Cahier du « Monde » No 21779 daté Samedi 24 janvier 2015 - Ne peut être vendu s
Cahier du « Monde » No 21779 daté Samedi 24 janvier 2015 - Ne peut être vendu séparément Comment on fait des bébés La France affiche la natalité la plus forte d’Europe. Les raisons sont inattendues : des modèles familiaux très divers et un fort taux de travail des femmes anne chemin D epuis une dizaine d’années, ils voient défiler dans leur bureau des cohortes de députés coréens et d’universitaires japonais qui tentent de percer le mystère de la fécondité française. Les cher- cheurs de l’Institut national d’études démogra- phiques (INED) leur projettent des graphiques sur la natalité et leur expliquent les grands prin- cipes des politiques publiques françaises. « Au cours des quatre ou cinq dernières années, nous avons reçu plus d’une dizaine de délégations co- réennes ! », sourit le démographe Olivier Théve- non. Hantés par le spectre de la dépopulation, ces experts venus d’ Asie sont à la recherche de la recette magique qui fait de la France la cham- pionne d’Europe de la fécondité. Depuis le début des années 2000, l’Hexagone règne en effet en maître sur les classements européens. Après deux décennies de baisse, dans les années 1970 et 1980, la natalité est re- partie à la hausse à la fin des années 1990. De- puis cette date, la France navigue juste au-des- sous du seuil mythique de 2,1 enfants par femme, qui correspond au taux de renouvelle- ment des générations – elle l’a encore confirmé en 2014, en affichant un indicateur conjonctu- rel de fécondité de 2,01. « En économie, l’ Allema- gne est l’homme fort de l’Europe. En démogra- phie, la France est la femme forte de l’Europe », résume en plaisantant le démographe Ron Les- thaeghe, membre de l’ Académie royale de Belgi- que et professeur émérite à l’Université libre de Bruxelles. Le reste de l’Europe est entré dans un étrange hiver démographique. Cinquante ans après le baby-boom de l’après-guerre, le taux de natalité des Vingt-Huit s’est effondré : en 2012, il est tombé à 1,58 enfant par femme. Les pays médi- terranéens démentent, année après année, tou- tes les idées reçues sur la généreuse fécondité des cultures catholiques : l’Espagne, le Portugal et l’Italie ont enregistré, ces dernières années, une chute dramatique de leur natalité (1,4, voire 1,3 enfant par femme). Les pays germanophones (Allemagne, Suisse, Autriche) ne font guère mieux, pas plus que ceux de l’ancien bloc com- muniste (Pologne, République tchèque, Slova- quie ou Hongrie). Partout en Europe, les élites s’interrogent avec inquiétude sur ce reflux de la natalité. Le cocktail qui a fait ses preuves en France, mais aussi dans les pays scandinaves, n’a pourtant rien de mystérieux : il allie une fa- mille moderne fondée sur l’égalité hommes- femmes et des Etats qui mènent de fortes poli- tiques publiques en se comportant en « bons pères de famille », selon l’expression de Lau- rent Toulemon, démographe à l’INED. « Aujourd’hui, la natalité a besoin de ces deux ingrédients, confirme Ron Lesthaeghe. Au pre- mier abord, la recette a l’air simple mais elle n’est pas facile à mettre en œuvre : il faut beau- coup de temps pour dessiner et installer un nou- veau modèle familial. » Car la famille ne relève pas de l’évidence ou de la nature : c’est un monde constitué de nor- mes sociales d’une grande complexité. Pour désigner ces conventions implicites, le sociolo- gue américain Ronald Rindfuss parle de « fa- mily package ». « Au Japon, par exemple, le fa- mily package est très contraignant, explique Laurent Toulemon. Une femme qui se met en couple doit aussi accepter de se marier, d’obéir à son conjoint, d’avoir un enfant, d’arrêter de tra- vailler après sa naissance et d’héberger ses beaux-parents âgés. C’est un peu le pays du tout ou rien. En France, le family package est plus souple : une femme qui se met en couple n’est pas obligée de se marier ni même d’avoir des en- fants. Les normes sont plus ouvertes et les fa- milles plus variées. » lire la suite pages 4-5 Le reste de l’Europe est entré dans un étrange hiver démographique L’hydre de la torture Bien que l’inutilité de cette pratique soit avérée, certains Etats de droit y recourent. Un rapport du Sénat américain sur les méthodes de la CIA en atteste. PAG E 6 Le « Nouveau manifeste » des économistes atterrés Contre l’austérité, ce collectif vante la transition énergétique. Entretien avec l’économiste Benjamin Coriat. PAG E 7 JOANNA TARLET-GAUTEUR/PICTURETANK Une nouvelle « vie » de François d’Assise En exclusivité