ARCHITECTURE CONTEMPORAINE ET PAYSAGE Emmanuelle Déjos – Florian Craïssac – ENS
ARCHITECTURE CONTEMPORAINE ET PAYSAGE Emmanuelle Déjos – Florian Craïssac – ENSA Toulouse ARC 4100 - Baccalauréat - Automne 2012 “Nature et culture : esthétiques du paysage et théories du site” Georges Teyssot - Ecole d’Architecture de l’Université Laval, Québec 2 Sommaire Introduction page 3 Développement de la notion de paysage, et évolution du rapport de l’architecture avec son environnement page 4 Approches architecturales vis à vis du paysage page 7 Conclusion page 26 Bibliographie page 27 3 Introduction Aujourd’hui, il est courant de parler du rapport entre architecture et paysage. Nous apprenons dans les écoles d’architecture à étudier un site, le relever pour concevoir un bâtiment en harmonie avec son environnement bâti ou paysagé, climatique, culturel, etc. Il nous est paru intéressant d’étudier d’abord la notion de paysage et de comprendre l’évolution de la position de l’architecture dans ce paysage. Par la suite, nous nous sommes intéressés aux philosophies architecturales contemporaines vis-à-vis du site. Comment les nouveaux projets architecturaux s’inscrivent dans leurs sites respectifs ? Quelles sont les différentes manières d’aborder cette question ? Comment les architectes contemporains parviennent-ils à faire cela ? Y a-t-il des courants d’idées sur la place de l’environnent dans les projets ? Nous avons étudié les manières dont l’architecture peut s’implanter dans un site, et relevé de manière non exhaustive les multiples approches architecturales adoptées par les architectes contemporains. L’architecture peut être mise en valeur par le site, et le paysage par l’architecture. A l’encontre de la négation de la terre, héritée des Romains, des architectes conçoivent des réalisations qui restaurent le paysage, d’autres qui le révèlent, sans jamais le dissimuler. Agencer des éléments existants afin de révéler la nature d’un lieu, créer un cadre pour révéler le paysage, remplacer un cadre naturel par un espace construit, neuf et artificiel mais en harmonie avec l’environnement, ajouter un espace construit à un espace naturel, enterrer l’objet architectural, affleurer la terre, épouser la topographie du site, créer un nouveau paysage, composer avec l’environnement, se replier sur soi même, créer un paysage intérieur, un paysage minéral, sont autant de réponses architecturales contemporaines non exhaustives que les architectes explorent. A partir de ces projets, nous avons tenté de regrouper ces approches par thématiques conceptuelles. Nous avons choisi cinq thèmes, à savoir, l’architecture qui créée un paysage intérieur, l’architecture sublime, l’architecture comme cadre au paysage, l’architecture composée avec le site, l’architecture et l’entropie. 4 Développement de la notion de paysage, et évolution du rapport de l’architecture avec son environnement Tout d’abord, nous allons commencer par des citations qui posent le cadre de ce qu’est construire dans un paysage. Maguerite Yourcenar, dans les Mémoires d’Hadrien1 écrit : « construire, c'est collaborer avec la terre : c'est mettre une marque humaine sur un paysage qui en sera modifié à jamais. » Dans un esprit similaire, Aaron Betsky, introduit son livre2 de cette manière : « Les constructions remplacent la terre – c’est là le péché originel de l’architecture. Un bâtiment propose quelque chose de nouveau, mais il ne le fait pas ex-nihilo. Il vient se substituer à ce qui était autrefois un espace dégagé, lumineux et aéré. Il supplante les compositions de la nature, bloque la circulation de l’air, intercepte le soleil, entrave le champ visuel […] Quoi qu’il en soit, un bâtiment vient toujours s’ajouter à la terre – il n’est pas la terre. » (Aaron Betsky, 2002.) Notre manière de penser est très influencée entre l’opposition Naturel et Artificiel. Mais la question se pose de la place de l’Art par rapport à la Nature. L’idée que « l’Art imite la nature » apparait très tôt (déjà avec Aristote), il y aurait donc des arts mimétiques. Du côté de la Nature, il y a le concept du paysage. Du coté de l’Art, le Pays. Le pays bénéficie d’une esthétisation en Italie, on parle alors de Paysagisme. Les italiens ont le terme de « Paese » pour le pays et ils vont appeler « Paesaggio », le pays représenté. Le pays est le temps du présent et il est lié à la présence, il existe d’abord sans le paysage, on y vit, on y travaille (la terre notamment). Le paysage se représente. Le paysage s’organise en fonction d’un point de vue, d’une perspective qui donne un effet d’éloignement. La mise à distance crée le paysage. Le paysage attire l’œil, l’intention, le spectateur dans l’enjeu d’un sujet, il est une image peinte d’un modèle. Joakim Patinir (né vers 1475 et mort en 1528) est l’un des premiers artistes à représenter le paysage en tant que sujet. A travers ces peintures de forêts, de vallées, il confère une autonomie de la vision dans sa