• 27 • Les Princes qui trouvaient ce qu’ils ne cherchaient pas Les trois Prince

• 27 • Les Princes qui trouvaient ce qu’ils ne cherchaient pas Les trois Princes de Serendip • 28 • Il était une fois un pays lointain, très très loin d’ici, un pays qui était presque au bout du monde. Ce pays s’appelait le Royaume de Serendip. C’était une ile, très vaste où l’on pouvait voir des montagnes d’émeraude couvertes d’arbres gigan- tesques, dressés vers le ciel. Et dans ce pays, il y a très très longtemps vivait un roi puissant et sage à la fois. Ce roi s’appelait le Roi Jafer. Le Roi Jafer avait trois fils. Ces trois fils étaient sûrement marqués par le destin : le jour de leur naissance, un oiseau étrange et magnifique aux ailes dorées et aux yeux de feu apparut, dans le ciel de Serendip. Personne ne vit cet oiseau qui planait majestueusement. Personne… sauf quelques enfants, tout près de l’ancienne montagne de la Grande Sérénité. Il était une fois • 29 • Le Roi s’efforçait de préparer le mieux possible ses trois fils, en vue du jour où ils pourraient lui succéder à la tête du Royaume de Serendip. Il souhaitait qu’ils passent maîtres en 3 domaines : en vertu, en sciences et en sagesse. Le Roi, lui-même grand sage, chercha dans son royaume et même dans les royaumes limitrophes des femmes ou des hommes qui étaient encore plus sages que lui pour enseigner ces trois sujets à ses enfants. Hélas, il y eut peu de maîtres qui osèrent traverser l’océan pour venir au Royaume de Serendip ; en effet, ils auraient dû alors traverser les flots qui entouraient le royaume et y affronter de grands dangers. L’océan était infesté d’énormes dragons redoutables qui attaquaient les navires avec leurs énormes pinces et trouaient les coques d’un seul coup de queue. Les quelques précep- teurs qui réussirent à surmonter ces dangers redoutables pour devenir les précepteurs des trois Princes étaient courageux, intrépides, et sages. Ils leur donnèrent rapidement l’envie et les capacité de regarder le monde tant avec leurs yeux qu’avec leur cœur. Les trois Princes étaient bons élèves. Leurs maîtres leur donnèrent non seulement les secrets de la vertu, les principes des sciences et les postures de la sagesse mais aussi les manières de contourner les pièges de la grammaire, des langues, de la poésie et de la musique. Et ils passèrent aussi maîtres dans l’art de conduire les éléphants, qui étaient les animaux les plus nombreux et les plus utiles dans ce Royaume de Serendip. Quand les trois Princes atteignirent l’âge de raison, le Roi Jafer décida d’éprouver leur caractère et leur fermeté d’âme ; il les fit mander dans la salle du trône, chacun • 30 • leur tour. À son fils aîné, le Roi Jafer prononça ces mots, en tenant la couronne du royaume au-dessus de sa tête : - Mon fils, je veux que tu deviennes Roi, maintenant. Le prince remarqua que les mains paternelles qui tenaient la lourde couronne ornée de diamants et d’émeraudes ne tremblaient pas ; il lui répondit : - Père, avec tout le respect que je vous dois, je décline votre proposition. Je ne sens pas encore prêt à régner sur Serendip. Quand son fils puîné entra, le roi descendit de son trône magnifique et proposa à son fils de s’y asseoir à sa place, - Mon fils, le temps est venu pour toi de devenir le nouveau Roi. Le Prince écouta très attentivement la voix de son père et remarqua combien elle était encore claire et puissante. Il lui répondit : - Père, vous êtes un grand roi et vous pouvez continuer de régner sur le Royaume pendant encore de très nomb-reuses années. Alors, le Roi fit mander son plus jeune fils, et lui demanda aussi de devenir le Roi, à sa place. Le jeune prince remarqua l’étincelle au fond des yeux de son père et il comprit immédiatement qu’il voulait le mettre à l’épreuve. - Oh non, grand Roi, je suis encore un enfant ; vos yeux sont encore clairs et votre esprit alerte. Le Roi Jafer fut un peu surpris mais néanmoins satisfait du résultat de ces trois épreuves. Ses fils étaient sages et • 31 • modestes. Il décida cependant de compléter leur éducation en les envoyant visiter d’autres pays. Il savait que tant qu’ils n’auraient pas vécu en dehors du royaume, ils ne connaitraient pas l’existence d’autres bons peuples à travers le monde, qui eux aussi pouvaient avoir de bonnes idées et d’autres manières de penser, de vivre, de se