Les BerBères du Maroc : qui sont-iLs, que sont-iLs ? ahMed skounti un pays à la
Les BerBères du Maroc : qui sont-iLs, que sont-iLs ? ahMed skounti un pays à la nature contrastée p. 81 Les Berbères : un nom, une histoire p. 83 culture(s) berbère(s) : profondeur et diversité p. 89 1. Des invariants culturels p. 89 2. Hégémonie et résistance culturelle p. 90 3. Profondeur et pérennité culturelles p. 91 4. Les deux versants de la culture berbère p. 93 5. De l’étendue anthropologique de la culture berbère p. 93 BiBLiographie séLective p. 96 79 Les BerBères du Maroc : qui sont-iLs, que sont-iLs ? ahMed skounti Un pays à la nature contrastée L es aMazighes ou BerBères sont les habitants de l’afrique du nord les plus anciennement connus. ils en constituent encore aujourd’hui le fonds du peuplement humain. La langue et la diversité culturelle sont probablement les traits les plus distinctifs de ce vieux peuple, à la fois méditerranéen et africain. La langue qui se présente aujourd’hui sous la forme d’autant de parlers qu’il y a de communautés permet de délimiter leur territoire qui va de l’ouest de l’egypte avec l’oasis de siwa jusqu’en Mauritanie, en passant par la Libye, la tunisie, l’algérie, le Maroc, le niger, le Mali et le Burkina Faso. il faut y ajouter les iles canaries, à l’ouest, où l’usage du parler guanche s’est éteint depuis des siècles au profit du castillan. L’afrique du nord est l’épicentre d’un vaste territoire aux traits méditerranéens, atlantiques et sahariens. au sens strict, elle comprend les cinq pays que sont la Libye, la tunisie, l’algérie, le Maroc et la Mauritanie, ce qui correspond au Maghreb d’aujourd’hui. ses traits se retrouvent en condensé dans cette partie extrême occidentale qu’est le Maroc et qui nous intéresse particulièrement ici. Le Maroc, pays le plus berbérophone de l’ensemble de l’afrique du nord, occupe l’angle nord-ouest du continent africain. il fut ainsi, depuis les âges les plus anciens, à la fois un aboutissement de migrations venues d’afrique et d’orient et un trait d’union entre trois mondes: l’afrique, la Méditerranée et l’europe. de plus, la singularité du pays réside dans la diversité naturelle de ses paysages, de son climat, de ses sols, qui, tous et chacun, ont façonné une relation particulière entre les habitants et leur environnement. au Maroc, la chaîne de montagne de l’atlas atteint plus de 4 000 mètres d’altitude. elle se scinde en trois grands blocs aux spécificités géographiques et humaines singulières : l’anti- atlas au sud-ouest, le haut atlas au centre et le atlas au centre-nord-est. une autre chaîne, le rif, court tout au long de la côte méditerranéenne. ces quatre chaînes de montagnes forment des barrières naturelles face aux influences maritimes méditer- ranéennes et atlantiques. Leurs effets se font notamment sentir à l’est, au sud-est et au sud, là où le climat saharien ponctué par le vent brûlant du désert entraîne une Les BerBères du Maroc: ahMed skounti 82 concentration de population autour des cours d’eau, ou bien la pratique du nomadisme qui s’étend sur de vastes territoires. ces chaînes de montagne constituent le château d’eau du Maroc. elles donnent naissance à plusieurs cours d’eau, les uns pérennes parcourant les plaines atlantiques du nord-ouest, les autres saisonniers dévalant vers le sahara ou le sud-ouest, surtout après la fonte des neiges au printemps et au début de l’été. a l’image des eaux, le surplus des populations des montagnes a toujours alimenté les centres urbains des plaines et les oasis des franges présahariennes. se mélangeant avec des migrants ou des conquérants venus du sud, de l’est ou du nord, ces populations ont parfois renoncé à leur parler berbère d’origine au profit d’une lingua franca que put être tour à tour le punique de l’antiquité ou la darija, cette variante arabo-berbère des temps modernes. Les montagnes sont restées un domaine inexpugnable de la berbérité qui sut, là plus qu’ailleurs, conserver l’usage de la langue et adopter les influences extérieures avec parcimonie. La continuité de l’occupation des montagnes est partout attestée même si des ruptures ont pu la ponctuer de temps à autre à cause de mouvements de populations, de changements de régimes politiques, de sécheresses et de famines. Les gravures rupestres du haut atlas en sont un témoignage incontestable. elles se situent autour de pâturages d’altitude mis en défens depuis la nuit des temps, encore utilisés aujourd’hui par les pasteurs transhumants. s’y ajoute la culture en terrasses de graines et d’espèces d’arbres méditerranéennes dans le fond des vallées. Les différences climatiques locales ont une influence sur les modes de vie, les activités économiques et les formes d’organisation sociale. il pleut moins dans le rif oriental que dans les parties centrale et occidentale de cette chaîne méditerranéenne. Les versants est et sud