peinture. On peut distinguer le pays, le paysage, puis à partir du début du 18ème siècle, des parcs qui vont imiter la nature, c’est l’invention des parcs paysagers. Ce sont notamment les jardins anglais, en opposition avec les jardins à la Française dont l’archétype est le jardin de Versailles. Le début du 20ème siècle est marqué par la fin soudaine de l’exploitation du paysage comme thème pictural. Après la période romantique, la thématique du paysage est peu à peu réduite, puis jugée désuète lorsque des thèmes plus modernes et inventifs apparaissent. Le développement d’un monde artificiel avec l’industrialisation, l’urbanisation grandissante, les progrès techniques, devient le modèle à suivre. En architecture à cette période, Le Corbusier développe son concept de « Machine à habiter », une habitation purement fonctionnelle et technique. La nature est désenchantée au profit de la science, nouvel eldorado pour l’homme. La nature doit servir au développement de l’homme moderne, le pays 1 Maguerite Yourcenar, les Mémoires d’Hadrien 2 Aaron Betsky, Ligne d’horizon, l’architecture et son site, édition Thames et Hudson, 2002 5 est un territoire disponible, aménageable et exploitable. Le pays et le paysage doivent satisfaire les besoins et désirs illimités que l’homme créé pour lui-même. Lorsqu’on parle du paysage, force est de constater son absence ou son pillage. Cependant, même au 20ème siècle, des artistes sont conscients de l’importance de la nature et ont un lien sensible avec le paysage. Des architectes ont ouvert la porte à une architecture proche de la nature. Frank Lloyd Wright avec sa fameuse « Fallingwater», a conçu une architecture en harmonie avec son environnement. Elle s’intègre dans le paysage, en le dénaturant le moins possible, s’adossant aux rochers et respectant la topologie des lieux. A la même époque, Adalberto Libera construit la villa Malaparte, et son maitre d’œuvre, Malaparte dira de sa maison : « Dans ce lieu désigné dès le portail au visiteur comme étant une « casa come me », un enrochement des intérêts et des rites quotidiens de la vie de son habitant, l’expérience visuelle et physique des éléments reste paradoxal : domestiqués, la mer et les récifs des Faraglioni s’inscrivent tels de grands tableaux sur les parois d’un intérieur minéral. »3 Ainsi, aujourd’hui, comme l’explique Michael Spens, « l’essor actuel de l’architecture entrant dans la catégorie des « constructions dans le paysage » s’appuie sur une diversité de projets antérieurs et un corpus conceptuel établi de longue date. Une différence majeure existe cependant entre cette catégorie et celle de « l’architecture comme paysage ». Toujours selon l’auteur, ces projets s’appuient sur « une conscience croissante de la fragilité du paysage dans lequel les nouvelles constructions s’inséraient. Cette prise de conscience a été initiée et stimulée par les œuvres d’artistes du Land Art et les installations artistiques, qui interviennent sur la surface du sol »4. (Michael Spens, 2005, p.76). En effet, à la fin des années 70, l’arrivée de l’activisme écologique se manifeste face à la prise de conscience de l’urgence du sauvetage de la nature. Des artistes, s’apparentant au Land Art, tels que Robert Smithson, 3 Marida Talamona, La maison de Malaparte, Carré, traduit de l’italien par Brigitte Pérol, 1995. Citation de Malaparte, le propriétaire, en parlant de sa maison. 4 Michael Spens, Paysages contemporains, édition Phaidon, p.76, 2005. Figure 1 – “Falling water”, a Frank Lloyd Wright country house, Edgar Kaufmann, Walton Rawls Editor, 1986, Figure 2 – « Villa Malaparte », photographie numérique, www.geolocation.ws, 2010 6 se réapproprient le territoire et appellent à un retour vers le paysage. Ces artistes engagent le renouveau de la perception au pays et au paysage. Le Land Art a bouleversé le rapport des constructions humaines sur la terre. Aujourd’hui, l’architecture se soucie du site sur lequel elle s’implante, de l’environnement qu’elle touche. Selon Michael Spens, dans le paysage moderne, « une ambiance pastorale prévaut aujourd’hui. Les citadins ressentent une certaine nostalgie pour la nature. Nous sommes submergés par un sentiment de culpabilité, et prenons conscience de l’empreinte de l’homme sur la nature réduction des espaces vierges, épuisement des ressources naturelles, pollution...). Il poursuit, « si les architectes sont aujourd’hui critiqués pour avoir trop spéculé sur l’avenir du paysage, ils n’en ont pas moins ouvert toutes grandes les portes d’un projet nouveau et motivant pour tous ceux qui se sentent concernés par l’environnement dans sa globalité. De plus en plus, les architectes et paysagistes tendent à travailler en collaboration uploads/Geographie/ architecture-contemporaine-et-paysage-emmanuelle-dejos-et-florian-craissac.pdf
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- Publié le Apv 22, 2021
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