1 Les subventions à l’énergie dans le monde : Leur ampleur, leur efficacité et
1 Les subventions à l’énergie dans le monde : Leur ampleur, leur efficacité et leur nécessaire recentrage Dominique FINON Directeur de Recherche CNRS, CIRED Rapport au Conseil Français de l’Energie présenté au Conseil Scientifique du CFE le 19 octobre 20101 1 Je remercie de façon appuyée les membres du Conseil Scientifique du CFE pour leurs remarques orales et de façon plus particulière ceux qui ont fait des commentaires écrits sur ce rapport. 2 Octobre 2010 3 Résumé exécutif 1. Les subventions à l’énergie sont un des instruments utilisés par les gouvernements pour atteindre des objectifs politiques, sociaux et environnementaux : indépendance énergétique, politique industrielle, équité sociale, protection de l’environnement et du climat. Les gouvernements peuvent subventionner ou soutenir la production ou la consommation de telle ou telle énergie par des transferts directs depuis le budget de l’Etat, ou en assumant une partie des risques, par des instruments fiscaux (allègement fiscal, fiscalité différenciée, tarifs d’importation, etc.), par des instruments règlementaires (contrôle des prix à la consommation, quotas d’importations, obligation d’achat d’ENR ou d’efficacité énergétique, etc.). Les subventions à la consommation sont particulièrement utilisées dans les pays en développement pour corriger les effets de la pauvreté et promouvoir le développement économique et social en permettant l’accès à l’énergie à des prix abordables. 2. Les subventions à la production et à la consommation de combustibles fossiles font l’objet de nombreuses critiques en relation avec l’impact de ces consommations sur les émissions de carbone. Les subventions à la consommation sont aussi critiquées parce qu’elles distordent l’équilibre offre demande et le signal-prix ; elles entraînent une perte de surplus économique que doit compenser le bénéfice social recherché par chaque subvention alors que celui-ci est réduit par le coût environnemental de la surconsommation qu’elle entraîne. Elles sont donc actuellement critiquées pour leur contradiction en opposition avec les objectifs climatiques qui font de leur suppression un de leurs axes essentiels, comme le prouve son inscription dans l’agenda du G20 en 2009. 3. Il n’existe pas d’évaluation systématique effectuée sur des bases homogènes au plan régional ou international. Toutefois, à partir des informations des gouvernements sur leurs subventions budgétaires directes et d’estimations occasionnelles par la méthode du price gap par les organismes internationaux, notamment l’International Energy Agency (IEA), on peut avoir une idée du montant de ces subventions, même si cette méthode présente des limites. Le price gap mesure seulement l’effet net des diverses mesures de soutien sur le prix payé par les consommateurs par rapport à ce qu’ils auraient payé sur un marché sans entraves et sans intervention publique (par exemple le prix de référence est le prix international pour les énergies faisant l’objet d’échanges internationaux). 4. Le profil des subventions diffère selon les groupes de pays. Après une décroissance forte dans les années 90, puis une stabilisation jusqu’en 2005, les subventions à l’énergie ont connu de nouveau une croissance forte depuis 2005 du fait de la hausse très importante des prix internationaux du pétrole et du choix de nombreux gouvernements de pays du sud de protéger les consommateurs de carburants et de produits pétroliers. En se référant aux évaluations de l’IEA sur les 20 pays non OCDE subventionnant au-delà du milliard de $, les subventions dans les pays du Sud qui sont focalisées sur les combustibles fossiles à plus de 90% sont passées de 220 milliards en 2005 à 310 milliards en 2007, l’année de référence des évaluations dans notre rapport2. Cette même année 2007, celles des pays OCDE peuvent être estimées par recoupement à 100 milliards de $ environ, dont 80 milliards du côté de l’offre (dont seulement 3 milliards de $ aux productions charbonnières en Europe, mais une soixantaine de milliards allouées aux énergies peu carbonées et les biocarburants). Les pays pétroliers sont ceux qui subventionnent le plus : l’Iran avec 55 milliards de $ en 2007, l’Arabie saoudite avec 26 milliards, le Vénézuela et l’Indonésie et l’Egypte avec 14 à 17 milliards. Les subventions dans les deux géants démographiques la Chine et l’Inde sont à des niveaux respectifs de 25 et 20 milliards de $. Parmi les économies en transition, la Russie avec 55 milliards de $, l’Ukraine 2 Dans ces mêmes pays elles sont passées à 450 milliards de $ en 2008 pour retomber à 310 milliards en 2009. 4 avec 13 milliards subventionnent encore massivement le gaz naturel et l’électricité, mais pas les produits pétroliers. Mais il faut noter que tous les avis ne convergent pas sur ce que serait une subvention. Les pays producteurs de pétrole considèrent que le fait de pratiquer des prix internes inférieurs aux prix internationaux ne constitue pas en soi une subvention. Encore faut-il que les prix internes soient supérieurs au coût marginal de long terme ou au moins au coût moyen, ce qui n’est pas le cas du Vénézuela (2c$/l d’essence) et de l’Iran (10 c$/l). 