du Moyen atlas et du haut atlas, l’anti- atlas oriental, le saghro, le Bani et l’ouarkeziz reçoivent moins de précipitations que les versants atlantiques exposés aux influences océaniques. en maints endroits de la montagne, le climat est rude, la vie dure. pourtant, elle n’a jamais empêché la circulation des hommes et des bêtes : de nombreux cols (tizi, en berbère), connus et empruntés de longue date, permettent d’en franchir les hauteurs, autorisant les circulations de multiples échanges et d’une myriade d’influences. quelques-uns de ces cols ont permis le développement des routes modernes. Les paysages naturels offrent de riches variations qui marquent les populations berbères et leur diversité culturelle. entre les paysages luxuriants de la péninsule tingitane, du rif, du Moyen et du haut atlas central et occidental d’une part et les étendues quasi-désertiques de la meseta, proprement désertiques des versants méridionaux de l’atlas et sahariennes du grand sud, un large éventail de paysages marque le territoire. Les modes de vie en portent le sceau : des régions de sédentarité ancienne comme les djebala, le rif central et occidental, le haut atlas et l’anti-atlas occidentaux et le souss d’une part, des régions de mouvance pastorale allant de la transhumance comme le rif oriental, le Moyen atlas et les plaines atlantiques, au nomadisme associé aux oasis et palmeraies présahariennes et au grand nomadisme du sahara d’autre part. Mais les modes de vie portent aussi la marque de l’histoire. Les BerBères : un noM, une histoire 83 L’histoire des Berbères est intimement liée à l’afrique du nord. dans l’antiquité, plusieurs noms sont attribués aux confédérations qui les composent, notamment les Libyens, les garamantes, les Maxyes ou Mazyes ou encore Meshwesh, les gétules, les numides, les Maures, les ethiopiens. au Maroc, il semble que quelques ensembles se soient partagés le pays : les Maures au nord et les gétules et les ethiopiens au sud. L’invasion vandale consacre le mot « barbare » d’origine gréco- romaine, ensuite repris par les arabes pour désigner les habitants de l’afrique du nord, cette région qu’ils baptisent Maghreb ou « couchant ». L’usage du mot « barbare » est fait dans les milieux érudits par les historiens et les géographes musulmans dont notamment ibn khaldoun (1332-1406) qui consacra un ouvrage monumental à l’Histoire des Berbères. dans l’europe du Moyen Âge, le même mot donne naissance aux termes « Barbarie » et « Berbères » qui nomment respectivement le pays et ses habitants. Le nom Imazighen, sing. Amazigh, (francisé en amazighes), fait aujourd’hui l’unanimité parmi les intéressés eux-mêmes, au Maroc comme dans l’ensemble de l’afrique du nord et de la diaspora. Le féminin tamazight est traditionnellement utilisé pour désigner le dialecte du Maroc central et par extension aujourd’hui la langue berbère dans son ensemble. L’origine de ce mot n’est cependant pas connue. ibn khaldoun présente le mot amazigh comme le nom du patriarche du peuple berbère. un sens répandu dans la littérature et parmi les militants du Mouvement culturel berbère (Mca) est celui « d’homme noble » ou « homme libre ». La première acception s’est construite sur la base de la hiérarchie traditionnelle du Maroc Les Berbères : un nom, une histoire présaharien qui place les imazighen blancs au sommet d’une société stratifiée qui comprend également des communautés sédentaires de couleur noire ou métissée, des lignages maraboutiques ou chérifiens et des Juifs. La seconde acception, celle du Mca, souligne un désir de liberté, une sublimation de l’appartenance nationaliste dans un contexte sociopolitique marqué par la revendication de droits linguistiques et culturels. L’étymologie du mot amazigh semble dériver d’une racine bilitère ZGh à laquelle le nom d’agent Am est préfixé. cette racine aurait disparu depuis longtemps sans laisser d’autre trace que cet ethnonyme, écrit salem chaker, concluant que : «au Maroc, amazigh/tamazight renvoient donc assez nettement à une identification linguistique, connotée de manière très valorisante et impliquant la conscience d’une communauté dépassant le cadre régional- dialectal » [chaker 1987 : p. 562]. L’origine des Berbères a fait couler beau- coup d’encre. on leur a prêté des origines diverses et parfois des plus fantaisistes : indienne, perse et mède, grecque et anatolienne, cananéenne, yéménite ou encore ibérique, gauloise, nordique, caucasienne… c’est ce qui a fait dire à gabriel camps : « il est sûrement plus difficile de rechercher les pays d’où ne viennent pas les Berbères !» [2007 : p. 49]. il se demandait également, dans uploads/Geographie/ les-berbres-du-maroc-qui-sont-ils-que-sont-ils.pdf
Documents similaires










-
55
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 06, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
- Taille du fichier 0.4499MB