Numéro 103 - AVRIL 2018 rollingstone.fr EELS / NATHANIEL RATELIFF / GEORGE CLIN

Numéro 103 - AVRIL 2018 rollingstone.fr EELS / NATHANIEL RATELIFF / GEORGE CLINTON / THE INSPECTOR CLOUZO JACK WHITE PORTLAND Avec les derniers hipsters BEN HARPER & CHARLIE MUSSELWHITE Blues roots “JE ME SUIS FIXÉ MES PROPRES CONTRAINTES” TOM WAITS Le magicien des sons MEMPHIS Sur les traces de Martin Luther King PLUS FRÉDÉRIC BEIGBEDER — NO ONE IS INNOCENT — POKEY LAFARGE — ENKI BILAL LED ZEPPELIN Jimmy Page cinquante ans de rock Musée des Beaux-Arts de Calais ©Andrew Birkin - conception graphique Lemon & Pepper - Art Storm Consulting I l n’aura pas fallu longtemps pour que le disquaire Day s’impose en France. Porté par l’explosion des ventes de vinyles avec plus de 3 millions de copies vendues en France en 2017 d’après le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), soit près de 60 % de hausse par rapport à l’année précédente, les précieuses galettes noires effec- tuent un retour en force sur nos platines – en force, entendons- nous bien : ces ventes ne représentent que 10 % du chiffre d’af- faires global du secteur. Lancée en pleine période de récession, voire de quasi- disparition du support physique il y a onze ans aux États-Unis et en Angleterre, puis en 2011 en France, cette journée des dis- quaires est avant tout une fête de la mu- sique à sa manière : la célébration du support qui a permis à plusieurs généra- tions de découvrir le rock et qui, au- jourd’hui, est l’objet de toutes les atten- tions de l’industrie du disque. Et de voir les majors venir renforcer cette journée en sortant quelques éditions collector est même souhaitable bien que, au départ, le Record Store Day en VO était d’abord porté par les labels indépendants. Mais l’un n’empêche pas l’autre et, contraire- ment à certains alarmistes, les deux mar- chés ont toujours cohabité et les grands héros du rock figurent tous au catalogue des majors. L’un n’accapare ni ne spolie l’autre et, de Hendrix à Led Zeppelin en passant par Bowie ou Springsteen et Dylan, tous ont été signés et ont vu leur carrière portée par les grandes maisons de disques. Et les quelques pépites sorties spécialement pour le D-Day valent aussi bien pour les raretés indies qui s’arrachent souvent à prix d’or que pour les inédits des seigneurs de la cause rock’n’rollienne. Car le mot clé est là : la perle rare, le collector, le graal même pour certains. Le Disquaire Day existe déjà à l’année sur les sites spé- Disquaire day ! Par Belkacem Bahlouli Av ril 2018 rollingstone.fr | Rolling Stone | 3 © LORAINE ADAM ÉDITO cialisés où les cotes de vraies raretés d’époque atteignent des sommes en milliers de dollars. Le D-Day démocratise tout cela, à sa façon certes, certains vinyles coûtant souvent le double ou le triple d’un vinyle normal pour sa “seule rareté” et, un double 33-tours acheté lors de ce fameux jour de fête et payé 40 euros se retrouve dès le lendemain sur les sites spécialisés avec un prix multiplié – au mieux – par cinq, parfois beaucoup plus. Alors le jeu est là, savoir se lever tôt un samedi, faire un habile repérage la veille pour savoir où dénicher le collector qui tue et seulement tiré à 250 exemplaires, voire moins – et cette année plus de 200 nouvelles références viennent garnir les bacs…Avant d’avoir à le payer dix fois son prix quelques semaines plus tard. Mais restons optimistes : nombre de ces sorties ne partent pas toutes comme des petits pains, et certaines restent dans les bacs. Ce ne sont pas forcé- ment les plus mauvaises, loin de là, car; ce sont souvent les sorties parallèles, moins “collector”, qui vous permettront de garnir ou de remplacer votre intégrale vinyle de Costello avec le son et en très bon état – bien que souvent, les grésillements fassent aussi partie de l’écoute. Cependant, on peut tout de même déplorer l’invasion de fausses copies de disques rares, car les contrefaçons dans le monde merveilleux du vinyle sont légion. Élaborés à partir de CD et pressés à la va-vite, au lieu d’être gravé à partir du master original sur bande, ces “faux disques” sont aussi bons qu’une fausse montre de marque : ils ne sonnent pas, le pressage montre des pleurages et surtout, ils n’ont aucun intérêt artistique ni financier en cas de revente. Et pour éviter cela, car ils sont difficiles à déce- ler (le graphisme des pochettes originales est quant à lui plutôt soigné, tout comme les logos voire les