Armateurs du Maroc Par Najib Cherfaoui, Ingénieur des ponts et chaussées, exper
Armateurs du Maroc Par Najib Cherfaoui, Ingénieur des ponts et chaussées, expert portuaire A. Contenu Le métier d'armateur, dans sa conception la plus simple, consiste «à équiper des navires pour la navigation».1 Toutefois, ce métier ne devient rentable qu'à partir du moment où il s'appuie sur des moyens massifs, rationnels, durables et rémunérateurs. Les armateurs tendent vers ce but par les flottes qu'ils mettent en œuvre, les relations et l'organisation qu'ils nouent entre eux, les stratégies qu'ils définissent tout en tenant compte des impulsions données par deux autres acteurs déterminants : les ports et les États.2 À l’origine, la raison première d'un armateur consiste à conserver la maîtrise de son espace maritime. S'il en a le choix, il peut, par croissance interne, avoir des objectifs plus vastes, soit en cherchant à attirer des trafics plus importants sur le même réseau, ce qui correspond à une hausse en volume, soit en partant à la conquête de nouveaux secteurs géographiques, ce qui correspond à une extension en surface. Cependant, au cours de la seconde moitié du XXème siècle, dans le sillage du conteneur, un phénomène nouveau apparaît : l’industrialisation de la multimodalité. C'est-à-dire la possibilité d’utiliser systématiquement tous les types de transport sans rupture de charge, qu’ils soient routiers, ferroviaires, aériens ou maritimes. Dès lors, l’armateur ne se limite plus à agir seulement sur le navire. À son image de marin, il associe celle d’un entrepreneur capable de garantir toutes les prestations de transport, du lieu de production au lieu de consommation. Les enjeux de la rivalité maritime se déplacent donc vers les terres. B. Ports de transbordement (XIIème siècle) Au début du XXème siècle, les compagnies maritimes étrangères assurent la totalité du trafic entre le Maroc et le reste du monde.3 1 Le mot armateur est emprunté du latin armator, «celui qui équipe». Il désigne toute personne physique ou morale qui possède un ou plusieurs navires pour le commerce, la pêche ou les loisirs. Armateur gérant, armateur qui n'est pas propriétaire du navire qu'il arme. Par ailleurs, les articles 2 et 3 du code de commerce maritime (Dahir du 31 mars 1919) stipulent : «la navigation maritime est dite maritime lorsqu'elle s'exerce sur la mer, dans les ports et rades, sur les lacs, étangs, canaux et parties de rivières où les eaux sont salées et communiquent avec la mer» ; «le navire est le bâtiment qui pratique habituellement cette navigation». Autrement dit, un navire est un engin de navigation maritime pourvu d'un système autonome de propulsion ou encore un engin flottant destiné à la navigation maritime. Ainsi les navires peuvent être des laboratoires, des stations scientifiques, des usines flottantes, des navires câbliers pour la pose des câbles sous-marins, des navires écoles, des vedettes de sauvetage ou des stations de forage. Le navire est une «chose» qui possède une individualité comparable à celle d'une personne. Le navire naît sur la cale de construction, possède une nationalité, un nom, un domicile (son port d'attache), des pièces d'identité (papiers de bord) et une activité lucrative ou de plaisance. Il travaille, vieillit, meurt de mort violente (perte à la suite d'un évènement de mer) ou douce (dépècement sur la cale de halage). Cette comparaison traditionnelle entre le navire et l'homme peut aider à mieux comprendre les statuts administratifs du navire. La fiscalité considère le navire comme un bien immeuble. Les dispositions du dahir de 1919, et à suite le dahir du 26 juillet 1922, fixent le régime juridique du navire (articles 67 et suivants). 2 Ainsi, pour faciliter le développement de leur flotte marchande, les États prennent diverses mesures d'aide à l'armement. Ces mesures sont généralement l'octroi d'un monopole, le versement de subventions, des crédits consentis à des conditions préférentielles ou des avantages fiscaux. Au Maroc, par exemple, les dispositions du dahir du 25 Septembre 1962 (portant organisation des transports maritimes) assurent dans une proportion notable (40% à l'importation et 30% à l'exportation) aux navires marocains ou affrétés par des armements marocains, le transport de plusieurs produits, tels que les céréales, sucres, agrumes et primeurs, phosphates et pondéreux, bois, piquets et poteaux, lièges, thé, conserves alimentaires, poissons, farine de poisson, crin végétal et alfa, vin en vrac, lait et beurre. Il est faux d’en déduire qu’il n’y avait pas, jusqu’alors, des courants marchands d’impulsion spécifiquement marocaine. Ces courants sont tout à fait caractéristiques : ils sillonnent les mers de sables4. À partir du XIIème siècle, une flotte composée de dromadaires, véritables vaisseaux du désert, donne aux ports du