X. MORALES, « ‘Dieu et mon âme’. Le dernier cahier (février 1937-avril 1938) »,
X. MORALES, « ‘Dieu et mon âme’. Le dernier cahier (février 1937-avril 1938) », Collectanea Cisterciensia 62 (2000), p. 101-153. 1 Introduction biographique Raphaël Arnáiz y Barón, en religion frère Marie Raphaël, est né le 9 avril 1911 à Burgos (Nord-ouest de l’Espagne), premier de quatre enfants d’une famille aisée catholique pratiquante. Tout commence vraiment lorsqu’en 1930, tout jeune bachelier, il obtient comme cadeau de fin d’études de passer ses vacances d’été chez son oncle et sa tante, Leopoldo (dit « oncle Polín ») et María, ducs de Maqueda, à Pedrosillo, dans la province d’Avila. C’est le commencement d’une amitié spirituelle intense entre Raphaël et ses oncles, dont témoigne une correspondance abondante et profonde. C’est à l’issue de ces vacances que, sur le conseil de l’oncle Polín, Raphaël passe son premier séjour à la Trappe de San Isidro de Dueñas, en septembre 1930 : il est séduit par le silence, enthousiasmé par la beauté du lieu, emballé par les sonorités du Salve Regina entendu à Complies… Raphaël, très doué pour le dessin, commence des études prometteuses d’architecture à Madrid. Mais il prend enfin la grande décision, et entre au monastère le 15 janvier 1934, convaincu d’avoir trouvé sa vocation. Un diabète se déclare d’une façon foudroyante, et oblige le novice presque moribond à quitter, triste et perplexe, son cher monastère. Ce n’est qu’en janvier 1936, après une très longue convalescence, qu’il peut entrer de nouveau à San Isidro, cette fois en qualité de simple oblat, car sa maladie ne lui permet pas de suivre les exigences de la Règle. Après une deuxième sortie (septembre-décembre 1936) où il est déclaré inapte à porter les armes dans le conflit qui ravage son pays, et une troisième sortie (février-décembre 1937), qui achève de le dépouiller de lui- même, il vit son dernier séjour à la Trappe, du 15 décembre 1937 au 26 avril 1938, son dernier carême, comme une préparation au dernier dépouillement, celui de la vie. Le mystère de cette vie, jusqu’au bout, aura été de se laisser conduire à travers les perplexités d’une vocation embrassée avec enthousiasme et sans cesse contrariée par la maladie, par la guerre, jusqu’à renoncer entièrement à soi-même, à ses dernières illusions, jusqu’à accepter de renoncer à prononcer les vœux de trappiste. Son noviciat sur la terre, accompli dans solitude et la maladie humiliante, s’achève lorsqu’à Pâques, enfin revêtu de la coule par une faveur spéciale de son abbé, il fait par son passage vers la vraie vie la profession qu’il n’avait pu faire parmi ses frères de la terre. Ce mystère de dépouillement si dramatique n’a pu être vécu que grâce à un enthousiasme débordant, une joie qui possède, plutôt que de la naïveté, un certain humour, une certaine marque de l’humilité. Raphaël est « un trappiste fou et excité d’amour pour Dieu », qui sans cesse se retient de crier à tue-tête la miséricorde de Dieu à son égard. Et cette force le fait pénétrer toujours davantage dans une réduction à l’essentiel, à ce qui comble son cœur en vérité : « Dieu seul ». Dans la solitude et le silence, sans autre directeur spirituel que Jésus, la souffrance de la Croix devient le lieu propre où il renonce à lui-même, et sa propre souffrance , acceptée comme grâce de Dieu, permet le dépouillement ultime de l’humilité, jusqu’à la mort. Raphaël ne s’appartient plus, il n’y a que « Dieu seul », le message fou de l’amour. Raphaël a été béatifié le 27 septembre 1992. Note à propos du texte Outre sa correspondance, les écrits de Raphaël sont constitués d’une série de cahiers où s’enchaînent de courtes méditations. Raphaël ne s’attendait pas à ce qu’ils soient publiés, mais il y a tout de même un certain travail d’écriture. Son dernier cahier, en revanche, Dieu et mon âme, nous livre en brut ses réflexions lors de son dernier séjour à la Trappe. Le ton devient plus sérieux, plus angoissé parfois, mais c’est le même enthousiasme du jeune homme découvrant la Trappe pour la première fois qui incite l’oblat à répéter obstinément les miséricordes de Dieu. Cet enthousiasme est surtout perceptible dans la ponctuation assez débridée. Nous avons dû parfois la simplifier, surtout quand les virgules rendaient incompréhensibles la phrase française. En revanche, nous avons respecté le plus possible les juxtapositions de points d’exclamation et points de suspension au milieu d’une phrase. L’espagnol a un usage plus souple de ces signes