autocollants sur la cello- phane), votre disquaire sera votre meilleur allié. AMERICAN BOY Jack White à Detroit, sa ville natale. WHITE EN ROUTE VERS LE FUTUR Il est devenu une légende du rock en revisitant le passé. Aujourd’hui, le guitar hero fait peau neuve et renouvelle son style. PAR BRIAN HIAT T Photographie par Pari Dukovic rollingstone.fr | Rolling Stone | 5 Av ril 2018 6 | Rolling Stone | rollingstone.fr detroit par un froid matin d’hiver, jack White a balancé son poing dans la figure d’un type. C’était il y a quelques années. Fort. Et pas qu’une fois, d’après le rapport établi par la police. C’était le point d’orgue d’une rivalité entre deux bandes de rockers. L’affaire remonte à 2003, quand les différends entre groupes vou- laient dire quelque chose. White a la réputation d’être rancunier ; du genre capable de balancer, quand ça le prend, des mails assassins ; de péter un plomb et de faire les gros titres. N’attendez pas d’excuses de sa part. Ce n’est pas le genre. Oui, il a bien distribué quelques bourre-pifs. Mais il n’est pas le seul. “Johnny Cash aussi”, rappelle-t-il en s’agitant dans le gros fauteuil vert olive de ses bureaux de Third Man Records, au fin fond de Nashville. Ici, pas de fenêtres. Et un plafond en alu. Assis à côté de lui, sur un banc contre le mur, un squelette gran- deur nature qui se tient bien sagement, jambes croisées. Régulièrement, White adopte la même posture troublante. “Pareil pour Sid Vicious, ou Jerry Lewis.” White éclate d’un rire haut perché, révélant au passage des rangées de petites dents pas vraiment aux normes du show-biz, puis se reprend. “Je voulais dire Jerry Lee Lewis. Et peut-être même Jerry Lewis, d’ailleurs. Si quelqu’un avait dit à Johnny Cash que sa mère était une salope, vous croyez qu’il n’aurait pas réagi ? Vous n’avez qu’à faire tomber la moto d’un Hells Angels devant lui et vous verrez ce qui se passe. On ne peut pas insulter quelqu’un sans s’attendre à une réaction de sa part.” Il faut se mettre ça bien en tête. Jack White a le sang chaud. Il le reconnaît. Il le répète sou- vent, même. “Avec moi, dit-il, chaque émotion atteint son point extrême. Le bonheur, la joie, la jalousie, la colère, l’excitation, la passion, la luxure. Et quand je me sens en veine, créatif, je peux y passer des nuits entières. Franchement. Imaginez un peu. Si quelqu’un s’était permis d’interrompre, je ne sais pas moi, Michel-Ange en plein travail, il aurait gueulé et personne n’aurait osé lui reprocher de s’être mis dans un état pareil. Il aurait eu raison.” Il porte un jean noir, des chaussures en daim et un T-shirt à manches longues bien moulant avec un col bizarre à la Star Trek. Sa coupe de cheveux, après une période rockabilly, a retrouvé le noir et le style des White Stripes. Leur couleur contraste fortement avec la pâleur de sa peau, laissant croire à un effet spécial. “Je crois qu’on a voulu diaboliser certaines émotions, ajoute-t-il. Comme si elles devaient disparaître de la surface du globe. Mais c’est inconcevable. Sans l’esprit de revanche ou la colère, comment aurions-nous pu remporter la Seconde Guerre mondiale ?” Il s’enfonce dans son gros fauteuil, tire une taffe sur son cigarillo et répand quelques cendres dans un cendrier d’argent et de verre. Jack White revendique sa rugosité dans un monde où les célébrités sont cernées par les médias et les réseaux sociaux qui amplifient chaque propos sortant du lot, où la moindre interview est polie, policée. Lui se moque bien du tweet moqueur que vous pourriez être en train d’écrire. Et si vous n’êtes pas capable de le lui dire en face, c’est que vous êtes un lâche. Jack White n’est pas fait de ce bois-là. Ce n’est pas un gars qui a peur. On peut le voir à l’album qu’il vient de sortir, Boarding House Reach. Il fallait être sacrément culotté pour mélanger des gospels à la Dylan (avec Regina McCrary, qui a tourné avec le grand Bob pen- dant sa période rock chrétien), du piano jazzy, des percussions, des synthés et des solos de congas avec des passages entiers de mots sim- plement dits dans une ambiance dada, fantaisiste. Il ne faut pas oublier que la musique déglinguée de Captain Beefheart a toujours été une source d’inspiration pour lui. D’ailleurs, dans son bureau, White possède un cliché très recherché de la promo de Beefheart et de son uploads/Geographie/ 2018-04-01-rolling-stone-hors-serie.pdf

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