22/05/2020 Les migrants face aux langues des pays d'accueil - Aspects sociolang

22/05/2020 Les migrants face aux langues des pays d'accueil - Aspects sociolangagiers de l’acquisition d’une langue étrangère en milieu socia… https://books.openedition.org/septentrion/14071?lang=fr#authors 1/40 Presses universitaires du Septentrion Les migrants face aux langues des pays d'accueil | Hervé Adami, Véronique Leclercq Aspects sociolangagiers de l’acquisition d’une langue étrangère en milieu social 22/05/2020 Les migrants face aux langues des pays d'accueil - Aspects sociolangagiers de l’acquisition d’une langue étrangère en milieu socia… https://books.openedition.org/septentrion/14071?lang=fr#authors 2/40 1 2 Hervé Adami p. 51-87 Texte intégral Introduction Les migrants se trouvent en situation d’immersion linguistique dans la société du pays d’accueil : il ne s’agit pas d’une stratégie ou d’un choix didactique mais d’une réalité factuelle. Cette immersion n’est ni temporaire, ni partielle mais permanente et presque totale, cette dernière nuance étant motivée par le fait qu’ils continuent à utiliser leurs langues premières dans le milieu familial et amical. Quand il s’agira d’aborder la question d’une éventuelle formation linguistique, la réalité de l’immersion ne saurait être ignorée au risque de passer à côté de l’essentiel. En effet, la plus grande part des acquis langagiers des migrants se structure au contact des natifs dans les multiples situations sociales de communication, et la formation, quand elle a lieu, n’est qu’un moment du long processus d’apprentissage de la langue dominante par les migrants. D’ailleurs, la majorité des migrants ne suit pas de formation : dans le cadre du Contrat d’Accueil et d’Intégration, selon le bilan effectué pour l’année 2006 par exemple, 60 % des migrants primo arrivants, dont les compétences linguistiques sont évaluées lors d’un entretien individuel, ne se voient pas prescrire de formation linguistique parce que leur niveau est estimé suffisant. Le mode dominant d’apprentissage du français chez les migrants est donc l’apprentissage en milieu social, c’est-à-dire hors d’un quelconque cadre pédagogique, ce dont l’expression apprendre sur le tas a longtemps très bien rendu compte dans le cas des migrants puisqu’elle signifie apprendre sur le lieu de travail. La question du processus d’acquisition des langues a, depuis longtemps, été étudiée du point de vue psychologique, cognitif, voire plus récemment neurologique, ainsi que du point de vue linguistique par la description des différents états de l’interlangue en cours de construction et de structuration chez les migrants. Mais le processus 22/05/2020 Les migrants face aux langues des pays d'accueil - Aspects sociolangagiers de l’acquisition d’une langue étrangère en milieu socia… https://books.openedition.org/septentrion/14071?lang=fr#authors 3/40 3 L’appropriation d’une nouvelle langue Apprendre ou acquérir une langue ? d’apprentissage de la langue en milieu naturel est très mal connu sous ses aspects sociolangagiers. Si l’on s’accorde à penser que le processus d’apprentissage de la langue cible en immersion s’effectue dans et par les interactions au quotidien dans la multiplicité et la variété des échanges sociaux, on en sait beaucoup moins en revanche à propos de l’influence de la nature de ces échanges sociaux sur le cours du processus d’apprentissage et sur la construction de la structure de l’interlangue. En d’autres termes, si les interactions sont bien des moments privilégiés, mais pas uniques, d’apprentissage de la langue dominante, il reste encore à comprendre le rôle que jouent les contextes sociaux de ces interactions dans l’apprentissage d’une langue seconde en milieu social. Cette distinction a longtemps fait consensus et reposait essentiellement sur une base disciplinaire : la linguistique, la psycholinguistique et la psychologie s’intéressaient à l’acquisition tandis que la didactique des langues s’intéressait à l’apprentissage. Ce dernier était défini par la volonté et la conscience d’apprendre une langue où était mise en œuvre une stratégie particulière pour y parvenir. Par ailleurs, l’apprentissage se déroulait toujours dans un cadre pédagogique institué, sinon institutionnel. L’acquisition, quant à elle, se définissait comme un processus et/ou des mécanismes cognitifs d’appropriation d’une nouvelle langue. Cette « division des rôles » écartait de fait l’appropriation d’une langue en milieu social du cadre de l’apprentissage, d’une part parce qu’il n’existe pas de cadre pédagogique et, d’autre part, parce que cette appropriation était perçue comme largement inconsciente ou, en tous cas, menée sans stratégie particulière. Les recherches qui sont menées dans une perspective acquisitionniste, auprès des enfants notamment, parlent néanmoins d’apprentissage du langage (Canut & Vertalier, 2008) ce qui semble démontrer que ces 22/05/2020 Les migrants face aux langues des pays d'accueil - Aspects sociolangagiers de l’acquisition d’une langue étrangère en milieu socia… https://books.openedition.org/septentrion/14071?lang=fr#authors 4/40 4 5 deux notions ne recouvrent pas des domaines étanches l’un à l’autre. Cette distinction est aujourd’hui fortement remise en cause parce qu’il ne peut y avoir apprentissage sans