MICHEL ONFRAY FREUD, UNE CHRONOLOGIE SANS LÉGENDE BERNARD GRASSET PARIS Exempla

MICHEL ONFRAY FREUD, UNE CHRONOLOGIE SANS LÉGENDE BERNARD GRASSET PARIS Exemplaire hors-commerce Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. ©þÉditions Grasset & Fasquelle, 2010. «þLes patients, c’est de la racaille.þ» Sigmund Freud, rapporté par Sandor Ferenczi dans son Journal Clinique. 7 Le Crépuscule d’une idole n’était pas encore paru que, déjà, des commentaires de ce texte de 624þpages l’attaquaient avec des arguments qui salis- sent leurs utilisateursþ: j’aurais réactivé les thèses de l’extrême droite, manifesté une complaisance pour le fascisme, avoué de l’antisémitisme – en soulevant jus- tement le goût qu’avait Freud pour les fascismes et l’antisémitismeþ; on a rapproché certains de mes traits de caractère avec Hitlerþ; on a prétendu que je soute- nais des thèses que je ne défends nulle partþ; on a dénoncé une foule d’erreurs introuvablesþ; on a atta- qué ma vie privée, sali la mémoire de mon père, insulté ma mère, stigmatisé mon enfance, méprisé mon origine provincialeþ; on a insinué sur ma sexua- litéþ; on a utilisé l’insulte, la grossièreté, le méprisþ; on a menacéþ; on est même intervenu auprès du Conseil régional de Basse-Normandie qui finance l’Université Populaire afin que les subventions ne soient plus ver- séesþ; etc. Comment, dès lors, un débat pouvait-il être possible avec quiconque criminalise ma personne, mon travail, ma pensée sans aucun souci de ce qui aura été écrit. Ce gros livre d’un million de signes exige au mini- mum l’effort d’une quinzaine d’heures de lectures si l’on veut disposer d’un avis digne de ce nom. A défaut, que signifie juger un travail qu’on n’a pas luþ? Sinon avouer qu’on est plus motivé par le bruit médiatique que par la lecture, plus conduit par les passions tristes que guidé par le goût des idées… Par ailleurs, l’immense succès que rencontre ce livre auprès d’un très large public n’est pas non plus pour peu dans les avis proférés à son sujet… Mon éditeur m’offre la possibilité, à destination de ceux qui veulent séparer rapidement le bon grain du travail de l’ivraie médiatique, de présenter de manière concise les thèses de ce livre sous forme chronologique afin qu’on puisse peut-être débattre du fond. A défaut, telles élites qui déplorent la disparition du débat d’idées et l’empêchent quand il se présente en traînant dans la boue quiconque propose une pensée libre, perdront un peu plus de leur crédit qui est déjà tellement émoussé… 1erþmai 2010 La vérité biographique est inaccessible. Si on y avait accès, on ne pourrait pas en faire état. FREUD, Lettre à Martha Bernays, 18þmai 1936. 11 La huitième merveille du monde 1856 (6þmai)þ: naissance à Freiberg (Moravie) de Sigismund Freud de Jakob Freud, âgé de quarante et un ans et d’Amalia. Le père a vingt ans de plus que sa femme, il s’agit de son troi- sième mariage. Le père de Freud a déjà deux enfants dont l’aîné est déjà père d’un garçon qui a un an de plus que Freud – son oncle… Circoncision le 13. Freud écrira dans L’Interprétation du rêve que, parce qu’il était né avec des cheveux abondants et noirs, une «þvieille paysanne avait prophétisé à la mère heureuse de son premier-né qu’elle avait fait cadeau au monde d’un grand hommeþ». Puis, plus loinþ: «þMon désir de grandeur proviendrait-il de cette sourceþ?þ» (IV,þ229)1. 1. Le chiffre romain renvoie au tome de l’édition des Œuvres complètes de Freud aux Presses universitaires de France, le chiffre arabe, à la page concernée. Lorsqu’il n’y a que le chiffre arabe, il renvoie à la page de l’ouvrage non encore retraduit dans cette même édition. 12 1857þ: Naissance de son frère Julius accueillie par lui avec «þde méchants souhaitsþ» de mort (3þoctobre 1897, lettre à Fliess). 1858 (15þavril)þ: mort de Julius. La même annéeþ: naissance d’une petite sœur prénommée Anna. Amalia était donc enceinte lorsqu’elle a enterré son deuxième fils. Vers 1867-1868, dans un café du Prater (Vienne), avec ses parents, Freud s’entend confir- mer par un poète ambulant diseur de bonne aventure qu’il pourrait bien être un jour un grand homme… Dans L’Interprétation du rêve, il rapporte l’effet considérable que lui fit «þcette seconde prophétieþ» (IV.þ230) confirmant celle de la vieille paysanne. Fils vraiment préféré de sa mère, Freud dis- pose d’une pièce pour lui seul dans un apparte- ment doté de trois chambres à coucher et d’un bureau. Les enfants et les deux parents se parta- gent l’espace restant. La mère interdit les leçons de piano de sa fille, car Freud est gêné par le bruit. Cette préférence de cette mère pour ce fils devient théorie universelle en 1917 dans Un souvenir d’enfance de «þPoésie et véritéþ»þ: «þQuand on a été le favori incontesté de la mère, on 13 garde pour la vie ce sentiment d’être un conqué- rant, cette assurance du succès, qui manque rarement d’entraîner effectivement le succès après soiþ» (XV.