Centre d’analyse stratégique Réseau interministériel de Veille et de Prospectiv

Centre d’analyse stratégique Réseau interministériel de Veille et de Prospective Centre d’analyse stratégique 18, rue de Martignac - 75007 Paris Tél. 01 42 75 60 00 strategie@strategie.gouv.fr www.strategie.gouv.fr Les défis aménagistes et territoriaux : cLé de La croissance future de La chine Fiche thématique n° 2 Et si l’aménagement du territoire était une clé d’entrée pertinente pour mieux comprendre le grand pays que redevient la Chine complémentairement aux approches macroéconomiques ou géostratégiques plus couramment utili- sées ? Exemple emblématique, le rééquilibrage régional est considéré comme une pièce maîtresse du changement de modèle de croissance de la Chine dont la priorité s’oriente vers un développement qui doit désormais profiter aux régions intérieures du pays et pas seulement aux zones écono- miques spéciales et villes côtières. Après avoir présenté le contexte territorial chinois, cette fiche, rédigée à par- tir de l’étude “Politiques et pratiques d’aménagement du territoire en Chine” confiée par la DATAR à l’AEIDL et publiée en 2011 (auteur : Frédéric Langer) procède à deux éclairages, le premier sur les rapports politico-administratifs centre-provinces, le second, sur la nature et les usages de l’instrument amé- nagiste en Chine. Le thème est illustré par des exemples considérés comme autant de pratiques significatives : les enjeux attenants au système d’inno- vation chinois et à une stratégie d’adaptation permanente basée sur l’expé- rimentation territoriale. RÉSUMÉ SOMMAIRE g Faits La Chine souffre d’un déséquilibre structurel de développement Est/Ouest. Malgré les espoirs initiaux de diffusion du développement et les nombreuses initiatives politiques lancées par le gouvernement central, les inégalités inter- province se sont creusées. Le modèle de croissance chinois est déséquilibré. g Perspectives La réflexion aménagiste chinoise est aujourd’hui commandée par un impératif à caractère stratégique, celui de constituer un marché intérieur puissant. g Orientation Une des priorités du XIIe Plan (2011-2015) est de rééquilibrer le modèle de croissance national en mettant fortement l’accent sur les problématiques liées à l’urbanisation et la cohésion sociale. La mise en avant de la technologie et de l’innovation est aussi importante via la multiplication de dispositifs de type parcs industriels et technologiques mais aussi avec la pratique de l’expérimentation des provinces. 1 g cOntExtE tERRItORIAl chInOIS La Chine de ce début de XXe siècle est le théâtre de mutations démographiques et socio-économiques majeures. Elles concernent en tout premier lieu le volume atteint par les migrations internes (170 millions de travailleurs migrants, contre 2 millions il y a 30 ans) qui entraîne un important brassage territorial. Celui-ci est étroitement corrélé avec la variation du niveau d’urbanisation du pays. Le passage du seuil symbolique de 50 % d’urbains dans une société à forte tradition rurale représente ainsi un changement de paradigme. En 2025, les urbains devraient être 800 millions contre un peu plus de 600 millions aujourd’hui. Par ailleurs, le vieillissement accéléré de la population (dès 2012, le rapport entre actifs et inactifs devrait s’inverser) comme la constitution d’une classe moyenne de masse (le niveau de vie moyen des habitants des villes progresse à un rythme sou- tenu de 10 % par an) font évoluer de manière sensible les déterminants de la com- pétitivité internationale et les besoins nationaux de biens et de services à satisfaire. La traduction territoriale de cette situation est un déséquilibre structurel de dévelop- pement Est/Ouest, avec 86 % des IDE et plus de 60 % du PNB concentrés sur les pro- vinces de l’Est dont le Guangdong, Shanghai, le Fujian, le Jiangsu, le Zhejiang, le Shandong et la zone de Pékin et Tianjin. Malgré les espoirs initiaux de diffusion du développement et les nombreuses initiatives politiques lancées par le gouvernement central dont la politique du “Go West” de 1999 déclinée dans l’ensemble des plans quinquennaux qui ont suivi, les inégalités inter-provinces se sont creusées. Cette concentration territoriale est à mettre en relation avec la spécialisation indus- trielle de la Chine dans des secteurs à vocation exportatrice pour certains fortement dépendants de capitaux étrangers (80 % des exportations de haute technologie en 2007-2008). Le Comité central du Parti communiste chinois (CCPCC) avait déjà considéré en 2006, le caractère “déséquilibré et insoutenable” du modèle de croissance chinois. La crise bancaire et financière de 2008 l’a confirmé, incitant puissamment les auto- rités à tenter de sortir de ce modèle de croissance exogène tributaire de la globali- sation, en activant notamment des leviers d’aménagement du territoire. 