acquisition, même minimale, et que les deux ont donc partie liée. Elle est également remise en cause parce que l’acquisition dite en « milieu naturel » est également une forme d’apprentissage et que, s’il n’y a pas de cadre institutionnel, ni la volonté délibérée ni les stratégies ne manquent, même s’il s’agirait plutôt de tactiques en l’occurrence (Adami, 2009). Je parlerai ici d’apprentissage en milieu social, à la suite de Véronique (1994). En effet, milieu « naturel » signifie en réalité milieu social dans la mesure où la distinction oppose les situations pédagogiques implicitement considérées comme artefactuelles, sinon artificielles, aux situations de la vie courante, considérées comme « naturelles ». Or, affirmer la « naturalité » de faits sociaux est un contre sens. En parlant de milieu social plutôt que de milieu naturel, j’ai bien conscience de maintenir implicitement l’idée que la situation pédagogique n’est pas une situation sociale mais je choisis de prendre ce risque parce que cette notion de naturalité apparaît plus pernicieuse. Dans le cas de « l’immersion » linguistique telle que la connaissent les migrants, le simple fait d’être « plongé » dans le « bain » linguistique ne suffit pas à développer des compétences par une sorte d’effet de capillarité. L’usage d’expressions métaphoriques comme le bain linguistique n’aide d’ailleurs pas à mieux comprendre la réalité complexe de l’apprentissage de la langue dominante par les migrants. En effet, pour filer la métaphore, tout individu plongé dans ce bain subit logiquement le même trempage mais pour ce qui concerne la capacité à nager, c’est autre chose. Or, c’est là précisément que se situe le problème : si la société d’accueil est un grand bain, ce n’est en tous cas pas une piscine olympique mais un littoral découpé, avec ses trous d’eau, ses courants et ses marées où il n’est pas facile d’apprendre à nager. La métaphore de l’immersion linguistique, au-delà du fait qu’elle ne correspond pas totalement à la situation des migrants puisqu’il ne s’agit pas d’une démarche didactique, est bien trop évasive pour 22/05/2020 Les migrants face aux langues des pays d'accueil - Aspects sociolangagiers de l’acquisition d’une langue étrangère en milieu socia… https://books.openedition.org/septentrion/14071?lang=fr#authors 5/40 6 Un apprentissage empirique rendre compte du processus d’apprentissage de la langue dominante. Les migrants n’acquièrent pas la langue par simple contact, comme des récipiendaires passifs, mais par le biais de tactiques empiriques et actives d’apprentissage. Ces tactiques sont orientées par un objectif essentiel : comprendre et se faire comprendre dans les multiples situations de communication de la vie quotidienne. Pour cela, les migrants s’appuient sur le discours des natifs, écoutent, comparent, établissent des rapports avec leurs langues d’origine, s’enquièrent du sens de tel ou tel mot ou expression, font des essais et, pour les mieux scolarisés d’entre eux, cherchent eux-mêmes dans les dictionnaires ou les manuels de langue. Toutes ces activités, qu’elles soient d’ordre métalinguistique ou épilinguistique, relèvent d’un véritable travail d’apprentissage, hormis le fait qu’elles ne s’effectuent pas dans un cadre pédagogique. L’apprentissage en milieu social, dont la caractéristique est de s’effectuer en dehors d’un cadre institué de formation, ne suit pas de logique pédagogique, si ce n’est celle que les personnes peuvent éventuellement mettre en œuvre de façon explicite, mais il s’adapte aux situations langagières rencontrées dans la vie sociale. Cet apprentissage est donc fondamentalement empirique dans la mesure où il progresse en fonction des besoins langagiers créés par la vie sociale. La perspective est ainsi complètement inversée par rapport à un apprentissage guidé dont les objectifs sont d’abord langagiers. En effet, les apprentissages guidés construisent leurs progressions en fonction de besoins langagiers repérés et identifiés par les concepteurs de formation, qu’ils soient auteurs de manuels ou praticiens, et préconçus pour l’apprentissage. Cette préconception des besoins induit d’ailleurs des approches différentes selon qu’elles se réclament de conceptions « traditionnelles » en didactique centrées sur la langue comme système, ou de conceptions comme l’approche communicationnelle et l’approche actionnelle qui ont trouvé leur place plus récemment, valorisant l’autonomie, qui suppose une préconception par 22/05/2020 Les migrants face aux langues des pays d'accueil - Aspects sociolangagiers de l’acquisition d’une langue étrangère en milieu socia… https://books.openedition.org/septentrion/14071?lang=fr#authors 6/40 7 l’apprenant lui-même. Dans tous les cas, l’objectif est bien langagier, même si l’accent est mis sur les besoins en termes de communication. L’apprentissage en milieu social en revanche est surdéterminé par les besoins sociaux qui façonnent et construisent la progression. Le processus est empirique dans la mesure où les apprenants partent de la réalité sociale pour construire leurs répertoires langagiers. La démarche est également empirique par le fait que la création de ces répertoires est une uploads/Geographie/ adami-leclercq-ano-langue-d-x27-integration.pdf

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