Exposé : Une culture noramanno-arabo-byzantine au XIIe siècle ? Jules BERNARD I
Exposé : Une culture noramanno-arabo-byzantine au XIIe siècle ? Jules BERNARD INTRODUCTION : « A demi musulman », c'est ce qu'aurait dit Bernard de Clairvaux en parlant de Roger II. Le terme est provocateur et à le mérite d'attirer l'attention. L'abbé de Clairvaux pointe du doigt un élément qui lui paraît être une absurdité : Roger II, souverain normand de Sicile et de Calabre, duc d'Apulie et prince de Capoue est entouré d'une aristocratie composée principalement de musulmans. Il faut ajouter que la phrase est dite dans le contexte du schisme qui s'est opéré entre Innoncent II (soutenu par Bernard de Clairvaux) et Anaclet II (soutenu par Roger II), l'expression n'est donc pas seulement un constat mais est issu d'une réalité politique et religieuse extrêmement complexe et fascinante concernant toute la Méditerranée et qui dans le cas de la Sicile s'incarne dans un État où se juxtaposent des influences venues des mondes musulmans, de l'empire byzantin, des mondes normands et au-delà. Pour comprendre le phénomène qui s'opère en Sicile au XIIe siècle, trois documents serviront à nous éclairer dans notre analyse. Le premier est un texte extrait du Kitab Nuzhat al mushtaq fi-khtiraq al-afaq (« L'agrément de celui qui est passionné par la pérégrination à travers le monde ») plus connu sous le nom de Livre de Roger. La brochure donne une autre traduction moins répandue (la « Carte de Roger ») tirée du travail d'Aimée Jaubert. L'auteur est un géographe arabe majeur du Moyen-Age : al-Idrīsī. Né à une date incertaine autour de 1100, ces origines sont débattues. Jean-Charles Ducène le fait naitre à Ceuta en Al-Andalous, Annliese Nef en Sicile ou au Maghreb. Néanmoins, il est certain qu'al-Idrīsī a eu une éducation très riche et qu'il a fait un pèlerinage, traversant l'Ifriqiya, l'Arabie ou encore en l'Égypte. Il se met par la suite sous le patronage de Roger II alors roi de Sicile. Le Livre de Roger est écrit à la fin du règne du souverain normand autour de 1154. Son but est de décrire le monde connu de l'Asie à l'Atlantique, de la Scandinavie au Mali. Sa géographie est l'illustration d'un profond renouvellement : cartes (70 dans l'ouvrage), descriptions à l'aide de témoins oculaires, première description détaillée de l'Occident Latin... Pour ce dernier point, l’intérêt du livre pour l'historien ou l'historienne est de montrer la place croissante que prend l'Occident à partir du XIe siècle. Dans cet extrait, c'est Palerme, la capitale du royaume de Normand de Roger II qui est mise à l'honneur. Le deuxième document est le manteau de Roger II fabriqué en 1133-1134 aujourd'hui conservé en Autriche à Viennes. Le dernier document est la chapelle palatine de Palerme, elle aussi construite sous le règne de Roger II, ce qui limitera notre analyse étalant la chronologie jusqu'à la fin son règne en 1154. Revenons maintenant sur l'arrivée des Normands en Italie du Sud et en Sicile. A l'origine des Normands, il y a une grande partie qui est d'origine viking. Après leur conversion au christianisme et une période de sédentarisation avec de nouvelles constructions politiques, les maintenant nommés Normands, reprennent la mer. Ils attaquent les côtes du Royaume de France, pillent par la suite en Al-Andalous puis arrivent jusqu'en Italie du Sud au IXe siècle. A la suite de pèlerinages, les Normands s’immiscent dans les affaires locales italiennes et sont enrôlés comme mercenaires. Fils issu de la nombreuse famille du seigneur Tancrède de Hauteville dans le Cotentin, Robert Guiscard arrive en Italie et commence à monter une armée. Petit à petit, la puissance du normand s’accroît : duc des Pouilles, alliance avec le pape, et conquête de Palerme jusqu'à sa mort en 1085. Roger Ier prend sa succession en Sicile et se marie à Adélaide qui lui donne deux fils Simon et Roger. Ce dernier accède au titre de comte après la mort de son père, de son frère aîné et de Guillaume son cousin qui au passage lui cède une partie de ses territoires en Italie du Sud. Le 25 Décembre 1130, Roger II est fait roi de Sicile, une territoire qui a connu la domination romaine, puis byzantine de 535 à 827, et arabe jusqu'en 1060. L’île est donc une agrégat de peuples variés. Face à ces documents et la riche histoire des normands et de la Sicile, nous pouvons nous demander en quoi ce corpus est-il une source sur l'ouverture et la construction du pouvoir royal normand chrétien de Roger II au sein d'un espace partagé entre des peuples aux cultures différentes dans la Méditerranée du XIIe siècle. Pour répondre à ce problème, le développement se découpera en trois parties. La première s’intéressera à comment les documents témoignent de l’installation des Normands chrétiens