Aymat Catafau (CRHiSM-Université de Perpignan) Du village au paysage. Éléments

Aymat Catafau (CRHiSM-Université de Perpignan) Du village au paysage. Éléments pour une historiographie récente du peuplement médiéval de l’Europe occidentale. Ce texte est la version française de la conférence que les organisateurs m’avaient demandé pour introduire les Sixièmes Journées «Peuplement, Territoire et Histoire rurale » organisées à Alguaire par l’Université de Lleida dont le thème était cette année : “Systèmes agraires, organisation sociale et pouvoir local”. Lors de ces Journées, Olivier Passarrius et moi avions aussi présenté un premier bilan de nos travaux sur Ropidère. Les actes des Journées d’Alguaire depuis leur création sont disponibles à la salle Multifonctions d’Histoire, ceux de 2007 y seront déposés dès parution. Par ailleurs, les travaux sur Ropidère et la « Montagne Brûlée » ont donné lieu à des Journées d’Étude en juin 2007 et seront publiés en 2008. "Mon bon ami, toute théorie est grise, mais vert et florissant est l'arbre de la vie." Goethe. Il me faut tout d'abord remercier les organisateurs du Congrès d'Histoire d'Alguaire pour leur invitation à ces journées d'études. et vous demander de m'excuser avant même de commencer, de parler ici d'un sujet qu'un autre que moi, ici même, serait plus à même de traiter d'un point de vue exhaustif, à la fois méthodologique et concret. Je veux parler de Jordi Bolòs, qui me paraît être en Catalogne un des pionniers de la liaison entre histoire et archéologie et un des meilleurs spécialistes de l'étude du peuplement et des paysages. L'évolution des recherches et des publications de Jordi Bolòs est une des meilleures illustrations de l'implication des chercheurs catalans dans cette dynamique, à laquelle ils participent et apportent beaucoup1. Je suppose qu'étant organisateur scientifique de ce congrès, il était difficile à Jordi d'en faire l'ouverture, et je dois sans doute à cela le fait de me trouver, un peu illégitimement, devant vous. Je vais essayer cependant de faire ce que l'on attend de moi, en prenant quelques précautions avant d'entrer dans le vif du sujet. D'abord, dans le temps qui m'est imparti ici, il me sera très difficile de développer les différents thèmes que je vais aborder comme ils le mériteraient. La publication du texte donnera le plus de références possibles aux ouvrages existants sur le sujet et que j'ai pu consulter. Je dois d'abord fortement modérer le titre quelque peu emphatique de ma conférence. Malgré mon ambition de vous parler de toute l'Europe pendant tout le Moyen Âge, j'ai dû revoir à la baisse mes objectifs : ni mes compétences linguistiques limitées, ni le temps dont j'ai pu disposer pour le préparer, ne me permettent de traiter ce sujet. Le traiter exhaustivement aurait été presque impossible, mais je n'aurai même pas la prétention de le traiter avec la vision européenne qui aurait été nécessaire pour correspondre à mon titre. Mes exemples se limiteront bien souvent à des visions d'ensemble ou à l'inverse à quelques lieux précis cités par des auteurs qui ont eux- mêmes réalisé des synthèses, publiées en anglais et en français principalement. D'un point de vue géographique, j'ai porté mon attention surtout sur l'Europe occidentale, le nord et l'est, les Iles britanniques et la France du Nord de la Loire, la Belgique et les Pays-Bas, et aussi les pays d'en dehors du limes romain, la Germani et les pays nordiques, plus que sur les pays méditerranéens, que je citerai souvent, à titre de comparaison, en supposant que leur situation vous est plus familière. D'un point de vue chronologique, j'ai été surtout intéressé par ce que l'histoire et l'archéologie du Moyen Âge ont apporté de connaissances récentes aux périodes de grands changements, particulièrement à l'Antiquité tardive et au Haut Moyen Âge puis à la période de la mise en place de la seigneurie : en fait cela constitue un grand continuum du Ve au XIe ou XIIe siècle. Cependant c'est surtout de manière thématique que j'ai souhaité aborder cette présentation des apports récents de l'archéologie et de l'histoire à la connaissance des faits de peuplement, d'habitat, d'occupation du sol, d'exploitation et de contrôle du territoire, bref de formation du paysage européen à l'époque médiévale. Cette approche thématique risquant de se transformer rapidement en un catalogue, en un 1 On pense à des travaux comme ceux de Jaume Vilaginès, de Elvis Mallorquí, de Marta Sancho, de Victor Farías, etc., etc. inventaire lassant, presque infini, de sujets de recherches et de questions d'une diversité foisonnante, il m'a paru nécessaire de les regrouper en quelques axes principaux. Le premier de ces axes sera celui du peuplement, de l'habitat et du village. Il me permettra d'aborder quelques thèmes anciens de l'historiographie médiévale, objets de questionnements eux-mêmes séculaires parfois, mais auxquels les recherches