Anges Gérald Sédrati-Dinet – La Langue des Anges – Le Chœur des Anges – Le Sexe

Anges Gérald Sédrati-Dinet – La Langue des Anges – Le Chœur des Anges – Le Sexe des Anges – L’Amour des Anges – Le Temps des Anges – L’Élégie des Anges (d’après la 1ère Élégie de Duino, Rainer Marie Rilke) – L’Être des Anges (d’après la 2ème Élégie de Duino, Rainer Marie Rilke) – Le Gardien des Anges – Le Cœur des Anges – Le Message des Anges (d’après la 7ème Élégie de Duino, Rainer Marie Rilke) – La Nuque des Anges – Le Baiser des Anges – La Chasse aux Anges – La Route des Anges – L’Inconscient des Anges – Les Ailes des Anges – L’Envol des Anges – Le Souffle des Anges – La Peau des Anges – Les Yeux des Anges – La Vie des Anges 08/02/1998 - 21/04/1998 Anges 3 La Langue des Anges Heureux celui qui sait le langage des Anges Car il connaît leur langue, et mieux encor, par cœur, Il connaît la douceur de leurs lèvres en fleur : Heureux celui qui sait les lèvres bleues d’une Ange ! Bien heureux celui qui, d’un doux baiser, mélange Son sourire innocent, aux lèvres du bonheur; Car il connaît la plus exquise des saveurs : Bien heureux celui qui sait embrasser une Ange. Toutes les Anges ont ce suprême savoir Qui vous change en or blanc les désirs les plus noirs ; Elles ont suspendu tout au bout de leur lèvres Des rayons de lune et l’esquisse du soleil Et j’aimerais goûter à ce baiser d’orfèvre En trouvant près de moi une Ange à mon réveil. 08/02/98 Le Chœur des Anges On prend souvent les Anges pour des messagers Alors qu’ils sont bien plus encor les paroliers De ces chansons d’amour à la mélodie bleue Qui sont pourtant du désespoir à mille lieues Les Hommes sont habiles pour chanter sans fin Le triste Amour impossible et bien souvent vain Mais seule une Ange sait chanter le bel Amour Paisible et doux heureux et chaud et pour toujours Écoutez le à l’horizon le chœur s’élève Et sa chaleur vient envahir le corps entier Ressentez-vous en vous voguer sa douce sève Qui entre vos ventricules vient naviguer? 14/02/98 Le Sexe des Anges Si les Anges n’ont qu’un seul sexe, C’est qu’ils ont sûrement compris! Mais elle n’est pas bien complexe, La Vérité, je vous le dis : C’est qu’avant de pouvoir aimer Et avant de dire je t’aime À l’Ange du sexe opposé, Il faut d’abord s’aimer soi-même. 14/02/98 L’Amour des Anges Les Anges s’aiment Car il n’existe pas d’autre choix Les Anges s’aiment Car ils ne peuvent que s’aimer 14/02/98 4 Gérald Sédrati-Dinet Le Temps des Anges Et le Temps n’a plus aucune emprise sur les Anges Elles échappent à Son règne inventé Puisqu’Elles connaissent l’Éternité Pour Elles un seul instant se change En milliers, en millions d’années Plus de signification Dans aucune invention Trop imaginée Les jours s’échangent Filament Du Temps Ange 15/02/98 L’Élégie des Anges (d’après la 1ère Élégie de Duino, Rainer Marie Rilke) Qui donc, si je criais, m’entendrait parmi les Hiérarchie des Anges ? Et même si l’un d’eux, Me prenait sur son cœur, soudain daignant m’aimer : Je succomberais, mort, en réalisant mieux De son existence, l’immense intensité. Car le Beau n’est-il pas juste un premier degré Dans le terrible effroi? À peine pouvons-nous Supporter cette peur; et s’il est admiré, C’est que le Beau néglige avec dédain de nous Anéantir, ainsi : Tout Ange est effrayant! Je contiens donc mon cri, en sanglots, refoulant, Hélas quel heureux recours avons-nous enfin ? Ni les Anges bien sûr, ni les êtres humains, Même les animaux savent par leur instinct Que nous vivons ici sans bien savoir comment Ni où est notre place en ce monde inquiétant. Oh ! il nous reste bien un arbre et la colline Ou une trop fidèle habitude d’hier Qui se plaît bien en nous, dont on est un peu fier. Et la nuit, ô la nuit ! La nuit est si divine Lorsque le vent, porteur d’immensité, câline Nos visages offerts à l’espace infini. Il nous reste la nuit, amante désirée, Décevante en douceur, qui cause tant d’ennuis Aux cœurs solitaires, si seuls avec leur nuit. Est-elle plus légère au amants ? Méritée ? Hélas elle ne fait que masquer sous son loup Leur destin sans appel : pauvres amoureux fous ! Ne le savais-tu pas ? Jette hors de tes bras Le vide vers l’air pur que nous tous respirons; Peut-être les oiseaux, puisqu’ils volaient plus bas, Pouvaient sentir l’espace assez vaste. Enfin bon ! Je l’admets : les