E D G A R F A U R E La banqueroute de Law 1 7 J U I L L E T 1 7 2 0 G A L L I M
E D G A R F A U R E La banqueroute de Law 1 7 J U I L L E T 1 7 2 0 G A L L I M A R D Il a été tiré de l'édition originale de cet ouvrage vingt-sept exem- plaires sur velin d'Arches Arjomari-Prioux numérotés de l à 27. Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays. © Éditions Gallimard, 1977. Première partie L ' H O M M E ET LA DOCTRINE I L'ennemi de Vor est né dans la maison de Vorfèvre «• Ainsi se rythment les chapitres de l'his- toire du monde. A la cadence des fabuleux métaux. » Fernand Braudel. City Parish Register of Baptisms : « 21 April 1671 William LAW, Goldsmyth & Jean Campbell A.S.N. ( a son named) John — Witn. (témoins) : Mr John Law; John Law Goldsmyth; Archibald Hirlope, Bookbinder; Hew Campbell and John Murray, merchants . » Ce texte établit de façon incontestable l'orthographe du nom de famille de Law, qui, par la suite, est souvent écrit Laws, Las, ou même Lass, voire Laus. Ce problème d'orthographe est en liaison avec la petite énigme de la prononciation Lass, qui était générale à l'époque, ainsi qu'en témoignent, entre autres, Saint-Simon et Voltaire. On note cepen- dant à l'occasion, selon Mathieu Marais, une prononciation popu- laire Laou. On a émis diverses hypothèses sur cet écart entre la Ï irononciation usuelle et la lecture phonétique : confusion entre la ettre w et une double lettre ss, voire même simple jeu de mots, s'agissant d'un joueur : l'as 2, également l'emploi habituel de la 1. Extrait transcrit sur le livre des baptêmes de la paroisse de la Cité (église Saint-Gilles) à Édimbourg. 2. Ce qui permettait aux chansonniers de faire rimer Law avec hélas. Cf. l'épi- graphe : L'aspect nouveau de l'état de la France Fait dire à l'un, fait dire à l'autre : hélas! Serait-ce un Dieu qui régit la finance Est-ce un démon sous la forme de Las? 4 L'homme et la doctrine formule anglaise Law's System, donnant par contraction Laws, etc. Un érudit du siècle dernier s'est attaché à résoudre cette petite énigme 1. Il écarte l'explication par le double s en soulignant qu'on ne la relève jamais dans des noms comme Berwick et Newton 2 et retient l'hypothèse selon laquelle la prononciation Law procède de l'orthographe habituelle Laws, employée couramment et par l'intéressé lui-même; l'addition du s est elle-même fréquente pour les noms écossais, elle marque l'abréviation de la formule Lawson, fils de Law. Ainsi écrivait-on non moins couramment Stairs pour désigner l'ambassadeur d'Angleterre, lui-même compatriote de Law3. Or, la prononciation écossaise de Law est La4, mais celle de Laws est sensiblement Las5. Sans doute Law, en prononçant son nom de cette manière, a-t-il accrédité lui-même la première orthographe usitée, d'où, par la suite, lorsque s'est imposée l'écri- ture Law, la perpétuation Las comme forme orale. Quant à la manière dont le nom doit être prononcé aujourd'hui, nous inclinons, comme A. Beljame, à préconiser le maintien de Las, conformément à la pratique suivie dans des cas analogues, dont le plus connu est celui de Broglie (Breuil). Le premier biographe de John Law, J. P. Wood, présente son héros comme l'arrière-petit-fils de James Law, archevêque de Glasgow, qui fut célébré en vers latins par un poète anglais et doté d'un monument funéraire dans la cathédrale Saint-André par la piété de sa veuve 6. Mais il ne s'agit que d'une homonymie ou tout au plus d'un loin- tain cousinage. 1. Cf. Alexandre Beljame, « La Prononciation du nom de Jean Law, le financier ». Étude parue dans les Études romanes dédiées à Gaston Paris par ses élèves le 21 décembre 1890, publiée en tirage à part chez Émile Bouillon à Paris en 1891. 2. Cet argument n'est pas entièrement convaincant, car le w se trouve au milieu des mots dans Berwick et Newton, alors qu'il se trouve à la fin dans Law. 3. « Laws équivaut donc à Lawson, et tous deux veulent dire : fils de Law. C'est une forme où le génitif indique la filiation, ainsi que dans les noms de famille français Dejean, Depaul, Depierre, etc. Le nom de Law a eu de même deux formes Law et Laws. Cette dernière adoptée par son entourage en Angleterre... a été sans doute acceptée par lui, ce qui explique que dans les premiers documents où il est men- tionné, il figure avec l'orthographe Lass, Lasse ou Las » (A. Beljame). 4. La prononciation anglaise étant Lôw. 5. En fait intermédiaire entre Las et Laze, l's écossais flottant entre ç et z (A. Bel- jame). 