bientôt participer à l'organisation d'une fête. Comme je me trompais ! Quelle agréable surprise m'attendait sur le seuil ! Les murs du porche sont tapissés de plaques de marbre sur lesquelles sont inscrits en lettres d'or, les marins — 188 — capbretonnais qui ont péri en mer. Tout y est, noms, prénoms et dates. Dans l'intérieur du bâtiment, c'est bien autre chose. Une série de tableautins courent le long du mur, à hauteur d'homme, où une main intelligente et pieuse a écrit, époque par époque, l'histoire du monument. La voila l'Action Febusienne, la glorification de la patrie locale dans ce qu'elle a de plus précieux! La voilà restaurée, réformée la mentalité ancestrale qui faisait les grandes cho- ses sans en léguer le souvenir pour servir de leçon et d'exem- ple aux hommes de l'avenir ! Qu'il soit félicité, qu'il soit béni, le curé gascon qui a exécuté cette belle pensée, qui a posé cette pierre sur l'autel de notre chère petite patrie. Qu'il lui surgisse du sol gascon, en foule, partout, dans les églises, dans les écoles, dans les mairies, dans les grandes maisons paysannes, dans les familles ouvrières, beaucoup d'imita- teurs et notre pays sera un jour le premier du monde au point de vue de la documentation historique. Avec une généreuse ardeur qui ne se dément jamais, M. Bibal cherche à enrichir de choses intéressantes notre Musée Fébusien de Mauvezin. J'exprime le vœu qu'il uploads/Geographie/ reclams-de-biarn-e-gascounhe-octoubre-1910-n010-14e-anade.pdf
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- Publié le Jui 04, 2022
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