ANNE-LAURE BONDOUX JEAN-CLAUDE MOURLEVAT ET JE DANSE, AUSSI De : Pierre-Marie S

ANNE-LAURE BONDOUX JEAN-CLAUDE MOURLEVAT ET JE DANSE, AUSSI De : Pierre-Marie Sotto À : Adeline Parmelan Le 24 février 2013 Chère Madame Parmelan, Rentrant de voyage ce samedi, je trouve dans ma boîte aux lettres cette volumineuse enveloppe portant votre adresse mail au dos. Je suppose qu’il s’agit d’un manuscrit. En ce cas, je vous remercie de la confiance que vous me témoignez, mais je dois vous informer que je ne lis jamais les textes qu’on m’envoie. C’est le travail des éditeurs. Pour ce qui me concerne, je ne suis qu’écrivain et j’ai bien assez de mal avec ma propre écriture pour avoir la prétention de juger celle des autres. Je n’ai donc pas ouvert votre enveloppe. Je vous la retournerai dès lundi à votre adresse postale si vous me la communiquez. J’espère que vous ne m’en voudrez pas trop. Bien cordialement. Pierre-Marie Sotto De : Adeline Parmelan À : Pierre-Marie Sotto Le 24 février 2013 Cher Monsieur Sotto, Je vous remercie d’avoir pris la peine de m’écrire dès votre retour de voyage, même si votre réponse m’a beaucoup déconcertée. Pour tout vous dire, j’étais certaine que vous alliez décacheter mon enveloppe. Mais réflexion faite, je comprends : votre notoriété doit vous attirer toutes sortes de demandes ennuyeuses, et vous avez raison de vous en protéger. Puisque vous avez eu la gentillesse de m’envoyer un message, je me permets de vous préciser que le contenu de l’enveloppe n’a rien d’ordinaire. Et, bien qu’étant l’une de vos admiratrices, je crois pouvoir affirmer que je ne suis pas une lectrice comme les autres. En comptant sur votre curiosité et en espérant ne pas vous paraître trop insistante. Avec toute mon admiration. Adeline Parmelan De : Pierre-Marie Sotto À : Adeline Parmelan Le 25 février 2013 Chère Madame Parmelan, Si je n’ai pas ouvert votre enveloppe, c’est parce que j’aime choisir moi-même mes lectures. C’est aussi en effet parce que j’ai appris avec le temps à ne pas me disperser. Il m’est arrivé une seule fois d’engager une correspondance avec une lectrice, mais, pardonnez- moi de le dire avec franchise, je n’ai aucune raison objective de renouveler cette expérience avec vous. Merci de me lire. Bien cordialement. Pierre-Marie Sotto De : Adeline Parmelan À : Pierre-Marie Sotto L 25 fé i 2013 Le 25 février 2013 Cher Monsieur Sotto, Je n’ai pas l’habitude d’écrire à des personnalités et vous n’imaginez pas les hésitations qui ont précédé l’envoi de cette enveloppe, ni les efforts que j’ai déployés pour trouver votre adresse postale. Apparemment, la lectrice avec laquelle vous avez correspondu avait des arguments plus solides que les miens pour voler un peu de votre temps. Je me demande comment elle s’y est prise ! Le ton sec de votre message est plutôt décourageant, mais je tente encore ma chance : cette photo, que je vous envoie en pièce jointe, vous évoquera peut-être quelque chose. Bien à vous. Adeline Parmelan De : Pierre-Marie Sotto À : Adeline Parmelan Le 25 février 2013 Chère Adeline Parmelan, Pardonnez le ton sec, je n’avais pas l’intention de vous blesser. Il peut m’arriver d’être maladroit, surtout en ce moment. Cette jeune femme m’avait d’abord brièvement écrit à propos de ce roman où il est question de surdité. Étant elle-même sourde et mère de deux enfants sourds, elle avait été touchée par ce sujet. Nous avons correspondu pendant plusieurs années. C’était naturel et sans prétention. Vos courriers, à l’inverse, déclenchent chez moi un léger malaise, je l’avoue. En quoi seriez-vous une lectrice différente des autres ? Quant à la photo jointe, je suis désolé de vous décevoir encore, elle n’évoque absolument rien pour moi. Est-ce vous qui l’avez prise ? Est-ce là que vous habitez ? Bien cordialement. Pierre-Marie Sotto De : Adeline Parmelan À : Pierre-Marie Sotto Le 25 février 2013 Cher Pierre-Marie Sotto, Si cette photo ne vous rappelle rien, oubliez-la, mais laissez-moi m’étonner d’une chose : pour des gens qui n’ont rien à se dire, nous nous écrivons beaucoup ! D’ailleurs, votre disponibilité m’honore ! Dois-je en déduire que vous n’êtes pas absorbé par l’écriture ? Ou peut-être venez-vous d’achever un nouveau roman ? Ce serait la meilleure des nouvelles, et je suis très preneuse de bonnes nouvelles – denrée rare chez moi depuis longtemps. Je vous pardonne volontiers votre maladresse. Vous ne m’avez