6. James Law fut archevêque de Glasgow de 1615 à 1632. Arthur Johnston lui adresse les vers suivants : « Est corna, Lae! tibi cygnaris aemula plenius Pectora sunt multo candidiora cornis. » Citée dans la première édition de J. P. Wood, Sketch of the life andprojects of John L'ennemi de l'or est né dans la maison de l'orfèvre 5 Selon les recherches minutieuses de John Fairley, publiées en 1924 dans sa monographie consacrée à Lauriston Castle, le bisaïeul de John Law est bien un homme d'Église, mais simple ministre de la paroisse de Neilston, Andrew Law1. Le fils d'Andrew, John, devenu l'adjoint, puis le successeur de son père, fut par la suite privé de son poste pour « inefficience », ce qui était la procédure habituellement appliquée aux ecclésias- tiques qui avaient choisi la carte non gagnante dans le conflit de ]' «engagement» (1649)2. Réduit à vivre d'un maigre subside, alloué par le Parlement, il décida de diriger ses fils John et William vers une carrière moins ingrate, et tous deux entrèrent en appren- tissage chez un orfèvre d'Edimbourg, puis s'établirent à leur compte. William, le puîné, épousa, en premières noces, Violette Cleghorne, fille d'un orfèvre, et s'installa lui-même, en 1662, en louant pour 40 livres une boutique située dans l'enclos du Parle- ment, dans la rangée qui longeait le côté sud de Saint-Gilles; Vio- lette mourut peu après en donnant naissance à leur fille aînée, Isabelle. William se remaria avec Jane Campbell, issue d'une famille de bourgeois, marchands et quelque peu aristocrates, ornée également d'ecclésiastiques, apparemment plus cossue que la famille Law. Pour faire bonne mesure, J. P. Wood et un certain Law of Lauriston, cette mention n'est pas reprise, on ne sait pourquoi, dans l'édi- tion de 1824. Ce prélat a surtout marqué sa trace dans la chronique pour avoir, alors qu'il n'était encore que simple ministre, joué au football le jour du Seigneur, et encouru, de ce chef, une réprimande de son synode. Cependant, selon Fairley, la réalité de ce méfait n'est pas établie. Le biographe J. P. Wood était un gentil sourd-muet qui s'était consacré à l'his- toire du comté de Cramond. Les études qu'il a consacrées à John Law, d'abord en 1791, puis dans une édition plus étoffée en 1824, font preuve d'une grande conscience mais d'une absence totale d'esprit critique. En ce qui concerne l'arche- vêque, il tenait son information de Walter Scott senior, père de l'illustre historien, qui était lui-même l'agent d'affaires du maréchal de camp Law de Lauriston. 1. L'hypothèse d'une parenté entre les deux branches nous paraît peu compa- tible avec le ton impersonnel employé par l'archevêque dans une lettre de service concernant le ministre (John Fairley, John Lauriston Castle, the estate and its owner, éd. Edinburgh and London, p. 63). 2. Charles Ier avait passé avec les « Covenanters » (presbytériens) un pacte appelé « engagement », qui avait été répudié par les extrémistes, mais auquel un certain nombre de ministres, dont John Law de Neilston, se rallièrent. A la suite du triomphe de Cromwell et de l'exécution de Charles Ier, les partisans de l'intran- sigeance triomphèrent et firent priver, par une loi, du droit d'occuper une charge quelconque, qu'elle fût laïque ou ecclésiastique, leurs adversaires. « C'est ainsi que le révérend John Law se vit retirer ses bénéfices pour cause d'incapacité » (M. Hyde, John Law, un honnête aventurier, p. 15). 6 L'homme et la doctrine nombre de biographes ajoutent que les Campbell formaient l'une des branches de la maison ducale d'Argyll, mais rien ne confirme cette filiation. Nous savons simplement que le duc d'Argyll fut mentionné dans les comptes de William Law, l'orfèvre1. William Law eut douze enfants, dont onze de sa seconde femme Jane Camp- bell; John était le cinquième et resta l'aîné des garçons; quatre moururent en bas âge . « Les orfèvres d'Edimbourg, lisons-nous dans un ouvrage consa- cré aux traditions de cette ville, étaient considérés comme une classe supérieure de commerçants; ils apparaissaient dans les cérémonies publiques avec des bicornes, des manteaux écarlates et des cannes à pommeau d'or3. » Parmi ces notables, William Law s'était hissé au premier rang. Ses affaires étaient prospères, il avait pris en 1670 un second magasin et payait double loyer. Il faisait autorité dans sa corpo- ration et fut désigné comme doyen pour les années 75-77. En 1674, lorsqu'une commission uploads/Geographie/ faure-law-1977.pdf
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- Publié le Mai 01, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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