actuelles, surtout grâce à l'apport de l'archéologie et des archéo-sciences (ou sciences naturelles appliquées aux vestiges du passé), ont apporté des éléments de réflexion et parfois des réponses nouvelles. On peut mentionner parmi ces thèmes la question de la fin des villae en tant que grands domaines antiques, et de l'apparition d'autres structures d'exploitation et d'autres formes d'habitat entre le Ve et le VIIe s., la question large de la naissance ou des naissances des villages, objet longtemps d'interprétations divergentes entre historiens et archéologues et qui reçoit, avec le développement de l'archéologie extensive, un éclairage nouveau, tant sur les chronologies, fortement élargies, que sur les formes de l'habitat et donc sur les définitions du village. Une autre question, celle de l'encadrement des hommes, de l'encellulement et de la mise en place de la paroisse et de la seigneurie a connu aussi de récents apports : avec l'élargissement de la chronologie, l'approche de visions territoriales, et pas seulement ponctuelles, et la découverte de formes précoces d'encadrement paroissial. Le second axe sera celui des études sur le milieu naturel et de sa transformation par l'homme, avec pour résultat la naissance de "paysages nouveaux". Là aussi une vieille question historique comme celle des défrichements, qui se relie à celle de la mise en place des terroirs d'openfield et de bocage, et à celle de l'expansion des XII-XIIIe siècles a reçu des éclairages nouveaux. Cela est dû d'abord à la mise en œuvre d'approches nouvelles, recherchant des sources différentes, considérant surtout le paysage à la fois comme objet d'étude et comme source. Les études des cadastres et des cartes, l'utilisation régressive des données liées à celles des textes se sont appliquées à la mise en place des parcellaires ou aux assèchements de marais et de zones humides. Mais c'est là surtout que l'emploi des archéo-sciences et sciences nouvelles a permis de mesurer et de dater la transformation des milieux par l'action des hommes, ainsi la palynologie, l'anthracologie éclairent le recul de la forêt et la phytohistoire des haies fournit des éléments de datation du bocage. Un troisième axe, à mon avis le plus neuf et le plus prometteur, se dessine maintenant : celui de l'approche sociale des liens entre l'homme et son milieu, de la dimension anthropologique des paysages. Curieusement, mais sans doute non sans raison, c'est par les marges qu'a débuté cette approche, les territoires marginaux (bois, marais, incultes, emprius, vacants, cultures temporaires) sont en effet révélateurs des rapports existant entre l'homme et le milieu, ou plus exactement des rapports entre sociétés humaines, ou homme en société2 et milieux? C'est aussi autour du milieu et de la formation des paysages que la notion de longue durée continue à être, pour les historiens, une approche féconde qui retrouve des liens anciens avec l'ethno-histoire. La montagne, en valeur dans les recherches depuis quelque temps est le cadre où se retrouvent des histoires lentes, pluri-séculaires souvent, parfois millénaires, du milieu, du paysage et des sociétés montagnardes, abordant tous les aspects d'une histoire qui n'a jamais été aussi "totale", ou au moins "globalisante". Les visions culturelles, sociales et anthropologiques des rapports de l'homme en société au milieu et à la nature réactive les travaux d'anthropologie des usages sociaux, des gestes (outils, champs, élevage archéo-zoologie) des pratiques culinaires, alimentaires et donc des consommations des productions (céréales, vignes, mais aussi fruits, arbres, cueillette) renouvelés par les méthodes et sciences nouvelles. Enfin on ne saurait oublier que cette approche qui valorise de plus en plus le lien entre histoire et géographie se traduit, dans tous les domaines de la discipline historique par une de la "territorialisation" des questions historiques, par leur approche "spatiale", par leur inscription dans des paysages divers3 Avant d'aborder chacun de ces axes, je voudrais souligner trois points qui me semblent indispensables pour comprendre les progrès récents de l'étude du peuplement, des territoires et des paysages par les médiévistes, historiens et archéologues. Sur tous ces points il me faut cependant faire une réserve de prudence préliminaire. J'ai parlé dans mon titre et dans mon introduction des "apports récents" de la recherche. Sans scier la branche sur laquelle je suis assis, je pense qu'il nous faut, à nous tous ici, et peut-être surtout en tant qu'historiens, nous méfier de l'idée que notre génération a tout inventé, ou tout renouvelé de fond en comble. Des pans entiers de notre connaissance actuelle et de nos recherches futures reposent uploads/Geographie/ du-village-au-paysage-elements-pour-une-historiographie-recente-du-peuplement-medieval-de-l-x27-europe-occidentale-a-catafau 1 .pdf

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