comporter. En plus de ce programme ambitieux, le Roi espérait que ses trois fils puissent, chemin faisant, trouver la solution qui libère enfin le royaume de tous les monstres marins qui infestaient l’océan alentour. Il les rappela alors tous les trois et leur dit : - Mes très chers fils, les anciens du royaume m’ont dit que les brumes et brouillards de l’an dernier se sont mystérieusement cristallisés et ont servi à écrire une formule magique ; cette formule, d’une centaine de lignes, se présente sous la forme d’un poème couché sur un parchemin. Ce poème s’appelle la Mort des Dragons. Celui qui possédera la formule pourra fabriquer une potion magique. Versée dans l’océan, cette potion magique empoisonnera et tuera tous les dragons qui entourent notre cher royaume. - Je vous envoie tous les trois chercher la formule magique de la Mort des Dragons. Ne revenez pas sans l’avoir trouvée, ou sans que je vous en aie donné l’ordre. • 32 • Ainsi, les trois Princes vêtus très sobrement se mirent en route, juchés sur le dos d’éléphants dont on avait ôté les atours et caparaçons de cérémonie. Ils pensaient qu’ils apprendraient beaucoup plus de choses si on ne les reconnaissait pas. En prenant le chemin qui les conduisait à l’océan, ils se rendirent compte, encore plus qu’auparavant, de la beauté sublime du royaume de Serendip. Ils savaient bien qu’ils allaient être tristes, loin de leur demeure et de leur père, mais ils étaient déterminés à trouver la formule magique de la Mort des Dragons. La traversée de l’océan entre le Royaume de Ceylan et l’Inde était dangereuse mais les Princes purent trouver un grand bateau rapide qui les mena sans encombre de l’autre côté, sur la terre ferme. Pendant la traversée, ils virent plusieurs fois les dragons, féroces et monstrueux qui caracolaient dans les vagues. Sur le rivage, les Princes commencèrent à demander aux habitants qu’ils rencontraient s’ils savaient où ils pourraient trouver la formule magique de la Mort des Dragons. Ils avaient appris à poser des questions : ils le faisaient avec tant de politesse et de simplicité que les gens ne demandaient pas mieux que de les aider. L’un d’entre eux les orienta vers un vieux sage tout grisonnant qui avait déjà entendu parler d’un mystérieux poème d’une centaine de lignes. - « Il n’y a au monde qu’un seul exemplaire de ce poème. » leur dit-il. • 33 • Il est sous la garde d’un vieux prophète qui a des yeux très étranges, des yeux fascinants. Il s’appelle Aphoenicius et il conserve le poème dans une fiole d’argent dont il ne se sépare jamais. Il a une centaine de déguisements, et même il arrive qu’il soit invisible. Enfin, il ne reste jamais deux nuits de suite au même endroit. Le Prince aîné demanda : - Avez-vous déjà vu Aphoenicius ? Le sage répondit qu’il avait déjà passé une nuit avec lui. - Mais comme vous êtes courtois et comme je pense que votre quête de la formule magique est au service d’une noble cause, je vais vous dire tout ce que je sais. Pendant cette nuit-là, Aphoenicius a parlé pendant son sommeil et j’ai cru entendre deux lignes du fameux poème que vous recherchez : • Bien que le trésor concerne le monde marin • vous ne le trouverez pas dans la mer Les princes consignèrent ces deux vers du poème, remercièrent le sage et continuèrent leur voyage. • 34 • Les trois Princes pénétrèrent dans le pays persan, où régnait le grand Roi Behram. Ils partirent à la recherche de chameaux pour traverser le désert, et sitôt trouvés, ils s’en allèrent traverser les immenses dunes du désert. A mi-chemin, ils dépassèrent une caravane. Le chef de la caravane leur demanda si par hasard ils n’avaient pas rencontré un de ses chameaux qui s’était perdu. L’aîné des princes répondit : - Non, nous n’avons pas vu de chameaux, sauf les nôtres. Mais j’aimerais bien à mon tour vous poser une question : votre chameau est-il borgne ? - Oui, c’est vrai, dit le chef de la caravane. Alors, vous l’avez vu ? - Non, nous n’avons vu aucun chameau. Mais j’ai une autre question à vous poser : ce chameau n’aurait-il pas perdu une dent, une dent de devant ? - Mais oui, répond le chef de la caravane. Vous êtes en train de me prendre pour un imbécile. Dites-moi où est mon chameau… - Je vous assure que nous ne l’avons pas vu. uploads/Geographie/ 3-princes-serendip.pdf

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