17 Chapitre I Le Maroc avant l’Islam Durant une longue période qui s’étendit su
17 Chapitre I Le Maroc avant l’Islam Durant une longue période qui s’étendit sur plusieurs centaines de mil- liers d’années, les premiers hommes apparurent dans l’actuel Maroc, puis les ancêtres des actuels Berbères s’y installèrent. La région s’inséra ensuite dans le jeu des rivalités entre Carthage et Rome avant de connaître plu- sieurs siècles dits « obscurs » sur lesquels nous sommes fort peu documen- tés et qui précédèrent la conquête arabo-musulmane du VIIe siècle. I. Des origines à l’arrivée des proto-berbères Les galets aménagés qui constituent les premières traces humaines au Maroc remontent à plus de deux millions d’années, mais nous ignorons tout de ceux qui les fabriquèrent. Il y a environ 500 000 ans, des Homo erectus1 parcoururent la région, laissant de nombreuses traces de leur pas- sage, comme des haches bifaces. Il y a environ 100 000 ans, ils eurent pour successeurs les premiers Hommes modernes. Plus près de nous, vers 10 000 av. J.-C., les ancêtres des actuels Berbères semblent occuper la région sans que l’on connaisse avec certitude leur ori- gine. Puis, l’existence des grands royaumes berbères pré-Romains-Massyle (actuelle Tunisie), Massaessyle (actuelle Algérie) et Maurétanie (actuel 1. Une équipe franco-marocaine dirigée par Jean-Paul Raynaud et Fatima-Zohra Sbihi-Alaoui a mis au jour le 15 mai 2008, une mandibule complète d’Homo erectus datée de plus de 500 000 ans sur le site de la carrière Thomas I à Casablanca. L’intérêt principal de cette découverte est que la morphologie de ce fossile est différente de celle de la variété maghrébine d’Homo erectus ou Homo mauritanicus datée d’environ 700 000 ans (www.hominides.com) Histoire du Maroc 18 Maroc), préfigure déjà la moderne division du Maghreb en trois entités nationales (voir la carte n ° 4). A. De 60 000 à ± 4 000 av. J.-C. La colonisation de l’espace nord-africain par l’Homme moderne s’est faite dans une Afrique froide, donc aride (Leroux, 2000)1. À partir d’il y a ± 60 000 ans2, au Pléistocène final, l’Europe occidentale connût un climat extrêmement froid et les îles britanniques furent en partie recouvertes par des glaciers. L’Afrique se refroidit elle aussi, et par conséquent les pluies y diminuèrent, entraînant une phase aride et même hyper aride à laquelle le Maghreb échappa tout d’abord puisque l’assèchement ne semble s’y être manifesté réellement qu’à partir de –27 000/–25 000, c’est-à-dire durant le Paléolithique3 supérieur européen (± 30 000/ ± 12 000), pour durer jusque vers ± 12000 par rapport à nos jours. La région fut alors occupée par un Homme moderne contemporain de Cro-Magnon, mais qui n’était pas cro- magnoïde, et dont l’industrie, l’Atérien, culture dérivée du Moustérien, apparût vers –40 000, et dura jusque vers –20 000 (Camps, 1981). Nous ne savons rien des Atériens ni de la manière dont ils furent sup- plantés, remplacés ou absorbés par les Ibéro-Maurusiens ou Hommes de Mechta el Arbi, qui leur succédèrent et qui occupèrent la région à partir de ± 20 000. Ces derniers présentent des traits semblables à ceux des Cro- Magnon européens (crâne pentagonal, large face, orbites basses et rectan- gulaires). Ces chasseurs-cueilleurs avaient pour industrie l’Ibéromaurusien4 contemporaine du Magdalénien (± 18-000/ 15 000) et de l’Azilien (± 15 000) européens. Les dates les plus hautes concernant l’ibéromaurusien ont été obtenues à Taforalt au Maroc oriental où cette industrie serait apparue vers 20 000 av. J.-C.. Ces estimations ont été confirmées en Algérie à partir de ± 18 000 av. J.-C. L’Homme de Mechta el-Arbi n’était ni un cromagnoïde européen ayant migré au sud du détroit de Gibraltar, ni un Natoufien venu de Palestine5, mais un authentique Maghrébin (Camps, 1981 ; Aumassip 2001). 1. En Afrique, climat froid correspond à aridité et climat chaud à humidité. 2. Sauf quand nous le mentionnons, les dates sont indiquées par rapport à nos jours. C’est ainsi que – 60 000 doit être compris comme par rapport à aujourd’hui. 3. Le Paléolithique est la période durant laquelle l’homme qui est chasseur-cueilleur taille des pierres. Durant le néolithique, il continuera à tailler, mais il polira également la pierre. 4. Il s’agit d’une industrie essentiellement littorale. 5. L’hypothèse de son origine orientale doit être rejetée car : « […] aucun document anthropologique entre la Palestine et la Tunisie ne peut l’appuyer. De plus, nous connaissons les habitants du Proche- 19 Chapitre I. Le Maroc avant l’Islam À partir de ± 10 000 (8 000 av. J.-C.), le climat changea de nouveau. Entre 7 000 et 4 000 av. J.