Maroc le statut de plates-formes d’éclatement pour le trafic saharien, ancêtres des actuels ports hubs, tels que Mogador et Safi.5 C'est donc par caravanes que les produits africains tels que plumes d'autruche6, ivoire, poudre d'or et gomme7 arrivent au Maroc pour être ensuite exportés vers Pise, Gênes, Londres ou Marseille. C'est également par caravanes que les produits importés d'Europe tels que textiles, coutellerie8, sucre, thé et café quittent les ports marocains pour alimenter la route trans-saharienne entre les divers centres de négoce, avant qu'une partie n'arrive à Tombouctou.9 Il est important de noter que ces caravanes transportaient aussi les idées, les cultures et les traditions, contribuant par là même au métissage et à l’unité des populations marocaines. À côté de ces convois massifs, des unités plus petites, de cent à deux cents dromadaires, parcourent en tout temps le Sahara marocain portant les marchandises là où les grandes caravanes ne passent pas. Ils sont, d’une certaine manière, annonciateurs des actuels feeders. Malgré les dangers réels que représente la traversée du désert10 et en dépit des rigueurs du voyage, jamais le cabotage maritime le long de la côte occidentale africaine n’inquiètera le commerce trans-saharien sur l'axe Guelmim-Tindouf-Tombouctou, tout à fait florissant. Cependant, la prise de cette dernière par les troupes françaises en 1894, combinée à la généralisation des bateaux à vapeur, porte un coup fatal au trafic caravanier qui disparaît alors brutalement à partir de l’an 1900. 3 Pise, Gênes, France, Espagne, Angleterre, Allemagne, Hollande, Danemark. 4 Au propre comme au figuré, une étendue de sables se comporte comme une véritable mer : le sable sec est un liquide parfait ; les dunes sont l’analogue terrestre des vagues marines ; elles sont créées par le vent ; les tempêtes de sables correspondent aux tempêtes océaniques. 5 Domestiqué à l’aube du troisième millénaire avant J.-C, dans son territoire d’origine l’Arabie, le dromadaire est introduit en Afrique de l’Ouest dès le début de l’Empire romain. 6 En France, à partir du début du XXème siècle, la mode, la haute couture et le monde du spectacle font grand usage des plumes d’autruche, oiseau africain qui ne vole pas. Le travail sur les plumes d'autruche occupe alors plusieurs milliers d'ouvriers parisiens. 7 Tirée de la sève d’acacia, la gomme est recherchée pour l'industrie textile, la pharmacie et la confiserie ; elle donne lieu à la fameuse lutte navale, appelée «guerre de la gomme», que se livrent au XVIIIème siècle, le long des côtes du Sahara marocain, Français, Hollandais et Anglais. 8 La coutellerie en provenance de Gênes, importée par Safi, est à l’origine du vocable genouia, qui veut dire coutelas en dialecte marocain. 9 Dans la deuxième moitié du XIXème siècle, une grande caravane annuelle va de Mogador à Tombouctou, en septembre, pour un voyage qui dure près de 70 jours. Cette caravane draine un commerce florissant qui a pour tête de ligne le port de Mogador, pour relais Arouan, Taodeni, Tindouf et Guelmim et pour commanditaires les «négociants du Sultan». Cette caravane comprend, au départ, quelques 2 000 dromadaires transportant chacun une charge utile de 150 kg environ. À Taodeni, plusieurs autres milliers de dromadaires, récupérés à Tindouf, sont chargés de sel acheté aux salines locales et destiné à être vendu à l'arrivée. 20% des dromadaires sont liquidés à Tombouctou pour éviter le retour à vide. À Guelmim et à Tindouf une partie de la marchandise transportée est écoulée sur place à des commerçants qui se chargent à leur tour de diffuser les produits acquis, dans les foires et marchés environnants. Un courant caravanier draine les produits africains suivant l'itinéraire inverse de Tombouctou vers Mogador où arrivent deux caravanes par an, en avril et en décembre. 10 Ainsi, en 1805, une caravane comprenant 2 000 personnes et 1 800 dromadaires disparaît en plein désert, complètement décimée par la soif. Fezzan Sousse Kairouan Tahart Tlemcen Fès Sijilmassa Marrakech Arhmat Touat Noul Nos éternelles (Canaries) Tanger Ouargia Ghadamès M A G H R E B A L M A J A B A A L K O U B R A (grand désert) Teghaza Ghat Tropique du cancer (Canaries N i s a r Kawar Tademakka Tombouctou Takedda Gao Gan a Awli l Silla Tamrour Barisa Sénégal Pays de Samlam MAKABA Mali Mallal W a n g a r a Awdagou st Azoqi Niger Volta Lobi Bouré Ashamti Mrka Mugha Bambouk obiyaru Tamdoult mines d’or salines alun (minerais antiseptique et astringent) lamt (peau d’antilope oryx) ambre gris gomme Mogador (Essaouira) figure : Dès le XVème siècle, le Sahara Marocain se positionne au centre d’un uploads/Geographie/ armateurs-du-maroc-par-najib-cherfaoui 1 .pdf
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- Publié le Mar 30, 2021
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