Romantisme Michel Chevalier (éd.), La Littérature dans tous ses espaces Jacques

Romantisme Michel Chevalier (éd.), La Littérature dans tous ses espaces Jacques-Philippe Saint-Gérand Citer ce document / Cite this document : Saint-Gérand Jacques-Philippe. Michel Chevalier (éd.), La Littérature dans tous ses espaces. In: Romantisme, 1994, n°84. Le primitif. pp. 102-103; https://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_1994_num_24_84_6134 Fichier pdf généré le 29/06/2022 102 Commentaires et notes critiques lequel elle fait paraître le présent compte rendu. La thèse soutenue dans ce volume initial affirme l'importance du tournant des années 1780-1810 dans l'élaboration d'une nouvelle poétique, fondée non plus sur des valeurs éternelles et absolues mais sur le sentiment d'une inéluctable variabilité des critères d'appréciation. Huit chapitres en articulent l'exposition. Dans le premier chapitre l'auteur envisage l'émotion esthétique en sa filiation du XVIIIe siècle sensible. Le second propose une analyse critique des notions de Génie et à' Originalité et esquisse la genèse du concept de "forme organique" (p. 113). L'Imagination fait l'objet du troisième chapitre, qui accorde une importance justifiée à la pensée de William Blake, "le plus moderne des poètes de la dernière génération du XVIIIe siècle" (p. 149). M.-M. Munch arrive ainsi à "la mise en cause de l'imitation" (chap.IV), qui culmine dans le dépassement de la mimesis classique, et l'on retrouvera avec intérêt - et plaisir - dans ces pages de précieuses références à la pensée de L.-S. Mercier, en préalable à l'analyse contrastée des conceptions esthétiques de Lessing, Goethe et Herder. C'est avec les textes d'Addison, Du Bos et le soutien critique de Kant que l'auteur évalue, dans un cinquième chapitre, la nature réelle de cette période qu'on appela le "Siècle du goût". Le sixième est consacré à l'éveil des nouvelles conceptions esthétiques, et à l'émancipation de quelques notions fondatrices de la plura- lisation du goût ; on en retiendra particulièrement une analyse des idées du Père André (1741), dont M.-M. Munch ne s'étonnera pas de savoir qu'il fut encore réédité à Lyon en 1820, et que sa doctrine restait toujours suffisamment vivante en ce début du XIXe siècle pour inspirer la réflexion d'Idéologues de la trempe de Gérando... Le septième chapitre retrace l'émergence des valeurs nationales grâce aux textes de Blair, Lady Montagu, Miiller et Herder. L'ultime chapitre, en guise de conclusion, donne l'occasion de faire la synthèse de l'idée d'évolution et d'insister sur le curieux paradoxe que représente Mme de Staël, auteur d'"un livre moderne de critique historique, fondé sur les paramètres relativistes des variations historiques et géographiques", mais incapable d'aller jusqu'à renonciation de l'idée d'évolution (p.313) : "la genèse du relativisme esthétique a été portée par celle de l'individualisme bourgeois" (p. 319). L'ouvrage est complété par une abondante bibliographie, un index des noms propres et une table des matières de consultation aisée. Dans une perspective toute différente, et avec des moyens distincts de ceux adoptés par Annie Becq dans Genèse de l'esthétique française moderne. De la raison classique à l'imagination créatrice 1680-1814, M.-M. Miinch apporte là une série d'éclairages européens bienvenus sur l'histoire des transformations de l'idée de Beau, qui font attendre avec intérêt le second volet de son travail. Jacques-Philippe Saint-Gérand • Le dix-neuvième siècle - La Littérature dans tous ses espaces, sous la direction de Michel Chevalier, "Mémoires et Documents de Géographie", CNRS, 1992, 140 p. Ce volume témoigne de la situation de la géographie au carrefour des sciences humaines et des relations variables et singulières qu'elle a entretenues au cours de son développement avec la littérature. Michel Chevalier, responsable de la coordination des différentes contributions, signe la préface, dans laquelle il met en évidence la liaison étroite de la géographie avec la philosophie (Michel Serres), l'histoire (Alain Corbin), la littérature et la langue (Henri Mitterrand). Chateaubriand décrivant le Mississippi n'a-t-il pas eu recours aux instantanés de Volney ? La première partie, signée de nouveau par M. Chevalier, sous l'intitulé général de Géographie et Littérature, marque nettement l'angle de vue sous lequel l'auteur envisage le rapport de ces deux domaines, et se compose de cinq chapitres panoramiques. "Dans la postérité de Taine : la géographie facteur d'explication de la littérature" est le premier de ces articles. Aux yeux de tenants plus formalistes de la chose littéraire, cette position peut paraître anec- dotique. Elle donne toutefois à M. Chevalier la possibilité de retracer l'historique de ces relations à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, de Villemain et Taine à Septimě Gorceix, Auguste Dupouy, André Ferré et André Bourin. Elle est aussi l'occasion d'un Le dix-neuvième siècle 103 rapide survol de la production littéraire régionaliste et des travaux universitaires qui lui ont été consacrés : Paul Vernois, A.