Livre numérique Jean Marc Manach “C’était l’époque où on se crachait dans la bo

Livre numérique Jean Marc Manach “C’était l’époque où on se crachait dans la bouche avec Kadhafi.” Un général français Collection - Enquête Au pays de “candy” Enquête owni editions page 2 enquête sur les marchands d’armes de surveillance numérique. Au pays de candy Jean Marc Manach introduction Chapitres I - Du “titi-tata” à la “guerre électronique“ • Du tout premier ordinateur à l’interception généralisée des télécommunications • Frenchelon, l’Echelon “made in France“ • LES MARCHANDS D’ARMES FONT LEUR MARCHÉ II - De “gorge profonde” à WikiLeaks • Un système d’interception “à l’échelle d’une nation” • La preuve par l’image • “Nous avons mis tout le pays sur écoute” III - “Objectif : devenir des professionnels de l’interception” • “Traiter le contrat de ‘Gouvernement à Gouvernement’” • Le marchand d’armes de surveillance Au pays de “candy” Enquête owni editions page 3 • Géolocalisation et téléphones espions • Le NSA d’i2e • Takieddine, et Kadhafi, dénoncent la “corruption” • Le mode d’emploi du Big Brother libyen • Des écoutes “légales” à l’interception “massive” • L’inventeur d’eagle ? Un ancien policier IV - La liste verte • Du campus de Berkeley à la libération de Benghazi • Recherchés par Interpol, financés par les États-Unis • Le terroriste devenu “contre-extrémiste” • Les grands bourgeois de Benghazi • Merci d’identifier tous les employés de la banque de Ben Ali • Un “système anti-WikiLeaks unique au monde” V - La Libye, premier pays à avoir tué un internaute • Au pays de Candy • “C’est vous qui dites qu’ils sont pas pédophiles !” • L’électronique de guerre au coeur du métier d’Amesys • Les “grandes oreilles” du renseignement français made in Amesys • Amesys surveille aussi Al Jazeera VI - Il y a des chevaux de Troie dans nos démocraties • Le “Printemps arabe” et le “modèle chinois” • Le droit français tordu pour Kadhafi • Pourquoi ce silence assourdissant ? • Amesys se préoccupe de la vie privée… de l’un de ses salariés • Bull refourgue sa patate chaude addendum Au pays de “candy” Enquête owni editions page 4 Introduction “Vous êtes en état d’interception. Toutes vos télécommunications pourront être retenues contre vous” En 1993, le New Yorker publiait un dessin de Peter Steiner montrant un chien, devant un ordinateur, expliquer à un autre chien que “sur l’Internet, personne ne sait que tu es un chien”. Ce dessin allait faire fureur et instiller dans l’inconscient populaire que sur le Net, nous serions tous anonymes, par défaut. C’est faux : les ordinateurs gardent des traces de ce qu’on y fait, a fortiori lorsqu’ils servent à transmettre des données sur les réseaux. A la fin des années 90, le Parlement européen, puis l’Assemblée nationale, rendaient publics deux rapports révélant l’existence d’un système de surveillance généralisée des télécommunications déployé par les services de renseignement anglo-saxons : Echelon. Dans la foulée, on apprenait que les services français avait développé un système similaire, qui fut ironiquement surnommé Frenchelon. De part et d’autre de l’Atlantique et de la Manche, les accusations d’espionnage économique et industriel commençaient à fuser. Les attentats du 11 septembre 2001 allaient mettre un terme à la polémique : la surveillance généralisée des télécommunications était désormais perçue comme posant d’autant moins problème qu’elle faisait partie de la solution. Journaliste, j’ai commencé à écrire sur l’Internet en 1999, avec des articles au sujet de ces questions de surveillance et de vie privée, parce qu’il n’y a pas de libertés sans vie privée. Depuis plus de 10 ans maintenant, je tente ainsi de chroniquer cette banalisation, et montée en puissance, de la société de surveillance, au sujet duquel LeMonde.fr m’avait proposé, suite au scandale du fichier de renseignement policier Edvige, de consacrer un blog, Bug Brother. A l’automne 2010, alors qu’explosait un autre scandale, celui de l’espionnage des “fadettes” d’un journaliste du Monde, suivi de cambriolages visant successivement le rédacteur en chef du Point et la rédaction de Mediapart, j’écrivais sur ce blog un billet expliquant aux journalistes comment sécuriser leurs ordinateurs et connexions internet, et donc comment protéger leurs sources. Au pays de “candy” Enquête owni editions page 5 En réponse, je recevais un petit mail, anonyme, m’expliquant qu’une entreprise française, Amesys, avait vendu à la Libye de Kadhafi, avec l’approbation de services de renseignement français, un système de surveillance généralisé de l’Internet. Je n’avais jamais entendu parler de cette entreprise, le printemps arabe n’avait pas encore éclaté et, si la France avait abandonné ses projets de vendre à Kadhafi les Rafale de Dassault, ou encore une installation nucléaire censée désaliniser l’eau de la mer, Nicolas