d’expression. Nos italiques correspondent généralement à un soulignement simple, nos gras à un soulignement double. Le texte utilisé est celui de : Hermano Rafael, Obras completas, ed. Monte Carmelo, Burgos 1993 (2e édition), pp. 723-822. Bibliographie succinte Les écrits du Bx Raphaël sont accessibles en espagnol principalement sous deux formes : Vida y escritos de Fray María Rafael Arnáiz Barón monje trapense, PS editorial, Madrid 1964 (1e éd.) ; 1984 (11e éd.). Les écrits sont chronologiquement présentés par la mère de Raphaël, et de nombreux dessins de Raphaël servent d’illustrations. Hermano Rafael, Obras completas, ed. Monte Carmelo, Burgos 1988 (1e éd.) ; 1993 (2e éd.). X. MORALES, « ‘Dieu et mon âme’. Le dernier cahier (février 1937-avril 1938) », Collectanea Cisterciensia 62 (2000), p. 101-153. 2 Sr. Juanita Colon, OCSO, a commencé à donner une introduction et une traduction anglaise d’une partie de la Vida y escritos, sous le titre « Introduction to Blessed Rafael Barón, OCSO ; Life and Writings of M. Rafael Barón », dans Cistercian Studies Quarterly 31. 1 (1998), pp. 61-79 et 34. 1 (1999), pp. 29-52. Le Père T. Gallego a donné une étude en français sous le titre : « Le frère Raphaël Arnáiz y Barón (1911- 1938), témoin de la transcendance de Dieu », dans Collectanea Cisterciensia (1987) pp. 279-297 ; (1988) pp. 57- 75 et 335-371. Enfin, Leopoldo Barón Torres, « oncle Polín », a donné son témoignage, accompagnant des lettres de Raphaël, dans l’un des premiers livres à paraître sur lui, Un secreto de la Trapa. [L'apprentissage de l'humilité] Après un long séjour (presque un an) passé chez mes parents1, à me remettre d'un accès de ma maladie, je suis de retour à la Trappe pour continuer à remplir ma vocation, qui consiste simplement à aimer Dieu, dans le sacrifice et le renoncement, sans autre règle que l'obéissance à sa Divine Volonté. Je crois la remplir aujourd'hui, en obéissant sans vœux et en qualité d'Oblat, aux Supérieurs de l'Abbaye Cistercienne de San Isidro de Dueñas. Dieu ne me demande qu'un amour humble et un esprit de sacrifice. Hier, quand j'ai quitté ma maison et mes parents, et mes frères, ça a été l'un des jours de ma vie où j'ai le plus souffert. C'est la troisième fois2 que j'abandonne tout pour suivre Jésus, et je crois que cette fois-ci, ça a été un miracle de Dieu, puisque par mes propres forces il est certain que je n'aurais pas pu venir à l'Infirmerie de la Trappe pour supporter la peine, la faim dans le corps, due à ma maladie et la solitude dans le cœur, puisque je me trouve bien loin des hommes. Dieu seul…, Dieu seul…, Dieu seul. Voilà mon sujet…, voilà mon unique pensée. Je souffre beaucoup…, Marie, ma Mère, aide-moi. Je suis venu pour plusieurs motifs: 1° Parce que je crois réaliser mieux au monastère ma vocation d'aimer Dieu par la Croix et le sacrifice. 2° Parce que l'Espagne est en guerre, et pour aider mes frères à combattre3. 3° Pour tirer profit du temps que Dieu me donne de vie, et me dépêcher d'apprendre à aimer sa Croix. L'unique chose à quoi j'aspire au monastère est: 1° De m'unir absolument et entièrement à la volonté de Jésus. 2° De ne vivre que pour aimer et souffrir. 3° D'être le dernier, sauf pour ce qui est d'obéir. Que la Très Sainte Vierge Marie prenne mes résolutions dans ses divines mains et les dépose aux pieds de Jésus, c'est la seule chose que désire aujourd'hui ce pauvre Oblat. 16-12-1937 Il y a une chose dont je dois me convaincre: Tout ce que je fais est pour Dieu. Les joies, c'est Lui qui me les envoie; les larmes, c'est Lui qui me les fait verser; la nourriture, c'est pour Lui que je la prends, et quand je dors, c'est pour Lui que je le fais. Ma règle est sa volonté et son désir est ma loi; je vis parce qu'il Lui plaît, je mourrai quand Il le voudra bien. Je ne désire rien en dehors de Dieu. Puisse ma vie n'être qu'un "fiat" continuel. Puisse la Très Sainte Vierge Marie m'aider et me guider sur ce bref chemin de la vie en ce monde. 21-12-1937 Dans la vie de communauté, tant que je n'aurai pas appris à dominer tout mon "système nerveux", je ne saurai jamais ce que c'est que d'apprendre à me mortifier. Pauvre Frère Raphaël… il lutte jusqu'à la mort; voilà son destin. Désir impatient du ciel d'un côté, et cœur humain de l'autre. Résultat… souffrance et croix. X. MORALES, « ‘Dieu et mon âme’. uploads/Geographie/ dieu-et-mon-ame-pdf.pdf
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- Publié le Sep 17, 2021
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