printemps avaient besoin de toi. Et maintes étoiles s’attendaient — à quoi bon! — À — pauvres naïves ! — être perçues par toi. Voici que s’approchait, et en se soulevant, La vague du passé, ou que, sur ton passage Volait soudain un son, violon s’abandonnant. Mais tout cela était mission ou bien message ! * Anges 5 Mais en vins-tu à bout ? N’y eut-il pas toujours En toi la distraction de l’attente espérée, Comme si tout t’annonçait une bien aimée ? (Où veux-tu l’abriter, alors que sans détour Les plus grandes pensées entrent, sortent, toujours, Et s’attardent en toi, quand la nuit est tombée ?) Mais alors, si, encor, ton âme est nostalgique, Chante les amantes : il est loin d’être assez Immortel, sois-en sûr, leur sentiment loué. Alors célèbre les — tu les envies — tragiques Délaissées, si belles et bien plus amoureuses Qu’une amante apaisée dont les envies sont creuses. Ô ne cesse jamais de chanter à ces Anges Encore et toujours l’inaccessible louange; Pense que le héros est toujours éternel Que sa chute même a un goût artificiel : Subterfuge qui est sa dernière naissance. Mais les amantes ! Non ! La nature épuisée Reprend à jamais en son sein leur existence, Comme si elle était incapable ou lassée De réussir deux fois pareille création. As-tu de Gaspara, bien chanté la chanson Assez pour que chaque ingénue, abandonnée, Puisse exalter l’exemple d’une telle amante Éprouvant le désir, de n’être différente, D’enfin lui ressembler, Stampa la délaissée ! Et ces douleurs sans âge ô si immémoriales Ne vont-elles enfin devenir plus fécondes? N’est-il pas temps, pour nous, qui aimons en ce monde, D’enfin nous libérer dans l’envolée nuptiale De cet objet aimé, ô vainqueurs frémissant : Oui tout comme le trait vainc la corde pour être Concentré dans le bond, plus qu’il ne pourrait être. Car nulle part il n’est d’arrêt, je te l’apprends. Des voix, des voix ! Écoute à ton aise mon cœur, Tel jadis seul un saint sut assez écouter : Au point que cet appel gigantesque du chœur Le soulevait du sol ; mais lui, agenouillé, Restait inébranlable et ainsi écoutant. Non que tu ne puisses supporter cette voix Si divine il s’en faut ! Plutôt écoute en toi Le souffle de l’espace et pense qu’il est fait De silence et bien sûr sens monter la rumeur De tous ces jeunes morts, sens toute leur grandeur. Qu’attendent-ils de moi ? Avec douceur je dois Tous les libérer de ce semblant d’injustice, Qui gêne leurs esprits, un tant soit peu, parfois, Dans leur mouvement pur et parfaitement lisse. Certes il est très étrange, horrible et effrayant De ne plus habiter la terre où l’on est né Et de se défaire d’usages dont souvent On venait à peine d’apprendre à s’habituer, Et de ne plus donner aux roses du matin Ni aux choses — chacune était une promesse — La signification de l’avenir humain; De n’être plus ce qu’on était dans la tristesse Emplie d’angoisse lorsqu’on se lève au matin, Enfin d’abandonner, jusqu’à son propre nom, Comme un jouet brisé, comme par maladresse. * 6 Gérald Sédrati-Dinet Étrange de ne plus souhaiter les désirs. Étrange de revoir ce qui était lié Se mettre à flotter, libre et soudain détaché Dans l’espace infini. Étrange de mourir. Mourir est plein de peine : il y a tellement À trouver à nouveau pour sentir peu à peu Un peu l’Éternité. Erreur pour nous vivants D’avoir de trop fortes destinations à nos yeux. Les anges — paraît-il — souvent ne sauraient pas Si ils passent parmi des vivants ou des morts. Car l’éternel courant, là-haut et ici-bas, Entraîne enfants, vieillards : qu’importe l’âge encor! Et dans les deux règnes, il domine leurs voix. Gardons-nous de plaindre ceux qui meurent jeunes Car ils peuvent encor se détacher des lèvres De la terre, tout comme un enfant que l’on sèvre. Prenons-les pour guides, ceux qui sont morts si jeunes, Car ils n’ont plus besoin de nous, non plus du tout, Mais nous, qui aimons tant déchiffrer les mystères Nous pour qui un progrès bienheureux se génère Et naît souvent du deuil, pourrions-nous quant à nous Être et vivre sans eux ? Car pour pleurer Linos Une musique osa, pour la première fois Pénétrer l’inanimé, comme on croque un os. Si bien qu’alors l’espace effrayé sans son roi, Connut finalement la vibration heureuse Qui depuis nous entraîne uploads/Geographie/ anges.pdf

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