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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/323380515 Effacer la frontière : nouvelles pratiques urbaines et sociales dans la vieille ville méridionale de Nicosie, Chypre Article · February 2018 DOI: 10.4000/espacepolitique.4458 CITATIONS 4 READS 75 2 authors, including: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: Current research View project Towards Urban Growth Analytics for Yangon. A comparative information base for strategic spatial development View project Marion Sabrié Université de Rouen 22 PUBLICATIONS 40 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Marion Sabrié on 04 March 2019. The user has requested enhancement of the downloaded file. Effacer la frontière : nouvelles pratiques urbaines et sociales dans la vieille ville méridionale de Nicosie, Chypre Yannis Carmenos, politiste indépendant Marion Sabrié, attachée temporaire d’enseignement et de recherche Laboratoire Pleiade. Université Paris 13. sabrie.marion@gmail.com Langue de l’article : français Résumé En dépit des perpétuelles négociations intergouvernementales depuis 2003 et de la volonté du peuple chypriote, grec et turc, de réunifier l’île de Chypre, les pourparlers n’ont toujours pas abouti à l’été 2017. L’île est encore divisée et Nicosie n’est toujours pas la capitale d’un État unifié, unitaire ou fédéral. Pour autant, les initiatives bicommunautaires sont de plus en plus nombreuses et le dépassement du conflit semble faire son chemin grâce aux actions de la société civile même si, officiellement et dans les représentations, la situation ne s’est pas totalement améliorée. Toutefois, dans les faits, l’espace frontalier de la vieille ville de Nicosie Sud commence à être réinvesti et réanimé par ses habitants, ainsi que par les touristes, dont la fréquentation a bien repris depuis l’ouverture de postes-frontière en 2003. Des requalifications des friches urbaines et des rénovations des bâtiments délabrés sont en cours. La vieille ville méridionale subit le contexte géopolitique régional très tendu d’une part, mais d’autre part, elle se réinvente par les actions locales menées sur le terrain urbain par divers acteurs institutionnels pour tenter de gommer la frontière. La vieille ville de Nicosie sud devient un laboratoire de l’urbain original en raison de sa proximité avec la frontière. Mots clefs Chypre, Nicosie/Lefkoşa/Lefkosia, réunification, Turquie, Union européenne, ville divisée, mur, zone-tampon, friches, requalifications urbaines, Nations Unies Rubbing out the Border: New Urban and Social Practices in the Southern Old Town of Nicosia, Cyprus Abstract Despite everlasting intergovernmental negotiations since 2003 and the will of the Cypriots, Greek and Turkish, to reunify Cyprus, talks have yet to end in 2017. The island is still divided and Nicosia is still not the capital of a unified State. However, bicommunal initiatives are increasing and the overrun of the conflict seems to work its way through the actions of the civil society. Nevertheless, officially and in the minds of the people, the situation has not totally improved: a certain animosity can still be felt. In practice, the border area in the South of the old city of Nicosia is reinvested and revived by its inhabitants, as well as by tourists, whose venue has accelerated since the opening of border posts in 2003. Urban transformation of the wastelands and renovations of derelict buildings are in progress. The southern part of old city has become an innovative urban laboratory, thanks to its proximity with the border. The southern part of the old city is on one hand undergoing a very tense geopolitical context, but on the other, it is reinventing itself through local actions made on the urban terrain by various institutional actors to try to rub out the border. The old town of South Nicosia slowly becomes an urban laboratory thanks to its proximity to the border. Keywords Cyprus, Lefkoşa/Lefkosia, reunification, Turkey, European Union, divided city, wall, buffer zone, wasteland, urban regeneration, urban requalifications, United Nations Le contexte géopolitique régional dans lequel évolue Nicosie, la capitale de Chypre, reste très tendu. Depuis 1983, le nord de l’île s’est autoproclamé « République turque de Chypre nord » (RTCN), entité qui s’étend sur 37 % de la superficie de l’île et qui n’est reconnue que par la Turquie voisine (Carte 1), officialisant la séparation de facto de l’île, en place depuis 1975. Malgré la pacification du front et l’installation de la force des Nations Unies à Chypre (UNFICYP) pour « surveiller les lignes de cessez-le-feu et la zone- tampon » (UNFICYP, 2017) longue de 180 kilomètres (et d’une largeur de quelques mètres à 4 km) entre le nord et le sud de l’Île – appelée « Buffer Zone » ou « Green Line1 » par les