VI - L'EXPANSION DÉMOGRAPHIQUE DU XIXème SIÈCLE La région wallonne, en tant que
VI - L'EXPANSION DÉMOGRAPHIQUE DU XIXème SIÈCLE La région wallonne, en tant que telle, n'ap- paraît dans les publications statistiques que depuis une trentaine d'années et d'une fa- çon souvent limitée. C'est dire que les don- nées démographiques du XIXe siècle qui s'y appliquent sont, comme tant d'autres, le fruit de reconstitutions a posteriori établies au dé- part des divisions administratives les plus an- ciennes, soit: les provinces, les arrondisse- ments et, dans une moindre mesure, les communes. Abstraction faite des territoires cédés par le Traité des XXIV Articles (1839), le Limbourg néerlandais et le Grand-Duché de Luxem- bourg, ces circonscriptions administratives ont connu, entre 1831 et 1914, une grande stabilité qui confère un degré d'exactitude satisfaisant aux données péréquatées. Une fois posées ces remarques préalables, il convient de s'interroger sur la validité des divisions administratives dans l'approche des phénomènes démographiques. Un exemple parmi d'autres nous est fourni par l'arron- dissement de Verviers du XIXe siècle. Vu de haut, il est généralement considéré, par les économistes et les démographes, comme une région industrielle, siège d'une croissance rapide, alors qu'une notable partie de sa po- pulation vit et travaille dans la zone herbagère du plateau de Herve et, avec une moindre densité, dans le Sud et le Sud-Est ardennais. Une étude, forcément générale, de la démo- graphie wallonne ne peut prendre en compte ces diversités subrégionales et les comporte- ments qu'elles induisent. Il importe néan- moins d'avoir toujours présent à l'esprit le fait que les chiffres et les taux calculés ne sont le plus souvent que des moyennes dont le carac- tère représentatif dépend de l'homogénéité des circonscriptions sur les plans socio- économique, culturel ou géographique. LE SIÈCLE DE LA WALLONIE Sur base des données des recensemen.ts (de- puis 1846) et du relevé établi en 1831, les chiffres de population de la Flandre et de la Wallonie ont évolué de la manière suivante: RÉGION WALLONNE* RÉGION FLAMANDE ANNÉES CHIFFRES ABSOLUS INDICE CHIFF!l.ES ABSOLUS INDICE 1831 1 505 474 100 2 140 018 100 1846 1 778 023 118 2 347 539 110 1856 1 916 303 127 2 352 403 110 1866 2 076 289 138 2 442 223 114 1880 2 358 056 157 2 725 243 127 1890 2 545 204 169 3 003 954 140 1900 2 743 056 182 3 324417 155 1910 2 940 041 195 3 721 865 174 *Il s'agit de données péréquatées: les provinces et les arrondissements sont considérés dans leurs limites de 1970. 139 A la lecture de ce tableau, on constate que la croissance de la population wallonne s'opère de façon continue avec une accélération dans le troisième quart du siècle qui aboutit, en 1910, à un quasi-doublement des effectifs par rapport à 1831. L'analyse des taux d'accroissement annuel moyen par 1000 habitants laisse apparaître trois périodes d'expansion: 1831 à 1846 avec un taux de 11,3% 0 , 1857 à 1866 avec 8,3% 0 et 1866 à 1880 avec 9,7% 0 • Si J'on compare ces chiffres avec ceux d'autres pays d'Europe Occidentale, on s'aperçoit que l'évolution suivie par la Wallonie ne reflète pas un dynamisme démographique compara- ble à celui de l'Angleterre ou du Pays de Galles mais qu'elle se révèle plus favorable que celle de la France et, jusque 1875 environ, des Pays- Bas. Dans le cadre belge, le rythme d'accroisse- ment de la population wallonne reste jus- qu'en 1880 tantôt plus rapide, tantôt plus soutenu que celui de la région flamande. Les gains en valeur absolue sont même supé- rieurs au point qu'en 1866 et en 1880, l'écart de population entre les deux régions n'est que de 390 000 habitants environ. Quant au revire- ment démographique en faveur de la Flandre, il ne devient perceptible qu'au cours de la première décennie du xxe 'siècle. Pendant cette même période qui va de l'in- dépendance à 1914, l'agglomération bruxel- loise se singularise par une croissance extrême- ment rapide qui entraîne le doublement de sa population dès 1866 et son quintuplement vers 1905. Au sein même de la population wallonne, on note une grande diversité d'évolution entre les provinces. C'est ainsi que Liège connaît une expansion à la fois vive et continue pendant le XIXe siècle (17%0 ) alors que le Luxembourg, et, dans une moindre mesure, la province de Namur ont un accroissement beaucoup plus lent (5 et 9% 0 ). Le Hainaut, lui, occupe une position intermédiaire quoique favorable avec un taux de 12,5% 0 • L'écart entre Liège et le Hainaut, les deux provinces wallonnes les plus industrialisées, 140 est intéressant à souligner car il reflète l'im- pact d'une grande aggfomération sur l'am- pleur du mouvement de croissance. Ce phé- nomène, qui se trouve confirmé par l'évo- lution du