ROYAUME UNI ENERGIE Un modèle de décarbonation associant toutes les parties pre

ROYAUME UNI ENERGIE Un modèle de décarbonation associant toutes les parties prenantes CE CAS D’ÉTUDE EST UNE ANALYSE RÉALISÉE DANS LE CADRE DU BILAN DE L’ACTION CLIMAT PAR SECTEUR RÉALISÉ CHAQUE ANNÉE TÉLÉCHARGER LE BILAN MONDIAL ET LES AUTRES CAS D’ÉTUDE SUR WWW.CLIMATE-CHANCE.ORG • 1 CAS D ' É T U D E ROYAU M E- U N I 2 0 1 9 ÉNERGIE ROYAUME-UNI Un modèle de décarbonation associant toutes les parties prenantes Rédacteur • Thibault Laconde • Consultant, Energie & Développement Le 21 avril 2017, pour la première fois depuis les débuts de l'électrification, le Royaume-Uni a passé une journée sans consommer de charbon pour sa production d'électricité. Cet épisode, qui s'est répété régulièrement par la suite jusqu’à atteindre une semaine entière sans charbon en mai 2019, est révélateur de la disparition de l'industrie charbonnière dans le pays qui lui a donné naissance. Cette transition a été spectaculairement rapide : en 2014, le charbon était encore la première source d'électricité britannique. Comment expliquer ce succès ? • 2 CLIMATE CHANCE – OBSERVATOIRE MONDIAL DE L’ACTION CLIMATIQUE NON-ÉTATIQUE CAS D ' É T U D E ROYAU M E- U N I ÉNERGIE Grands enseignements Le recul du charbon dans la production d’électricité a permis une chute spectaculaire des émissions de gaz à effet de serre britanniques qui s'établissent aujourd'hui autour de 390 millions de tonnes de CO2 par an, leur niveau le plus bas depuis la fin du XIXe siècle. Un des principaux facteurs invoqués est la taxe carbone (Carbon Price Floor) appliquée aux entreprises déjà soumises au système d'échange de quotas (EU ETS) et garantissant un prix plancher du carbone. La politique climatique britannique se caractérise à la fois par de fortes incitations financières (Climate Change Levy, etc.) et par des innovations institutionnelles permettant d'associer les acteurs non-étatiques à sa conception et à sa mise en œuvre (Climate Change Agreements etc.). Le Committee on Climate Change chargé de conseiller le gouvernement, constitue un exemple de mobilisation de l'expertise issue de la société civile et est un acteur clé des progrès réalisés par le Royaume-Uni. Dans le contexte d'un marché de l'énergie très fragmenté et concurrentiel, ces incitations ont permis de mobiliser les entreprises et de créer un cercle vertueux de renforcement mutuel facilitant leur acceptation du déclin de l’industrie charbonnière à partir de 2015. L'expertise et l'activisme de nombreuses ONG et think-tanks, ainsi les mouvements citoyens de résistance face à plusieurs projets d’énergie fossile, voire de désobéissance civile, ont été décisifs dans le vote par le Parlement de l’état d’urgence écologique, et a fortiori dans le débat public. Les progrès réalisés restent cependant précaires notamment dans le contexte d'incertitude politique, réglementaire et commerciale créé par la sortie de l'Union Européenne, et la possible remise en cause des engagements du pays au niveau européen. SOMMAIRE 1 DES ÉMISSIONS HISTORIQUEMENT BASSES GRÂCE AU RECUL DU CHARBON 2 UN CADRE NATIONAL PRÉCURSEUR FACE AUX DÉFIS DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET EUROPÉENNE 3 LES GOUVERNEMENTS DÉVOLUS S’EMPARENT DES AMBITIONS NATIONALES 4 UN MARCHÉ DE L’ÉLECTRICITÉ FRAGMENTÉ DONT LES ACTIONS CONVERGENT MALGRÉ TOUT 5 L’EXPERTISE ET LES REVENDICATIONS GRANDISSANTES D’UNE SOCIÉTÉ CIVILE MOTRICE • 3 1 - Des émissions historiquement basses grâce au recul du charbon Après une lente décrue dans les années 1990 et 2000, le recul des émissions de gaz à effet de serre (GES) britanniques s'est nettement accéléré depuis 2008 (fig. 1), affichant une baisse de 5,8 % en 2016 et 2,8 % en 2017 (Enerdata, 2019). En 2017, la Grande Bretagne a émis 386 millions de tonnes de CO2 (MTCO2eq). Hors période de crise, il s'agit du niveau le plus bas depuis le début des années 1890 (Hausfather, 2018). D'après des données provisoires, le recul s'est poursuivi en 2018 avec une baisse de 2,5 % (BEIS, 2019). FIGURE 1 ÉMISSIONS DE CO2 BRITANNIQUES - Source : Enerdata - 2019 600 MTCO2eq 500 MTCO2eq 400 MTCO2eq 300 MTCO2eq 200 MTCO2eq 100 MTCO2eq 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 ÉMISSIONS TOTALES ( CO2, HORS UTCATF) DONT SECTEUR DE L’ÉNERGIE HORS ÉLECTRICITÉ ET CHALEUR DONT ÉLECTRICITÉ ET CHALEUR Cette bonne performance s'explique très majoritairement par le recul des émissions liées à la production d'électricité et de chaleur : entre 2010 et 2017, elles ont chuté de 56 % passant de 142 à 67 MTCO2eq (fig. 3), cette chute s'est poursuivie en 2018 avec une baisse estimée à 9,9 % en un an (BEIS, 2019). A lui seul, ce secteur est responsable de près des trois-quarts des