Texte 1 : Les caractéristiques d’un fabliau Texte intégral « Estula » Préparer
Texte 1 : Les caractéristiques d’un fabliau Texte intégral « Estula » Préparer la lecture : 1. Qu’est-ce qu’un quiproquo ? 2. Qu’est-ce qu’un larron (l.21) ? Recherchez deux proverbes contenant le mot larron et donnez leur signification. 3. En quoi consiste la pratique de l’exorcisme. Quel personnage était chargé de pratiquer l’exorcisme au Moyen Âge. Il y avait jadis deux frères qui n’avaient plus ni père ni mère pour les conseiller, ni aucun parent. L’amie qui était le plus souvent avec eux, c’était la pauvreté, hélas, et il n’est pire compagnie que celle-là, pire tourment que sa présence obsédante. On ne cesse pas d’avoir faim quand on a faim. Les deux frères vivaient ensemble. Un soir, ils furent vraiment comme poussés hors d’eux-mêmes par cette faim en leur ventre, par la soif dans leur gorge, par le froid dans leur corps et dans leur cœur. Ces trois maux-là, on les ressent souvent quand la pauvreté les enchaîne !... Ils résolurent de se défendre contre elle, et ils cherchèrent comment y parvenir. Tout près de chez eux habite un homme qu’on sait très riche. Eux sont pauvres, le riche est sot. Il a des choux dans son jardin et des brebis dans son étable. C’est de ce côté-là qu’il leur faut aller. Pauvreté fait perdre la tête à plus d’un. L’un prend un sac, l’autre un couteau. En route ! Le premier, aussitôt dans le jardin, arrache les choux. Le second tracasse si bien la porte de la bergerie qu’il finit par l’ouvrir ; déjà il tâte les moutons pour choisir le plus gras. Mais dans la maison les gens ne sont pas encore tout à fait couchés. Ils entendent la porte qui grince, et le fermier dit à son fils : « Dis, fils, va donc voir s’il n’y a rien d’anormal, et appelle le chien. » Ils avaient nommé leur chien « Estula1 » : c’est une idée comme une autre ! Heureusement pour les deux apprentis larrons, le chien, ce soir-là, était allé à ses affaires… Le fils ouvre la porte qui donne sur la cour, il regarde, il écoute, puis il crie : « Estula ! Estula ! » Une voix lui répond aussitôt, du côté des moutons : « Oui, oui, je suis là ! » La nuit est noire comme la suie et le fils a peur. La voix est drôle, il s’imagine que c’est le chien qui vient de répondre. Ah ! il n’attend guère, il tourne le dos, il court, il tremble, il rentre dans la grand-salle, bouleversé : 1 Estula : prononcer é-tu-la. « Qu’as-tu donc, fils ? - Estula m’a parlé, Estula… - Qui ? Notre chien ? - Oui, notre chien. - Tu es fou. ! - Si. C’est vrai. Je vous le jure par la foi que je dois à ma mère2. Allez voir si vous ne me croyez pas. Appelez-le, vous l’entendrez !... » Le fermier y va, il entre dans la cour, il appelle son chien : « Estula ! Estula ! » Et naturellement le voleur, qui ne se doute toujours de rien, répond encore une fois : « Oui, oui, bien sûr ! » Le fermier n’en croit pas ses oreilles : « Par tous les saints et par toutes les saintes, j’ai déjà entendu parler de bien des choses étranges, mais comme celle-là alors, jamais ! Va trouver tout de suite le curé et dis-lui ce qu’il y a. Ramène-le, hein ! Fais lui prendre son étole3… L’eau bénite 4aussi, n’oublie pas. » Le fils court aussitôt à la maison du curé. Il court, il court ; il a peur… Il arrive vite, et là non plus il n’attend guère ; il ne reste pas à la porte, il entre tout de suite : « On a besoin de vous, Messire. Il faut que vous veniez… Si, il faut… Vous entendrez… Vous entendrez… Je ne peux pas vous dire… Jamais je n’ai entendu parler comme ça. Prenez votre étole. » Le curé répond : « Non et non ! Il n’y a pas de lune… Je n’irai pas dehors à cette heure-ci !... Je suis nu-pieds ! Je n’y vais pas ! - Si, si, il faut venir. C’est votre affaire. Je vais vous porter. » Le curé a pris l’étole, il monte sur le dos du fils, et les voilà partis. Arrivés près de la ferme, pour aller plus vite, ils coupent tout droit par le petit chemin qu’ont pris les deux affamés. Celui qui s’occupait des choux était encore dans le jardin. Il voit la forme blanche du prêtre, et il croit que son frère lui apporte un mouton ou une brebis. Il demande tout joyeux : « Alors, tu l’as avec toi ? - Oui, oui, répond le jeune homme, croyant que c’est son père qui a parlé. - Vite alors, fait l’autre, flanque-le par terre. Mon couteau est bien aiguisé, je l’ai passé hier à la meule. On l’aura bientôt égorgé. » 2 Par la foi que je dois à ma mère : j’en fais le serment sur ma mère. 3 Étole : écharpe portée par les prêtres. 