Brabant et de la province d'Anvers, est une des principales caractéristiques dé- mographiques du XIXe siècle. Il s'agit de l'attraction des centres urbains, - ces villes tentaculaires de Verhaeren,- qui constitue la cause essentielle du déplacement des popula- tions et qui explique dans une large mesure les contrastes entre certaines évolutions. UNE RÉPARTITION INÉGALE Même s'il a suivi la tendance générale à la hausse, l'indice de concentration de la popula- tion reste, en Wallonie, inférieur à celui du Centre et du Nord du pays, ainsi qu'en témoi- gne le tableau suivant: ' INDICES DE CONCENTRATION PAR PROVINCE 1846 1880 1910 Pays 0,5388 0,5743 0,6356 Prov. flamandes 0,5041 0,5255 0,5362 Brabant 0,5304 0,6194 0,6810 Hainaut 0,5102 0,5308 0,5922 Namur 0,4136 0,4266 0,4818 Liège 0,5554 0,6112 0,6552 Luxembourg 0,2610 0,2628 0,3406 Comme on peut le constater, les divergences sont très nettement accusées entre les provin- ces wallonnes où le Hainaut et Liège attei- gnent des niveaux élevés quoique différents, alors que le Luxembourg, tout en poursuivant régulièrement la concentration de sa popula- tion, conserve l'indice le plus faible. En 1846, en dehors des grandes villes qui dépassent 50 000 habitants (Bruxelles, Gand, Anvers et Liège avec 75961 habitants), on ne compte que quatre communes de plus de 25000 habitants dont une en Wallonie, Tour- nai (30 125 hab.), tandis que Mons n'en est pas loin avec 24000 habitants. Parmi les entités supérieures à 5000 habitants, on note une concentration plus grande dans l'Ouest de la Wallonie (Hainaut) que dans le Centre et l'Est où seules huit communes franchissent ce seuil (Verviers, Seraing, Herstal, Namur, Huy, Dinant, Theux et Arlon). Dans la seconde moitié du XIXe siècle, no- tamment sous l'impact du développement industriel, certaines de ces localités vont se constituer en pôle d'attraction et accueillir une part de plus en plus importante de la population. Mais l'ampleur et le rythme du phénomène est largement tributaire des diver- sités régionales. Dans les bassins du Centre et de Charleroi, l'essor économique a fait croître l'ensemble des localités sans que se constitue une ou plusieurs agglomérations susceptibles de cris- talliser et d'amplifier la croissance. C'est ainsi qu'à la fin du siècle, aucune des communes de LA SOCIÉTÉ ANONYME D'OUGRÉE À SERAING AU MILIEU DU XIXe SIÈCLE. Un symbole de l'alliance du fer et du charbon,fonde- ment du développement économique de la région liégeoise. Lithographie d'Ed. Toovey, d'aprèsundessindumême, imprimée parSimonauet Toovey, publiée dans 'Belgique Industrielle. Vues des établissements industriels de la Belgique', Bruxelles, J. Géruzet, 2• série, (1854), planche llO (Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert /"', Imprimés). 141 LE QUAI DE LA BATTE À LIÈGE EN 1906. Des rives animées, le trafic sur la Meuse: reflets de la grande métro- pole wallonne. D'après 'Le Globe 11/us/ré ', Volume X Xl, n" 36, 9septembre 1906,p. 548, 2e photo (Bruxelles, Bibliothè- que Royale Albert 1"', Imprimés). cette région n'atteint 30 000 habitants tandis qu'augmente le nombre d'entités de plus de 10000 habitants. La physionomie du Borina- ge est assez semblable avec toutefois cette particularité que la concentration d'origine industrielle s'est faite en dehors de Mons dont la croissance est faible et au bénéfice de com- munes autrefois rurales et devenues minières. Le sillon Sambre-et-Meuse ne connaît qu'un seul pôle d'attraction significatif, Namur, qui compte déjà 22218 habitants en 1846 et qui verra sa population croître d'environ 50% avant la fin du siècle. Au Sud de ce sillon, la population du Condroz et surtout de l'Ardenne demeure extrêmement dispersée puisque respectivement 98 et 100% des communes comptent, en 1910, moins de 5000 habitants et que 43 et 25% d'entre elles ont une population inférieure à 500 habitants. Reste enfin la région de Liège. Son développe- 142 LES CRISTALLERIES DU VAL-SAINT-LAMBERT AU DÈBUT DU SIÈCLE. La peinture d'Edouard Mas- son ( 1881-1950) traduit bien les conditions particulières de travail de ces ouvriers au talent universellement reconnu. 1905 (Liège, Musée d'Art Wallon. Pholo A.C.L. ) . ment démographique est dominé par celui de l'agglomération qui se structure autour de la ville de Liège entre Seraing et Herstal avec une forte concentration vers l'Ouest et le Sud- Ouest. De 1846 à 1910, la population de la région liégeoise passe de 186 000 à 477 000 habitants tandis que la ville de Liège voit son effectif plus que doubler (167 521 en 1910 contre 75 961 en 1846). Quant au bassin séré- sien uploads/Geographie/ demographie-belges-xix.pdf
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- Publié le Jan 20, 2022
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