DANS LA MÊME COLLECTION L’Événement Anthropocène La Terre, l’histoire et nous C

DANS LA MÊME COLLECTION L’Événement Anthropocène La Terre, l’histoire et nous Christophe Bonneuil, Jean-Baptiste Fressoz, 2013 Les Apprentis sorciers du climat Raisons et déraisons de la géo-ingénierie Clive Hamilton, 2013 Toxique planète Le scandale invisible des maladies chroniques André Cicolella, 2013 Nous sommes des révolutionnaires malgré nous Textes pionniers de l’écologie politique Bernard Charbonneau, Jacques Ellul, 2014 L’Âge des low tech Vers une civilisation techniquement soutenable Philippe Bihouix, 2014 Prix de la Fondation de l’écologie politique 2014 La Terre vue d’en haut L’invention de l’environnement global Sebastian Vincent Grevsmühl, 2014 Ils changent le monde ! 1001 initiatives de transition écologique Rob Hopkins, 2014 Nature en crise Penser la biodiversité Vincent Devictor, 2015 Comment tout peut s’effondrer Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes Pablo Servigne, Raphaël Stevens, 2015 Crime climatique Stop ! L’appel de la société civile Collectif, 2015 Sortons de l’âge des fossiles Manifeste pour la transition Maxime Combes, 2015 La Part inconstructible de la Terre Critique du géo-constructivisme Frédéric Neyrat, 2016 La Grande Adaptation Climat, capitalisme et catastrophe Romain Felli, 2016 Comment les économistes réchauffent la planète Préface de Gaël Giraud Antonin Pottier, 2016 Un nouveau droit pour la Terre Pour en finir avec l’écocide Valérie Cabanes, 2016 Une écosophie pour la vie Introduction à l’écologie profonde Arne Næss, 2017 ISBN 978-2-02-135261-0 © Éditions du Seuil, mai 2017 www.seuil.com Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. TABLE DES MATIÈRES Titre Dans la même collection Copyright AVANT-PROPOS INTRODUCTION 1. - L’INVENTION DES DÉCHETS OU LA NORMALISATION DE L’ABANDON Le déchet prémoderne de la ville puante à une pensée du cycle des matières Le déchet moderne Fin de la circulation et accumulations : vers l’élimination de l’ordure Le déchet normalisé ou la présence pathologique des déchets 2. - LA SOCIÉTÉ DU RECYCLAGE OU COMMENT LES DÉCHETS SONT DEVENUS UN PROBLÈME ENVIRONNEMENTAL « Bien jeter » pour « mieux » oublier 3. - UN MONDE PLASTIQUE OU LA FABRIQUE D’UNE ÉTERNITÉ « PRÊTE-À-JETER » Interdire les plastiques ? 4. - RETOUR À LA TERRE LES NOUVEAUX CHIFFONNIERS Le déchet comme indice ? 5. - DEMAIN, ZÉRO-DECHET ? UNE CRITIQUE DES PROMESSES DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE Éloge de ce qui reste Conclusion - DE L’ÉCO-CITOYEN AUX CHIFFONNIERS NOTES AVANT-PROPOS En octobre 2009, j’embarquai avec trois amis sur un voilier en bois de dix mètres de long, pour partir à la recherche d’un « nouveau continent de déchets ». Cette expédition de neuf mois autour de l’Atlantique Nord allait me servir de terrain d’enquête idéal pour ma thèse 1 ! J’espérais collecter, à l’occasion des escales, de la matière pour comprendre pourquoi et comment les déchets étaient devenus un tel problème planétaire ; j’espérais même trouver, ici et là, des solutions locales à ce grand désordre global. Montant avec enthousiasme à bord de ce voilier, je n’étais ni marin, ni sociologue, ni militant, ni d’ailleurs spécialiste en quoi que ce soit. Naïf, en revanche, je l’étais certainement. Mettre les voiles ! Larguer les amarres ! Prendre le large ! Goûter un peu de cette liberté qu’il m’était promis de vivre loin du tumulte de la ville et de mon quotidien parisien. Loin de la civilisation, mais proche de la nature, en osmose avec les éléments, poussé par le vent, glissant sur les vagues… Ignorant tout de la navigation hauturière comme de la vie académique, jeune doctorant à peine sorti de l’œuf, plein de bonnes intentions et de concepts prêts-à-penser, j’espérais faire de ce terrain à la voile un voyage vers l’ailleurs, vers le tout autre. Mais il a vite fallu que je me rende à l’évidence : l’ailleurs n’a de cesse de fuir au-devant de l’endroit où l’on se trouve. Les quelques mètres carrés de mon nouveau foyer flottant m’ont d’abord permis de réaliser que ma quête de liberté serait toujours contrariée : le voilier est un espace carcéral tant il impose à ceux qui y vivent une existence sociale ininterrompue, sans reste. Sur un bateau, il n’y a pas d’extérieur pour ceux qui y vivent, pas de dehors, que du dedans. De même, cette « Nature », que j’espérais accueillante et enveloppante, m’a fait comprendre, rapidement elle aussi, qu’elle n’avait cure de mes fantasmes romantiques de jeune citadin. Les premiers jours de navigation n’ont été que tempête et hurlements : insultant les vagues, le ciel et le vent, j’ai bien compris que Gaïa se foutait pas mal que je sois mort ou vivant. Pire encore, même au plus loin des côtes, même lorsque les éléments étaient favorables, impossible de s’arracher de cette