progrès réalisés par le pays. Les émissions du secteur de l'énergie hors électricité ont baissé plus modestement : -11 % entre 2010 et 2017 (Enerdata, 2019). Cette chute est le résultat d'un recul du charbon dans le mix britannique. Le gouvernement britannique s'est engagé en 2015 à sortir du charbon au plus tard en 2025 et cet objectif est déjà proche d'être atteint : la production a été divisée par 7 entre 2012 et 2018 et ne représente plus que 7 % de l'électricité britannique (BEIS, 2019). Pendant cette période 7 centrales à charbon, repré- sentant une capacité totale de 8,6 GW ont été définitivement fermées. Il ne reste plus aujourd'hui que 7 centrales à charbon en service (11,4 GW) dont 3 devraient cesser leur production en 2019 (powerstations.uk, 2019). Ce recul s'est accompagné d'une baisse significative de la production d'électricité : -11,5 % entre 2012 et 2017. La consommation a également reculé de 5 % depuis 2012 malgré une hausse des importations. Les émissions liées à la production de l'électricité importée sont difficilement quantifiables et ne sont pas prises en compte dans le bilan présenté ici. Le solde a été assuré par le développement des énergies renouvelables mais aussi par le recours au gaz. La production d'électricité à partir du gaz, orientée à la baisse jusqu'en 2011, s'est stabilisée puis a rebondi à partir de 2015 : le gaz est à nouveau la première source d'électricité britannique avec 42,2 % du mix électrique. • 4 CLIMATE CHANCE – OBSERVATOIRE MONDIAL DE L’ACTION CLIMATIQUE NON-ÉTATIQUE POUR MIEUX COMPRENDRE LE RÔLE DU GAZ DANS LES MUES DU MIX ÉLECTRIQUE BRITANNIQUE L'ouverture du marché de l'électricité britannique dans les années 1990 a entrainé une première vague de déclin des centrales à charbon (Fothergill, 2017). Pour développer leurs propres capacités de production, les nouveaux entrants se sont tournés en priorité vers le gaz, moins intensif en capital, plus souple et abondant : grâce aux gisements gaziers de mer du Nord, la production du Royaume-Uni a cru jusqu'en 2000, avant de reculer dû à l’épuisement progressif des ressources. Le rebond observé à partir de 2015 a été permis par l'importation grâce à de nouvelles infrastruc- tures : 4 terminaux méthaniers, Teesside GasPort, South Hook, Dragon et Grain sont entrés en service entre 2005 et 2009. Ces infrastructures font du Royaume Uni un débouché pour les productions de gaz nouvelles ou mal desservies par des gazoducs. C'est le cas notamment du gaz non-conventionnel étatsunien : la première cargaison est arrivée en septembre 2016 en Ecosse, malgré le moratoire sur la fracturation hydraulique en vigueur dans cette région (Reuters, 22/09/2016). FIGURE 2 SOLDE DU COMMERCE DE GAZ NATUREL AU ROYAUME-UNI - Source : UN Comtrade database BALANCE IN VALUE, USD THOUSAND -8,000,000 -6,000,000 -4,000,000 -2,000,000 2,000,000 4,000,000 0 -10,000,000 -12,000,000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Excédentaire de 2 milliards de dollars au début des années 2000, le solde du commerce de gaz du pays est désormais déficitaire avec plus de 10 milliards d’importation en 2018 (fig. 2). La production d'hydrocarbures non-conventionnels est soutenue par le gouvernement bri- tannique mais son développement est resté jusqu'à présent pratiquement nul en raison d'une réglementation très contraignante, de la chute des prix du gaz et de l'opposition des riverains et des collectivités (Financial Times, 19/11/2018). En raison des fuites de méthane liées à cette technique, le gaz obtenu par fracturation hydraulique, sur le territoire britannique ou importé, a une empreinte carbone plus importante que celle du gaz conventionnel. Par ailleurs dans la mesure où le charbon a déjà été éliminé, cette ressource ne peut désormais faire concurrence qu'à des énergies moins émettrices. Ainsi, plusieurs ONG environnementales anglaises et écossaises estiment dans un rapport com- mun que les projets d’extraction de gaz et de pétrole offshore en cours et prévision, ayant gagné en rentabilité grâce notamment à des subventions indirectes en hausse, pourraient conduire à annuler voire dépasser les réductions d’émissions permises par la sortie du charbon (Platform, Oil Change International and Friends of the Earth Scotland, 2019). ENCADRÉ 1 CAS D ' É T U D E ROYAU M E- U N I ÉNERGIE • 5 Les énergies renouvelables ont connu une hausse régulière (fig. 4) : les productions éolienne et biomasse ont été multipliées par plus de 4 entre 2010 et 2017 pour atteindre respectivement 14,4 % du (41 TWh) et 6,7 % (19 TWh) du mix. Le solaire, négligeable jusqu'en 2015, a progressé et fournit 0,7 % de uploads/Geographie/ cp1-2019-energy-uk-fr-20191003-complet.pdf

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