pour « Le Monde », la fabuleuse histoire d’un manuscrit du XIIIe siècle retrouvé presque par hasard. PAG E 3 2 | 0123 Samedi 24 janvier 2015 | CULTURE & IDÉES | La gloire en un clic Grâce aux réseaux sociaux, les danseurs de hip-hop peuvent se faire connaître auprès du public et des programmateurs. Une formidable vitrine, mais pas forcément un indicateur de talent pèse lourd donc je suis” est devenu la formule qui marche. Terriblement arrogant et néolibé- ral, mais ça fonctionne. » « C’est parfois tout de même une fausse piste, commente Philippe Mourrat, directeur des Métallos, à Paris. Lors- que j’ai accueilli en 2010 le danseur vedette Ju- nior Bosila, vainqueur en 2007 de l’émission de M6 “La France a un incroyable talent”, j’ai pu constater que la salle de 260 spectateurs n’était pas pleine : le public d’Internet n’est pas tou- jours celui qui se déplace dans les théâtres. » Faire le buzz est une chose, mettre en scène un spectacle en est une autre. Un « pschitt » sur la Toile n’a rien à voir avec une œuvre d’une heure ou plus sur un plateau. A l’excep- tion évidemment du circuit des battles, du- rant lesquelles les danseurs s’affrontent pen- dant quelques minutes seulement. « Faire un beau montage d’images avec des effets est plus proche de la pub que de la danse », dénonce Fa- rid Berki. « Internet éloigne le danseur de la vraie prise de risque artistique, de ce qu’il a pro- fondément à dire », insiste Yacine Amblard. De son côté, Olivier Meyer estime que « les ré- seaux sociaux restent des moyens d’informa- tion. L’opinion majoritaire n’est pas toujours celle qui compte, et le talent d’un artiste ne s’ap- précie pas seulement à l’aune de sa capacité à bien communiquer ». Quant au risque de for- matage de ces jeunes danseurs, qui ont aussi fait de YouTube leur principale école d’ap- prentissage, il est très important. L’éphémère de la Toile se cogne aussi avec le temps, au sens classique du terme. Six mois, un an après, que reste-t-il de ces milliers de vues qui ont permis l’émergence d’un inter- prète ? Si Internet permet de se distinguer, il n’est pas automatiquement synonyme de lon- gévité. « Ça peut n’être d’ailleurs, comme sou- vent, qu’un feu de paille, commente Babacar Cissé « Bouba ». L’un des dangers de ce système est de faire passer les rêves de certains pour des réalités. » « Avant, les légendes se construisaient dans le temps, conclut Yacine Amblard. Aujourd’hui, les renommées sont plus éphémè- res, mais c’est l’époque qui le veut. » p de Suresnes Cités Danse, a pisté les hip-ho- peurs, experts en breakdance (style acrobati- que au sol), avant d’auditionner à l’ancienne pour son spectacle (H)ubris. « J’ai pu découvrir des personnalités incroyables, en particulier d’autres pays, que je n’aurais pas pu rencontrer sinon, précise-t-il. Les hip-hopeurs sont très décomplexés par rapport à la création. Ils tien- nent compte des commentaires et des retours. Internet semble être devenu, pour eux, un moyen de construction de soi et de leur iden- tité d’artiste. » Pour la jeune chorégraphe hip-hop Jann Gal- lois, qui a créé sa compagnie BurnOut en 2013, Internet et les réseaux sociaux s’imposent lorsqu’on veut s’inscrire dans le circuit. « Je ne poste pas des vidéos tous les jours, mais je réa- lise des teasers de chacune de mes pièces, expli- que-t-elle. Facebook est pour moi un outil d’in- formation, mais aussi d’évaluation de mon tra- vail. Un seul post entraîne des centaines de réactions et me permet de voir comment est perçue ma danse. C’est dur de s’imposer dans le métier actuellement… » Jann Gallois met aussi ses images sur Vimeo, « pour que ce soit acces- sible à tout le monde ». Elle a réalisé un film court, Looking for an Ideal, qui a été sélec- tionné par le site I love this Dance. « Ça a créé un effet boule de neige incroyable, en particu- lier du côté des programmateurs. » Les diffuseurs, eux aussi, sont en ligne de mire de ces nouvelles stratégies de communi- cation. Dans un contexte où les directeurs his- toriques des théâtres sont remplacés par une génération plus connectée aux nouveaux mé- dias, Facebook est la plate-forme de rencon- tres. Dans le milieu, pourtant, tous ne sont pas convaincus des bienfaits d’Internet. « De plus en plus, malheureusement, assène Farid Berki, pionnier du mouvement, qui a fêté les vingt uploads/Geographie/ comment-on-fait-des-bebes.pdf
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- Publié le Jul 02, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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