þ71). 1872 (4þseptembre)þ: dans une lettre à son ami Silbertsein, Freud, alors âgé de seize ans, confesse son amour platonique pour une jeune fille de treize ans en expliquant que s’il est amoureux de la mère de la jeune fille, c’est qu’elle a l’âge d’être la sienne. Cette expérience personnelle, subjective, devient en 1912 vérité universelle dans Totem et tabouþ: la «þbelle-mère constitue de fait pour le gendre une tentation d’inceste, comme, par ailleurs, il arrive assez souvent qu’un homme tombe manifestement d’abord amoureux de sa future belle-mère, avant que son inclination ne se porte sur la fille de celle-ciþ» (XI.þ217). 1873þ: Freud commence ses études de méde- cine. Il va mettre huit années pour obtenir son diplôme, soit trois de plus qu’en temps normal. Abandonne son prénom, Sigismund, pour celui de Sigmund. 14 La muflerie du fiancé 1882 (avril)þ: rencontre Martha Bernays qui va devenir sa femme. Fiançailles le 27þjuin. Freud vit alors d’emprunts, n’a pas de travail et vient de terminer péniblement ses études de méde- cine l’année précédente. Il cherche n’importe quel moyen pour gagner de l’argent afin d’assu- rer un avenir matériel bourgeois à son couple. Etudiant à la Salpêtrière chez Charcot, séparé d’elle pendant trois années, Freud lui écrira plus de mille lettres. Dans l’une d’entre elle il écrit (2þaoût 1882)þ: «þJe sais bien que tu n’es pas belle dans le sens où l’entendent peintres et sculpteurs. Si tu tiens à ce que je donne aux mots leur sens strict, je me vois obligé de confes- ser que tu n’es pas une beauté.þ» Dans d’autres, il écrit qu’il utilise de la cocaïne et qu’elle donne d’excellents résultats, y compris sur le terrain sexuel (2þjuin 1884), ou bien encore qu’il pour- rait, s’il le voulait, séduire la fille de Charcot pour accélérer sa promotion… Ce qui ne l’empêche pas de manifester une jalousie mala- dive à l’endroit de sa promise à qui il interdit toute familiarité avec les hommes, y compris son cousin… Confesse le 22þaoût 1883þ: «þJ’ai certai- nement une tendance à la tyrannie.þ» Pendant ce temps, Freud écrit «þdes lettres intimes et 15 affectueusesþ» (Peter Gay, Freud. Une vie, p.þ90), ailleurs autrement nommées («þquelques lettres passionnéesþ») (846), à sa belle-sœur Minna… La première affabulation Anna O.þest officiellement guérie par le tan- dem Breuer-Freud. En fait, elle sera régulière- ment ré-hospitalisée jusqu’en 1887. En 1888, Freud écrit dans Hystérie qu’AnnaþO. est guérie, alors que tel n’est pas le cas, puisqu’il le confie dans une lettre à sa fiancée le 5þaoût 1883þ: «þ[Breuer] dit qu’elle ne se remettra jamais, qu’elle est complètement détruite.þ» Freud écrira toute sa vie qu’Anna O.þa été soignée avec succès sachant pertinemment qu’il n’en était rien. On pourra lire ce mensonge quatre fois réitéréþ: en 1916-1917 dans Leçons d’introduc- tion à la psychanalyse (XIV.þ265), en 1924 dans Autoprésentation (XVII.þ68), en 1925-1926 dans Psycho analyse (XVII.þ289), et en 1932 dans Ma rencontre avec Josef Popper-Lynkeus (XIX.þ280)… Cette année-là, dans des lettres à sa fiancée, Freud avoue de manière lancinante qu’il veut être riche et célèbre. 16 Médecin en second, Freud commet une erreur de diagnostic en présence de médecins américains venus dans son service et transforme une névrose en méningite (XVII.þ60). Décide de partir chez Jean-Martin Charcot à Paris pour suivre ses cours à la Salpêtrière. Rapporte dans L’Interprétation du rêve (IV.þ147) une erreur de prescription médicamenteuse ayant entraîné la mort d’une jeune fille. Même genre d’aveu dans Psychopathologie de la vie quotidienne où l’erreur de diagnostic concerne une jeune fille de quatorze ansþ: Freud a pris une tumeur pour une hystérie (156-157), elle est morte elle aussi. Le cocaïnomane dépressif Freud a lu des articles dans des revues confi- dentielles qui présentent la cocaïne comme une panacée. Il s’en procure et commence à en consommer. Dix ans plus tard, le 12þjuin 1895, il écrit à Fliessþ: «þJ’ai besoin de beaucoup de cocaïne.þ» S’en sert pour se donner du courage dans les soirées mondaines où il est invité chez Charcot. Ecrit de Paris à sa fiancée restée à Vienne que cette substance est euphorique, y 17 compris sur le terrain sexuel. Sort dans des bor- dels. Ses arythmies cardiaques, sa libido défail- lante, ses paniques récurrentes, ses problèmes de cloison nasale, ses uploads/Geographie/ freud-une-chronologie-sans-legende-onfray.pdf

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