civilisation que je croyais laisser derrière moi. Ordinateurs, GPS, systèmes d’identification des autres navires, balises de détresse, toutes ces technologies embarquées ne cessent à bord d’émettre des alertes sonores et lumineuses qui tendent à rappeler à chaque instant aux navigateurs du XXI e siècle que leur survie dépend désormais de la bonne marche du monde moderne : des pelleteuses qui arrachent des entrailles de la terre ces matériaux, rares et précieux, aux satellites qui orbitent au-dessus de nos têtes. Mais c’est certainement la confrontation ininterrompue à cela même que j’étais parti chercher qui m’a définitivement ramené à la pesanteur terrestre. Au cours des escales, je les ai retrouvés constellant les plages sous le vent de ces îles où des boat-boys déversent les sacs-poubelle confiés par des plaisanciers soucieux de ne pas polluer ; ou tels des montagnes gigantesques, au cœur de la décharge à ciel ouvert de M’Beubeuss à Dakar ou de celle de Mindelo, au Cap- Vert. Au milieu de l’océan, il ne s’est pas passé pas un seul jour sans son lot de débris flottants le long de l’étrave. Le plus souvent, en mer, nous avons collecté des particules plastiques de quelques millimètres de diamètre en cours de fragmentation, blanchies par leurs séjours prolongés dans l’eau salée. Au milieu de la mer des Sargasses, enfin, à plus de 1 500 kilomètres de toute côte, les longs filaments d’algues dérivant au gré des courants emprisonnaient d’innombrables pains de polystyrène, sacs, flacons, bouchons, bidons, couverts, bouteilles, parfois intacts, parfois brisés, parfois recouverts de petits coquillages. Pas de continent, non, mais plutôt un océan de plastique. À l’occasion des escales, de Lisbonne à La Havane, de Dakar aux Bermudes, j’ai pu discuter avec de nombreux responsables locaux à qui je racontais ces improbables rencontres. Loin de ces solutions inventives et locales que j’espérais dénicher, tous n’ont eu qu’un seul mot d’ordre : « Il faut mo-der-ni-ser la gestion de nos déchets ! Il faut réduire, réutiliser, recycler ! » Dans les Nords, la plupart du temps, là où les systèmes techniques industriels de collecte, de tri et de valorisation de la matière semblaient fonctionnels, il s’agissait toujours d’en appeler à une forme d’optimisation des dispositifs existants. Dans les Suds, il s’agissait toujours de trouver les moyens économiques de les développer. J’ai finalement retrouvé, aux quatre coins du monde, les traces d’une conception univoque d’un « problème des déchets » : ils sont cela même contre quoi il faut lutter, ils sont cela même qu’il faut maîtriser, il faut, en somme, les faire disparaître. Naviguant vers l’inconnu du grand large, parti en quête d’un ailleurs, j’ai fini par ne trouver que l’horizon familier et inquiétant du même. À défaut d’être le récit de cette expédition transatlantique qui m’a ramené sans cesse à ma condition de terrien, ce livre y a toutefois pris ses racines, son élan. Faute d’être devenu cet aventurier des temps modernes, bravant sans faillir les éléments déchaînés, découvreur héroïque d’un nouveau « continent » fait de restes de supermarchés, ces milliers d’heures passées à déambuler au milieu de ces fragments épars m’ont invité, je crois, à changer de regard sur ce que j’étais précisément parti chercher. J’ai ainsi collecté, durant les cinq années qui ont suivi ce périple, des données en tous genres, réalisé de nombreux entretiens, d’incessantes observations, lu des centaines d’articles scientifiques et de livres de tous horizons disciplinaires. Et je ne prétends pas y avoir trouvé toutes les réponses aux questions que ces années d’enquête n’ont cessé de soulever. Avec ce livre, je n’entends pas dévoiler une quelconque « vérité » du déchet, je n’entends pas donner de leçons, je n’entends pas, non plus, apporter des « solutions » aux « problèmes » que semblent poser les déchets aux sociétés contemporaines. Ce texte est un essai, une tentative nécessairement parcellaire qui cherche peut-être simplement à comprendre comment se mettre à l’écoute de ce qui reste. * * * Si l’écriture d’un livre peut ressembler par moments à l’expérience d’une navigation en solitaire, celui-ci est le fruit de rencontres décisives que je souhaite saluer. Il me faut remercier, d’abord, toutes celles et ceux qui m’ont accordé un temps de discussion autour de leurs déchets et de ceux des autres, et qui m’ont fourni la matière première de cette enquête. Merci à Sophie Poirot-Delpech sans qui la thèse qui a nourri ce livre n’aurait pu exister, à Alain Gras, Bernadette Bensaude-Vincent, Sébastien Broca, Marc Berdet, Raphaël Koster, Jeanne Guien et aux membres du Cetcopra qui uploads/Geographie/ homo-detritus-critique-de-la-societe-du-dechet-by-baptiste-monsaingeon.pdf

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