Sarkozy, lui, n’avait pas encore décidé de bombarder la Libye. Ce que j’ai découvert, depuis, c’est que ce mail anonyme disait vrai, mais également que ce système de surveillance de l’Internet a permis aux nervis de Kadhafi d’espionner, arrêter et torturer des opposants au régime... au moment même où les soldats français contribuaient à libérer la Libye. Si j’avais voulu en faire un polar ou un film de fiction, personne n’aurait cru ni validé le scénario tant cette affaire de pieds nickelés accumule bévues, personnages caricaturaux et détails incroyables, au sens littéral de “non crédible”. Ainsi du “client”, et donneur d’ordres, de ce système espion censé, officiellement, lutter contre le terrorisme, et qui a été conçu par la France à la demande d’un... terroriste, et du pire terroriste qu’ait jamais connu la France. Abdallah al-Senoussi, le chef des services de renseignement militaires libyens, et beau- frère de Kadhafi, était en effet recherché par Interpol pour “crimes contre l’humanité”, accusé d’avoir ordonné le massacre de 1200 prisonniers libyens, et condamné par la justice française à perpétuité pour son rôle dans l’attentat du DC-10 d’UTA (170 morts, dont 54 Français), le plus meurtrier qu’ait jamais connu la France. Le nom de code de l’opération ? Candy… comme bonbon, en anglais. À la manière d’un mauvais polar, les autres contrats négociés par Amesys portent tous un nom de code inspiré de célèbres marques de friandises : “Finger” pour le Qatar (sa capitale s’appelle… Doha), “Pop Corn” pour le Maroc, “Miko” au Kazakhstan, “Kinder” en Arabie Saoudite, “Oasis” à Dubai, “Crocodile” au Gabon. Amesys baptisait ses systèmes de surveillance massif de l’Internet de marques de bonbons, chocolats, crèmes glacées ou sodas… La Libye fut le tout premier pays où un journaliste et blogueur fut assassiné en raison de ses écrits. C’était en 2005, l’année où Ziad Takieddine commençait à s’approcher de Senoussi et du fils de Kadhafi, afin de signer un contrat, d’État à État, de coopération sécuritaire. Amesys, tout comme les autorités et “services” qui ont validé et couvert le contrat, ne pouvaient pas ne pas le savoir. Au pays de “candy” Enquête owni editions page 6 En guise de remerciement, Philippe Vannier, le président d’Amesys (800 salariés), qui a depuis pris le contrôle de Bull (8000 employés), a été promu chevalier de la légion d’honneur des mains du ministre de la Défense Gérard Longuet, en juillet 2011, un mois et demi après que le site d’informations OWNI (où j’écris) ait révélé l’existence du contrat entre Amesys et la Libye, et un mois avant que le Wall Street Journal et la BBC n’en apportent la preuve visuelle : une photographie, prise dans l’un des centres d’interception des télécommunications libyens, et siglée Amesys. Depuis, c’est l’hallali. Amesys, tout comme Gérard Longuet (dont la fille est la directrice de la communication de... Bull), ont reconnu les faits, sans pour autant jamais s’excuser, préférant contre-attaquer en évoquant un “détournement de finalité”. Le système aurait en effet été conçu pour lutter contre le terrorisme, pas pour espionner des blogueurs, journalistes, écrivains et dissidents. Car c’est bien évidemment ce à quoi il a servi. Quand on vend une arme à un terroriste oeuvrant au service d’un dictateur, il ne faut pas être grand clerc pour deviner qu’il s’en servira pour terroriser les défenseurs des libertés. Ce scandale d’État, qui entache quelque peu la réputation de libérateur de la Libye dont Nicolas Sarkozy voudrait être affublé, ne connaîtra peut-être aucune suite judiciaire : Amesys, comme le gouvernement, avancent en effet avoir “strictement” respecté “les exigences légales et réglementaires des conventions internationales, européennes et françaises”... ce qui est d’autant plus facile à dire que le commerce international de ces armes de surveillance, d’espionnage et d’interception des télécommunications ne fait l’objet d’aucun contrôle légal. Leur commercialisation est certes strictement contrôlée dans de nombreux pays, dont la France, mais pas à l’exportation... Au pays de “candy” Enquête owni editions page 7 Du “titi-tata” à la “guerre électronique”. Né en 1896, Alexis Tendil fut jugé “trop mince” pour intégrer l’armée, en 1914. Mobilisé en 1917, formé au morse (le “titi-tata”), il fait partie des 10 000 “sapeurs télégraphistes” et autres opérateurs radio que compte alors l’armée française. La majeure partie d’entre eux sont chargés de la transmission des ordres de l’armée française, mais pas lui : “notre rôle, c’était de capter les messages allemands pour savoir ce qu’ils disaient”. Incorporé dans une petite unité recluse dans une ferme près du Chemin des Dames, il intercepte, le uploads/Geographie/ au-pays-de-candy-enquete-sur-les-marchands-d-x27-armes-de-surveillance-numerique.pdf

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