-C., avec la fin des épisodes de froid et donc de grande sécheresse, la chaleur étant de retour, les pluies revinrent et le Sahara rede- vint une vaste savane permettant aux hommes de circuler. Durant le Grand Humide holocène1 ou Optimum climatique holocène qui s’étend de ± 7000 à 4000 av. J.-C., en Afrique du Nord la végétation médi- terranéenne colonisa l’espace vers le Sud jusqu’à plus de 300 km de ses limites actuelles. Cette période qui est celle de l’art Bubalin ne tire pas son nom de l’antilope bubale2, mais du grand buffle antique3. Dans sa première phase, il s’agit d’une période de chasse exclusive qui évolua ensuite vers une période associant chasse et élevage. L’art Buba- lin, majestueux par ses dimensions, met en scène une faune et des milieux aujourd’hui disparus. Depuis l’Atlas marocain jusqu’au Sahara central, les gravures du Bubalin semblent apparentées, ce qui signifierait qu’elles auraient pour auteurs une seule population (Le Quellec, 1998 : 506-507). Plus généralement : « […] le bestiaire rupestre marocain est semblable à celui du Sahara. La grande faune (éléphants, rhinocéros, girafe, antilope…) est prépondérante près des rives du Dra » (Rodrigue, 2009 : 11). Cependant, il existe bien un art rupestre spécifique au Maroc, qui ne se retrouve pas ailleurs et qui pourrait être un « amalgame » des courants artis- tiques à la fois de la Méditerranée et du Sahara (Rodrigue, 2009 : 14). C’est un art méridional qui, d’Est en Ouest se retrouve de Figuig à Assa (région de Guelmim-Es-Smara) et du Sud vers le Nord, de l’Oued Draa jusqu’au Orient à la fin du Paléolithique supérieur, ce sont les Natoufiens, de type proto-méditerranéen, qui diffèrent considérablement des Hommes de Mechta el-Arbi. Comment expliquer, si les hommes de Mechta el-Arbi ont une ascendance proche orientale, que leurs ancêtres aient quitté en totalité ces régions sans y laisser la moindre trace sur le plan anthropologique ? » (Camps, 1981). 1. L’Holocène, étage géologique le plus récent du Quaternaire, débute il y a 12 000 ans environ, à la fin de la dernière glaciation et voit l’apparition des premières cultures néolithiques. 2. Bubale : antilope africaine dont le nom grec était boubalos qui veut dire buffle mais n’est en rien apparentée aux buffles. 3. Le grand buffle africain est le Bubalus Antiquus ou Buffle Antique ou Buffle Géant. « On sait mainte- nant d’une part que l’animal s’est éteint beaucoup plus récemment qu’on ne le croyait à l’époque où il fut choisi pour caractériser un étage rupestre, et d’autre part qu’il n’a pas été gravé partout […] S’il est parfaitement exact que le grand buffle antique, traditionnellement dénommé « bubale », fut chassé et consommé par certains néolithiques du Sahara, on constate que l’appellation « bubalin »a été donnée à un prétendu « étage »de gravure où cet animal n’est pas toujours présent, et que cette espèce a disparu longtemps après la fin de la « phase » qu’elle est supposée caractériser. » (Le Quellec, 1998 : 271). Histoire du Maroc 20 Yagour dans le haut Atlas. L’art rupestre marocain qui ne concerne ni le Moyen-Atlas, ni le Rif : « […] est en fait exclusivement saharien. Aujourd’hui, le grand désert cesse dès les premiers piémonts atlasiques. Il en était déjà ainsi il y a quatre mille ans, lorsque les pasteurs nomades fuyant la désertification se sont réfugiés près des rives du Dra. L’art rupestre marocain est donc fondamentalement l’expres- sion d’une culture pastorale exogène, née au cœur du Sahara et échouée sur ses « berges » encore humides » (Rodrigue, 2009 : 16). L’art rupestre saharo-maghrébin est composé de gravures et de pein- tures. Les gravures sont plus nombreuses que les peintures. Les plus anciennes semblent apparaître vers 8000 av. J.-C.. Depuis les années 1950, en dépit des querelles d’écoles et de la multiplicité des découvertes, la clas- sification de l’art rupestre saharo-maghrébin repose sur quatre grands styles définis par les animaux majoritairement représentés. Du plus ancien au plus récent, il s’agit du Bubalin, du Bovidien, du Caballin et du Camelin. L’art camelin correspond à une période s’étendant du début du premier millénaire de l’ère chrétienne jusqu’au XIXe siècle1. Longtemps considérées comme absentes ou marginales, les peintures n’ont guère été étudiées au Maroc, l’art pariétal y étant identifié aux seules gravures. Depuis une vingtaine d’années, après la découverte de plusieurs abris dans le djebel Bani (région de Zagora) et dans le Sahara marocain (Saquia el Hamra), plus récemment encore dans la région de Tan-Tan, l’étude des stations peintes a véritablement débuté et permet d’en savoir plus sur les hommes qui vécurent uploads/Geographie/ extrait 10 .pdf
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- Publié le Jui 27, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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