2 g jEU d’ActEURS Et EnjEU dE cOhÉSIOn La Chine est un état unitaire centralisé. Elle est même le dernier grand pays du monde à ne pas avoir institué de régime fédéral. Pourtant, le dynamisme local tend fréquemment à contrebalancer voire déborder la vision centrale. La compréhension de ce jeu complexe oblige à disposer d’une clé de lecture territoriale. La dialectique Centre/Provinces apparaît par exemple de manière emblématique dans la vision économique promue par les Cantonais à travers la Pan Pearl River Delta Organization, association du delta de la région la plus développée de Chine continentale qui regroupe des territoires du Sud, selon un découpage Nord/Sud contraire à la division Est/Ouest mise en avant depuis Mao Zedong et sans disconti- nuité par les autorités. Ce cas illustre une tradition administrative qui laisse de facto, au sein d’un système pyramidal structuré par le Parti communiste, une grande autonomie au niveau local sans vision partagée de l’équilibre territorial global. Le passage du seuil symbolique de 50 % d’urbains dans une société à forte tradition rurale représente ainsi un changement de paradigme. fiche thématique n° 2 2 La Chine est un état unitaire centralisé. Pourtant, le dynamisme local tend fréquemment à contrebalancer voire déborder la vision centrale. La compréhension de ce jeu complexe oblige à disposer d’une clé de lecture territoriale. 3 fiche thématique n° 2 La capacité d’intervention locale s’exprime dans un autre registre sur le plan écono- mique. Aujourd’hui, 77 % des dépenses publiques sont assurées par les collectivités, ce qui est sans commune mesure par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE (entre 30 % et 40 %). Le paradoxe est que l’État perçoit 50 % des recettes d’impo- sition, ce qui induit un déséquilibre budgétaire important et des autorités locales sous-financées (d’où le recours à ce que l’on appelle le « pillage des terres », qui consiste à reclasser des terres rurales en terres urbaines puis à les revendre ensuite à des opérateurs immobiliers ; ce système, qui est la principale source de finance- ment des budgets locaux connaît aujourd’hui ses limites dans une situation de fort endettement des collectivités chinoises). Les rapports entre autorités centrales et locales sont donc des relations étroites d’in- terdépendance. La cohésion sociale entre les territoires et le pays dans son unité est un enjeu central pour la Chine. C’est lui qui conditionne au premier chef le dévelop- pement économique du pays. 3 g qUEl AMÉnAgEMEnt dU tERRItOIRE En chInE ? L’“aménagement du territoire” chinois s’est longtemps confondu avec des pratiques planificatrices ou de type zoning, depuis les années Mao Zedong où était mise en œuvre une politique spatiale de répartition des industries entre provinces marquée par des considérations stratégiques, voire militaires, ou à partir de 1978 avec l’ins- tauration des zones économiques spéciales (ZES) pour accueillir avec le succès que l’on sait, les investissements directs étrangers (IDE). L’idée d’une action correctrice à la française ou l’utilisation d’instruments formels susceptibles d’avantager une région plutôt qu’une autre de manière consensuelle, sont étrangers à la tradition chinoise où l’espace est nécessairement hétérogène et rendu solidaire par la cohésion sociale autour du pouvoir central. On ne relève pas non plus de pratique très efficace de coordination de politiques sectorielles au niveau territorial. Du point de vue financier, les dépenses publiques de l’Etat en 2007 (consommation des administrations) représentaient l’équivalent de 488 milliards de $ soit 367 $ par habitant, contre respectivement 642 milliards et 10 405 $ par habitant en France. La Chine ne s’est donc pas donné les moyens budgétaires de mener une politique régio- nale fondée sur les transferts. Le lieu de réflexion gouvernementale sur la politique régionale est le Centre de recherche sur le développement du Conseil des affaires d’État. L’autre instance qui assure la formulation des politiques régionales est la NDRC (National Development and Reform Commission) chargée de concevoir et d’exécuter le plan quinquennal. La réflexion aménagiste chinoise est aujourd’hui commandée par un impératif à caractère stratégique, celui de constituer un marché intérieur puissant. Déjà, le gou- vernement central chinois avait fait de la croissance des régions de l’ouest une des priorités du Xe Plan (2000-2005). Cet objectif est repris et amplifié dans plusieurs lignes directrices du XIIe Plan (2011-2015) qui visent à opérer le rééquilibrage du modèle de croissance national en mettant fortement l’accent sur les problématiques liées à l’urbanisation et sur l’enjeu de cohésion sociale à travers notamment la réduc- tion des disparités villes-campagnes. Le principal défi pour les grandes villes et de fait, la seule politique métropolitaine officielle aujourd’hui, concerne la gestion de l’exode rural. 4 fiche thématique n° 2 À ce titre, il est essentiel d’observer comment la métropolisation chinoise réorganise le territoire, ne serait-ce que parce que la performance économique du pays est uploads/Geographie/ fiche-rivp-2-datar-chine-1.pdf

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