pas blessée. Il m’en faut malheureusement bien plus. Adeline Parmelan De : Pierre-Marie Sotto À : Adeline Parmelan Le 26 février 2013 Chère Adeline Parmelan, Oui, nous nous écrivons beaucoup, mais il n’y a pas d’égalité entre nous : vous savez beaucoup de moi, et moi je ne sais rien de vous. Il vous suffit d’aller sur Internet et de taper mon nom sur un moteur de recherche. Vous trouverez ma date de naissance (eh oui, j’ai 60 ans), ma biographie, des photos qui me représentent à tous les âges de ma vie, les dernières sans pitié pour ma calvitie récente. Vous pouvez entendre le son de ma voix. Bref je suis exposé. À nu. Vous, au contraire, êtes confortablement tapie dans votre anonymat. Et les maigres indications que vous me donnez sur vous-même en disent bien peu. Merci de considérer qu’un nouveau roman de moi est une bonne nouvelle, mais hélas pour cela il va falloir attendre assez longtemps j’en ai peur. Je vous renouvelle ma proposition à propos de votre manuscrit. Une simple adresse postale et je vous le retourne. D’ici là, je le remise sur l’étagère du bas de ma bibliothèque où il patientera auprès de mes dossiers de relevés bancaires et de mes contrats d’édition. Bien cordialement. Pierre-Marie Sotto De : Adeline Parmelan À : Pierre-Marie Sotto Le 26 février 2013 Cher Pierre-Marie Sotto, Grande. Brune. Grosse. 34 ans. Voix : alto (je chante dans une chorale d’amateurs). Calvitie : pas encore. J’ai conscience qu’un tel portrait n’a rien d’engageant et que je n’arrive pas à la cheville de cette femme qui s’était retrouvée dans Silences (si mes souvenirs de lecture sont exacts ?). À ce propos, et puisqu’elle vous avait touché, pourquoi avez-vous cessé de lui écrire ? Y aurait-il eu un « malentendu » entre vous ? J’ai probablement eu tort de vous envoyer cette enveloppe, et je ne souhaite pas encombrer plus longtemps vos étagères. Mon adresse : 1, impasse Marc-Bloch, 72727 Le Cloître. (Si vous pouviez me renvoyer l’enveloppe assez vite, je prévois de déménager bientôt. Je vous rembourserai les frais de port.) Je reste votre fidèle lectrice. Adeline Parmelan PS : Vous semblez avoir des soucis avec l’écriture de votre prochain roman, mais sachez que je l’attends tout de même avec impatience. Et je ne suis pas la seule ! De : Pierre-Marie Sotto À : Adeline Le 27 février 2013 Chère Adeline, Oui, bien sûr, il s’agit de Silences. Je ne sais pas si je fais bien, mais il faut tout de même que je vous dise : la nuit qui a suivi votre second message, je me suis réveillé à 3 heures du matin. Connaissez- vous cet état-là ? Brusquement, en plein milieu de la nuit, vous êtes cueilli par une évidence : mon fils me hait… mon père est en train de mourir… je suis vieux… ou quelque chose de ce genre. Dans tous les cas, votre nuit est foutue. Là, rien d’aussi dramatique, juste cette réflexion à votre sujet, qui tenait en ces quelques mots : je suis tombé sur un os. J’ignore ce que cache l’enveloppe, mais j’avoue que je commence à la lorgner d’un autre œil. Me permettez-vous de la garder un peu encore ? La jeune femme et moi avons cessé de nous écrire lorsqu’elle a émigré en Irlande avec son mari. Si vous passez à Dublin un jour, m’a- t-elle dit, venez me voir. Je n’y suis jamais allé bien sûr. En fait, je l’avoue, c’est moi qui me suis lassé le premier de sa prose. Elle collait sans doute de trop près à sa réalité. Je lui aurais volontiers pardonné de s’inventer un peu. Je ne m’en privais pas, moi ! Je vous envie de chanter. Quel répertoire ? Moi, je suis trop cérébral. Je chante faux, je danse comme un ours. Merci de brosser de vous ce portrait sans complaisance. Il vous donne une humanité qui me touche. Qu’il soit fidèle ou non m’importe assez peu au bout du compte. C’est comme dans les romans : l’important est qu’on soit intéressé, vous ne pensez pas ? Bonne journée à vous ! Pierre-Marie PS : Impasse, Le Cloître… Oh oui, déménagez très vite ! De : Adeline À : Pierre-Marie Le 27 février 2013 Cher Pierre-Marie, On peut dire que vous avez l’art de souffler le chaud et le froid ! D’ailleurs, je me suis réveillée ce matin avec un gros rhume, il n’y a pas de hasard. Cela dit, je ne veux pas vous faire porter le chapeau : ce coin de campagne où je me trouve « cloîtrée » (je vois que la pesanteur de mon adresse ne vous a pas échappé, et uploads/Geographie/ et-je-danse-aussi-pdf 1 .pdf

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