Chypriotes grecs -, la violence est toujours présente de part et d’autre, dans les représentations et les paroles. Certes, excepté quelques incidents et manœuvres militaires2 peu médiatisés, la paix perdure dans les faits depuis le cessez-le- feu du 16 août 1974. Mais la guerre est encore présente dans les esprits et attise les susceptibilités, notamment à Nicosie, ville divisée par une zone-tampon large de 4 à 40 mètres et dans laquelle les marqueurs de la guerre sont toujours très visibles (Carte 2). Les négociations de paix pour Chypre ont de nouveau été avortées en 2017, soit presque 43 ans après les événements qui ont bouleversé la géopolitique de l’île et le quotidien de ses 640 000 habitants d’alors (Sanguin, 2005), qui sont aujourd’hui au nombre d’1,2 million3, et 13 ans après la mise en place d’un dialogue discontinu pour résoudre cette question. En attendant une solution géopolitique, des actions locales sont menées sur le terrain urbain par différents acteurs institutionnels et par la société civile pour tenter de gommer la frontière. Après avoir analysé les répercussions de la géopolitique internationale sur Nicosie sud, nous verrons, à une échelle plus grande, comment de nouvelles pratiques urbaines et sociales se sont mises en place dans l’espace frontalier par divers acteurs, et comment 1 La « Green Line », toponyme utilisé en anglais ou en grec « Prasini Grammi », ne désigne pas uniquement le mur, mais l’ensemble de la zone-tampon, occupée par les Nations Unies. Son nom fait référence au tracé au feutre vert dessiné sur une carte de l’île, en 1964, par le Général Peter Young, alors responsable britannique de la mission d’interposition. 2 La poursuite, par la police chypriote grecque, d’un véhicule turc (qui aurait commis des infractions routières) à travers la zone-tampon à Louroujina, et l’érection d’une clôture par l’armée turque dans la zone-tampon à Avlona n’ont pas été médiatisés. 3 Le chiffre correspond à l’estimation de la population totale de l’île. Les recensements sont rares en RTCN et les données officielles sont généralement peu fiables. elles œuvrent à effacer la frontière. Nous concentrerons notre analyse sur le laboratoire de l’urbain que devient Nicosie en nous basant sur des données, principalement qualitatives4, récoltées sur le terrain lors d’entretiens, formels et informels, auprès de différents acteurs (citadins, acteurs institutionnels et agents immobiliers) pendant deux ans (2015-2017) et lors d’un séjour de recherche d’une semaine en 2004 (très utile dans nos visées comparatives des aménagements urbains de Nicosie effectués depuis). Au- delà de la question de l’originalité des dynamiques urbaines à Nicosie sud, c’est aussi la problématique des villes divisées par un conflit et des périphéries de l’Europe qui est analysée. Carte 1- Carte politique de Chypre (Sabrié, 2017) I. Répercussions de la géopolitique insulaire sur Nicosie : une vieille ville délaissée à cause du conflit A. Retour rapide sur les enjeux non résolus des négociations, freins à la réunification de l’île et de sa capitale En 1974 sonne le glas de la dictature des colonels en Grèce, ce qui a des répercussions sur la situation nationale de Chypre. Faisant écho à l’Enosis, c’est-à-dire à la volonté de 4 Nos données sont principalement qualitatives, malgré nos efforts pour récolter également des statistiques chiffrées. rattachement de Chypre à la Grèce, la dictature tente un dernier coup d’éclat contre le président de l’époque, l’Archevêque Makarios, et met en place, par la force, un gouvernement fantoche, dirigé du 15 au 23 juillet par Nikos Sampson. Le 19 juillet, l’Archevêque Makarios accuse la Grèce, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, d’envahir son pays. La Turquie profite de cette occasion et considère que l’ordre du Traité de garantie, établi en 1960, est mis à mal. Prétextant le danger dans lequel se trouvent les ressortissants chypriotes turcs, Ankara lance l’Opération Attila, également appelée « Opération paix pour Chypre » sur le territoire insulaire. Cette opération dite « de paix » est considérée comme une invasion guerrière par les Chypriotes grecs. Selon ces derniers, l’état de guerre perdure aujourd’hui : les très nombreux camps militaires turcs dans le nord5 de l’île abriteraient près de 40 000 soldats. Trente en plus tard, la réunification de l’île semble être souhaitée par tous, sans que personne ne puisse se satisfaire des solutions proposées. Le plan Annan6, qui avait pour but de réunifier les deux communautés s’est soldé par un échec à l’issue du référendum du 24 avril 2004 : alors que les Chypriotes turcs l’ont approuvé à 65 %, les Chypriotes grecs, de façon également assez inattendue, l’ont uploads/Geographie/ 2018-carmenos-sabrie-nicosiesud-reconqueteurbaine.pdf

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