dans une mosaïque de peuples. La seconde partie présentera la façon dont le roi apprend à rassembler les héritages des peuples siciliens tout en prenant soin de bien les différencier pour imposer son pouvoir. Enfin la troisième partie montrera la volonté du pouvoir normand de rayonner dans le monde méditerranéen du XIIe siècle. (Avant d'aller plus loin, il convient de montrer quelques limites à notre analyse. La première est spatiale car nous nous limiterons ici à la Sicile bien que le royaume Normand concerne aussi la Calabre. La seconde limite est temporelle notre développement ne vas pas au-delà du règne de Roger II en 1154. En effet, le choix est de rester cohérent avec les documents qui sont liées largement au règne de Roger II alors que la séance porte sur le XIIe siècle de manière générale. Ces choix sont raisonnés mais néanmoins, il n'y a presque rien à perdre dans un sujet vraiment passionnant qui parle à la fois d'histoire religieuse, politique, culturelle, d'histoire de l'art, d'archéologie, de géographie à la croisée des trois grandes aires politico-culturelles de la Méditerranée médiévale.) I- L'installation des Normands dans une Sicile multi-culturelle a) La Sicile, une mosaïque de peuple « celui du milieu comprend divers forts, diverses belles et nobles habitations, beaucoup de petites mosquées, de bazars, de bains et de magasins de gros négociants. » l.12-13 → Montre, la richesse sicilienne. Le bazar, le bain et les petits mosquées sont des éléments typiquement arabo-musulmans. – Le fait qu'il y en ait « beaucoup » montre que les musulmans sont nombreux sur l’île, notamment autour de Palerme. on compterait 300 000 habitants autour de la ville – La citation souligne aussi qu'ils sont toujours bien présents (écoles coraniques) Majorité de la population arabophone mais les gens sont aussi polyglottes, → Qui dit magasins et bazars dit commerce, et donc population venue de partout. – paysans Culture blé, vigne, agrume, huile d'olive, papeterie, coton, soie, minerai ETNA – on retrouve aussi des Grecs. Présence depuis l'Antiquité tardive car refuge contre les barbares, 535-837, trois siècles d'hellénisation, – on retrouve aussi des Albanais, des Lombards (autour de Plazza), des Slaves, des Juifs, des Berbères (Agrigente), des Perses. Habitants majoritairement dans les quartiers des villes. → Comme nous pouvons le voir, la Sicile abrite donc un large nombre de populations. Il faut souligner que le texte montre bien la majorité démographique des musulmans. Néanmoins même s'ils sont moins nombreux, les Grecs sont aussi la deuxième force démographique du territoire insulaire. « Siège du gouvernement dès les temps primitifs et les époques les plus anciennes de l’islamisme..» l.3-4 → Cette citation souligne la place prépondérante qu'ont occupé les musulmans sur la Sicile. – -Fatimides en 909, battent les Aghlabides. – -Après révoltes instauration définitive. Arrivée des émirs kalbites avec Hasan ibn Ali al'Kalbi, indépendance avec le départ des Fatimides au Caire. – statut de dhimmi donc cohabitation religieuse déjà instaurée. – La Sicile sert de refuge aux lettrés comme Tabari (historien) ou Muhammad ibn Khurasan (commentateur du Coran). Centre intellectuel. – Après la domination Kalbite, révolte en 1019 , éclatement en taiffas. Favorise la conquète normande. → Malgré ces informations, on en connaît encore peu sur la Sicile musulmane. Le document nous éclaire sur la forte présence musulmane sur l’île mais peut aussi faire deviner la présence d'autres populations. b) L'établissement autour d'une ancienne cité du pouvoir musulman : Palerme « La première de ces villes est Palerme, cité des plus remarquables.. » l.1 → Le texte porte l'attention et donne à voir, une description de la Palerme normande. Géographiquement le texte nous dit : « Cette ville est située sur le rivage à l’orient de la mer, et entourée de hautes montagnes. Le rivage offre du côté oriental un coup d’œil ravissant. » l.6-7 – présence dans la Conque d'Or, plaine entourée de Montagne. Zone très fertile. – Cité très ancienne, vestiges du Ve siècle – Installation autour de deux fleuves le Kemonia et la Papireto – Installation sous R.Guiscard et Roger Ier, frotifications – Arsenal déplacé pour être à la confluence des deux fleuves (centre chantiers navals) – Certes Palerme, mais intense politique de maillage du territoire par les forteresses « Palerme se compose de deux parties, c’est-à-dire du château (Cassaro ou al-Cassar) et des faubourgs. » l.10-11 → Le texte fait référence uploads/Geographie/ commentaire-de-document-texte-al-idrisi 1 .pdf
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- Publié le Dec 27, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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