5. Il est intéressant de souligner l’importance des subventions aux combustibles fossiles (350 milliards, dont 180 milliards de $ pour les produits pétroliers et 110 milliards pour le gaz naturel et 60 milliards pour le charbon) par rapport aux 40 milliards de $ de subventions aux énergies non fossiles. Celles-ci se répartissent entre 16 milliards de $ au nucléaire (dont 5 milliards en R&D), 10 milliards aux biocarburants, 10 milliards aux ENR électriques et 4 milliards à l’efficacité énergétique. Là aussi les avis ne convergent pas sur la façon de chiffrer les subventions de par leur nature. C’est le cas notamment de celles associées à la façon dont les Etats assument les risques d’accident majeur dans le pétrole et le nucléaire, les coûts du très long terme (gestion des déchets nucléaires) ainsi que les risques financiers par des garanties d’emprunt. Le Global Subsidies Initiative qui a alimenté la réflexion des organismes internationaux sur les subventions pour le rapport rendu au G20, chiffre à 57 milliards de $ les subventions au nucléaire, à opposer aux 16 milliards avancés dans le Rapport Stern. 6. Sur les subventions à la promotion des technologies bas carbone, les avis diffèrent aussi sur la nécessité d’avoir des subventions s’il y a un prix du carbone prévisible, stable et à un niveau suffisant de 50 €/tCO2. Il y a aussi des divergences sur l’efficacité des formes de subventions aux ENR (marché de certificats verts versus obligation d’achat à des tarifs garantis sur 15 ans) et leur adéquation à la maturité commerciale des technologies (exemple des excès des tarifs photovoltaïques pour une technologie loin de la maturité économique). 7. La suppression des subventions aux combustibles fossiles est donc à l’ordre du jour des politiques climatiques ainsi que dans l’agenda du FMI et de la Banque Mondiale. Les critiques portent sur leur inefficacité productive (désincitation des firmes énergétiques dont elles provoquent le déficit et le sous-investissement), leur inefficacité allocative (surconsommation de carburants) et leur inefficacité environnementale. Les plus convaincantes soulignent le fait que ces subventions sont mal ciblées. Elles sont indiscriminées entre les groupes sociaux (comme les subventions au kérosène et au GPL) ou mal dimensionnées comme les tarifs sociaux (lifeline rate) qui s’étendent sur des quantités excessives et permettent aux groupes « non-pauvres » et de revenus moyens d’en bénéficier, ou encore détournées de leur objet. 8. L’effet de la suppression radicale des subventions aux combustibles fossiles sur la réduction des émissions mondiales a été chiffré par le modèle de l’AIE à 4-5% environ en dix ans et à 10-12% en 2050. L’effet d’une suppression multilatérale sur l’activité économique mondiale a été évalué par des modèles d’équilibre général dont ENV-link, celui de l’OCDE. Il n’y a pas de changement significatif de la croissance mondiale d’ici 2050, mais des effets différenciés entre pays. Les termes de l’échange et la productivité des facteurs de certains pays étant améliorés par la disparition des subventions dans d’autres pays, certains connaissent une croissance plus importante, comme certains pays de l’OCDE importateurs ainsi que l’Inde (+2,6%) et la Chine (+0,6%). Certains émettront donc plus du fait du réajustement du commerce international. Mais les tests de politiques de suppression unilatérale sur des modèles nationaux montrent des effets de moindre croissance et d’appauvrissement des groupes sociaux les plus démunis. 9. La suppression des subventions ne peut pas se faire au détriment des objectifs politiquement légitimes poursuivis initialement dans les pays en développement, à savoir les objectifs redistributifs et de lutte contre la pauvreté. Etant donné que chaque Etat est souverain pour 5 conduire le développement économique et social de son pays, les subventions sont fondamentalement spécifiques à un pays. Leur redéfinition qui signifie un changement du compromis social doit être expliquée, acceptée et les réels perdants doivent être expliqués. 10. Des voies innovantes commencent à être mises en œuvre à grande échelle en suivant l’exemple des meilleures pratiques. Des formules d’ajustement des prix des produits pétroliers qui évitent de rendre les budgets publics trop exposés au changement incessant de prix volatiles du pétrole. Le remplacement des subventions au GPL et au kérosène par des paiements compensatoires pour les groupes les plus pauvres sur des périodes plus ou moins longues s’avèrent moins coûteux et plus efficace uploads/Geographie/ finon-rapport-cfe-subventions-energie-monde.pdf
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- Publié le Mar 05, 2022
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