4 Eau bénite : elle est destinée à exorciser le chien soupçonné d’être possédé par le démon. Le curé l’entend, il croit qu’il est trahi ; il saute sur ses pieds nus, mais il court vite quand même, il file ! Son surplis5 s’accroche à un pieu, mais il le laisse ; il ne perd pas son temps à le décrocher… et le coupeur de choux dans le jardin est aussi ébahi6 que le curé qui détale dans le sentier. Tout de même il va prendre la chose blanche qu’il voit autour du pieu, il s’aperçoit que c’est un surplis. Il n’y comprend plus rien du tout. À ce moment son frère sort de la bergerie avec un mouton sur le dos. Il va tout de suite le rejoindre, son sac rempli de choux. Ils ont tous les deux les épaules lourdes !... Ils ne restent pas sur place, comme vous pensez, ils s’en retournent chez eux. Lorsqu’ils y sont, celui qui a le surplis montre ce qu’il a trouvé. Tous deux rient et plaisantent de bon cœur. Car la gaieté maintenant leur est rendue, qu’ils ne connaissaient plus depuis des mois. En peu de temps Dieu travaille ! Tel rit le matin qui pleure le soir, tel est furieux le soir qui sera joyeux le lendemain matin. Auteur anonyme, « Estula » (première moitié du XIIIe siècle), Traduit de l’ancien français et adapté par P. Gaillard et F. Rachmuhl ©éd. Hatier, 2002. Texte 2 : La satire et la dimension théâtrale Texte intégral « Brunain, la vache au prêtre » Préparer la lecture : Cherchez les deux sens du mot sermon C’est l’histoire d’un paysan et de sa femme. Le jour de la fête de la Vierge7, ils s’en vont prier à l’église. Pendant l’office8, naturellement, le prêtre fait son sermon. Il dit que si l’on comprend les choses on voit tout de suite qu’il fait bon donner beaucoup pour le Bon Dieu ; ce qu’on lui donne de tout son cœur, il vous le rend au double. « Tu as entendu, ma femme, ce qu’a dit le curé ? fait le paysan. Celui qui donne de tout son cœur pour le Bon Dieu, il reçoit deux fois plus. Qu’est-ce que tu en penses ? Nous ne pouvons pas employer mieux notre vache qu’en la donnant au prêtre pour le Bon Dieu, je crois bien. Tu es d’accord ? - D’accord, fait la femme. À cette condition-là, je veux bien. Je la donne. » 5 Surplis : fine chemise blanche portée par les prêtres, au-dessus de la soutane. 6 Ébahi : étonné. 7 Fête de la Vierge Marie : le 15 août, dans la religion catholique. 8 L’office : la messe. Aussitôt dit, aussitôt fait. Ils s’en retournent chez eux. Le paysan entre dans l’étable, prend la vache par sa longe9 et va l’offrir au prêtre. Celui-ci était habile, et rusé. Il écoute. « Beau Sire10, dit le paysan, les mains jointes, pour l’amour de Dieu je vous donne Blérain.11 » Il lui met dans les mains la longe de la vache et il lui jure que maintenant sa femme et lui ne possèdent plus rien du tout. « Ami, tu viens d’agir comme un sage, dit le curé Dom Constant qui ne pense jamais qu’à prendre. Va en paix, tu as très bien rempli tes devoirs. Si tous mes paroissiens12 étaient aussi sages que vous deux, j’aurais beaucoup de bêtes ! » Le paysan s’en va et le curé donne l’ordre à son clerc 13 d’attacher Blérain (pour qu’elle prenne de nouvelles habitudes) avec sa propre vache Brunain, une belle vache assez grande. Le clerc la mène au pré, attache les deux vaches ensemble, puis il les laisse… La vache du curé se penche, elle veut paître. La vache du paysan, elle, ne veut pas se baisser, et elle uploads/Geographie/ 2-estula-et-brunain-la-vache-au-pretre 1 .pdf
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- Publié le Sep 16, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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