-M. Boyer. Dans "L'oeuvre littéraire élément de connaissance géographique", l'auteur renverse la perspective et montre comment la description littéraire peut s'ériger en véritable document géographique, reprenant en ceci une thèse soutenue naguère par Armand Frémont. Zola, Alphonse de Chateaubriant, Giraudoux, Alain Fournier, Aragon, Breton, etc.. En face de ces auteurs apparaissent les noms de géographes ayant su utiliser la richesse de ce matériau : Pierre Deffontaines, Pierre Georges, plus rarement Max Sorre. Paradoxalement, un géographe écrivain tel que Lucien Gachon - Maria, 1925 ; Les Limagnes du sud, 1939 - est pris en flagrant délit d'ignorance des relations de la géographie et de la littérature. Dans "Vie rurale et Littérature", ce sont les reflets de la vie rurale exposés par les textes littéraires qui retiennent l'attention de l'auteur. George Sand, Ferdinand Fabre, Léon Cladel, Emile Pouvillon, Eugène Le Roy, Emile Guillaumin bénéficient à cette occasion de quelques remarques destinées à replacer leurs oeuvres sous le jour d'une discutable mimesis rustique. Le quatrième article de l'enquête de M. Chevalier s'intéresse aux aspects extérieurs au monde rural. Il s'agit donc d'une géographie littéraire de la ville ; on s'attendrait à découvrir là ce que cette réflexion doit au comparatisme. Mais l'essentiel est consacré à une analyse de la thèse de Nicole Mozet sur La Ville de province dans l'œuvre de Balzac, qui fait se demander pourquoi, lorsque l'image de Paris est enfin abordée, n'est pas cité le travail parallèle de Jeannine Guichardet. A propos des grandes villes de province, le développement attendu concernant le Surréalisme et la ville de Nantes est détourné au profit de remarques sur Gracq - lui-même géographe de formation - et son ouvrage La Forme d'une ville (1985). Bordeaux et François Mauriac, mais aussi les banlieues parisiennes ouvrières retiennent l'attention de l'auteur, avant que le dernier article : "Les Voyages", n'envisage une géographie littéraire des transports et du tourisme. On s'interrogera sur la pertinence de la comparaison des thèses anciennes de Marc Baroli : Le Chemin de fer dans la littérature française (1963) et de Marcel Blanchard : Géographie des chemins de fer (1942), qui ne peuvent évidemment avoir le même dessein. Mais on retiendra des développements successifs sur l'Algérie et le Sahara, ainsi qu'une conclusion qui met bien en perspective la difficulté d'articuler de manière cohérente les domaines de la littérature et de la géographie, surtout lorsque cette dernière prétend être plus exacte et moins humaine que ne le seront jamais les inventions des écrivains et les miroitements de la langue... Dans la seconde partie : Le Texte et l'Espace, M. Chevalier ordonne trois articles d'un intérêt plus substantiel. C'est tout d'abord Marc Broseau, qui analyse "La géographie olfactive ou le flair romanesque", avec d'excellentes remarques sur Patrick Suskind - malheureusement et curieusement orthographié Siisking ! - et Roland Barthes. Paul Claval, dans "La géographie et les chronotopes", à l'aide des instruments forgés par Bakhtine, Michel Raymond et Henri Mitterrand, analyse les modes de représentation littéraire de l'espace et en formule l'incidence quant aux travaux descriptifs des géographes : "la critique de la théorie de l'espace narratif explique pourquoi le témoignage des textes est toujours partiel et sujet à caution" (p. 121). Enfin, dans "Victor Segalen et la Terre Jaune ; une géopolitique du loess", Jean-Louis Tissier montre brillamment l'apport culturel que l'oeuvre d'un écrivain voyageur peut fournir à l'observation du géographe : "La poésie ne propose pas de leçon, de connaissance, elle ouvre un moment avec une conscience qui accompagne la nôtre, qui lui tend des mots et des images. Dans ce monde qui n'a plus beaucoup de secrets, la poésie n'est pas une banque de données en plus ; elle est une source d'intimité qui nous fait retrouver notre demeure" (p. 136). Au total un ouvrage inégal, notamment dans sa première partie affligée de redites trop fréquentes, mais susceptible de porter plus loin les réflexions épistémologiques croisées des littéraires et des géographes. Jacques-Philippe Saint-Gérand - Michaël Lôwy et Robert Sayre, Révolte et mélancolie. Le romantisme à contre-courant de la modernité, Payot, "Critique de la modernité", 306 p. L'ambition est assurément la première qualité du livre de Michaël Lôwy et Robert uploads/Geographie/ article-sur-le-roman-urbain.pdf

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