L'Utopie, une Histoire ! Ana Maria Triano source : http://www.archivue.net/lect
L'Utopie, une Histoire ! Ana Maria Triano source : http://www.archivue.net/lectures/textes/utopiehist 2 Sommaire: * Introduction. * L'Antiquité. * Le Moyen-Age. * La Renaissance: L'Age d'Or. * La redécouverte de Platon * More, Campanella, Bacon. * Circonstances Historiques ? * Les grands traits communs aux Utopies: * Le rapport à l’ordre naturel * Le temps de l’utopie * La structure de la cité idéale * L’organisation sociale * Les Utopies Modernes: * Le XVII° Siècle * Le XVIII° Siècle * Les XIX° et XX° Siècles * Notes INTRODUCTION La notion d’utopie est à ce point problématique qu’un consensus n’existe guère que sur son acception négative. Elle apparaît dans un premier temps comme une Chimère, une bagatelle littéraire, c’est un terme très général qui ne recoupe pas de concept univoque : " d’un côté il désigne, en un sens négatif, toute forme d’irréalisme, de l’autre on l’applique de façon large non seulement aux Républiques idéales ou imaginaires, mais on lui associe aussi le mythe de l’âge d’or, les Pays de cocagne, les Arcadies, la tradition littéraire des voyages réels et imaginaires ".1 Dans un second temps, cette notion a été traitée sur un pied d’égalité avec des systèmes politiques anciens et modernes ayant réellement existés. Ainsi, le juriste italien Francesco Sansovino la place sur le même plan que des gouvernements réels dans son œuvre Del governo, del regni et delle republiche cosi antiche come moderne de 1557. Mais l’Utopie est en première instance un terme inventé par un humaniste anglais du XVIe siècle, Thomas More, pour figurer dans le titre d’un petit libelle sur la meilleure des républiques qui aurait son siège sur l’île d’Utopia. Le mot utopie est à la base le nom d’une île imaginaire ; curieux nom puisqu’il est formé à partir du privatif " u " et du substantif " topos ", lieu. L’utopie désignerait donc un lieu qui n’est dans aucun lieu. Il évoque " une présence absente, une réalité irréelle, un ailleurs nostalgique, une altérité sans identification ". C’est par excellence le lieu des paradoxes. Le privatif " a " par lequel commencent les noms de sa capitale Amaraute, de son fleuve Anhydris, de son souverain Ademus, de ses habitants les Alaopolites ou des voisins de ceux-ci les Achoréens, suggère une non-existence. Il s’agirait d’une capitale qui n’existe pas, d’un fleuve sans eau, d’un souverain sans pouvoir, de citoyens sans cité et finalement de voisins sans terre, tous vivant sur une île fantôme. Ce tour de passe-passe linguistique nous semble assimilable à l’invention d’une espèce de miroir qui serait constitué par une sorte de monde à l’envers dont les valeurs nous permettraient, grâce à l’effet de distanciation ainsi créé, d’analyser, d’approuver ou de dénoncer les certitudes de notre propre monde. En approfondissant un peu, on remarque que ce " collage " linguistique reflète une forme de rationalité ambiguë dans la mesure où More tend à nier l’existence de ce qu’il affirmait, à inscrire la négation dans le " concept " de l’utopie. Celle-ci conquiert son statut d’anti-concept en s’appliquant négativement à l’être. Chez More, le modèle d’organisation d’Utopia est l’exact pendant des tares de l’Europe. Toutefois, le terme même contient la négation de ce qu’il affirme : le contre modèle n’a donc son lieu nulle part; il s’affranchit radicalement des références dont il est en apparence l’envers. C’est là, semble-t-il le ressort essentiel de la rationalité utopique. Tout en se constituant en anti-concept, donc encore en concept, elle constitue autre chose, elle s’inscrit dans une dialectique : " L’Utopie, c’est l’espérance réalisée, l’union de l’espérance et du savoir, l’union des antinomies, la résolution des contraires, la solution de la contradiction entre la sensibilité et la raison, la morale et le bonheur, l’individu et la communauté, etc... bref la réconciliation de tous les contraires et par là même leur dépassement ". 2 Mais L’Utopie est aussi un texte publié à Louvain en Novembre 1516 qui allait rencontrer très vite une audience exceptionnelle auprès des couches instruites de la société européenne et devenir le précurseur non seulement d’un genre littéraire mais également de toute une littérature sociale. À partir de Thomas More et durant trois siècles (XVIe- XIXe), le phénomène atteint en Occident son paroxysme. Ainsi, peu à peu le nom toponymique se transforme en nom commun, se généralise jusqu’à devenir une catégorie générique, un type de littérature et de pensée que l’on va repérer dès l’Antiquité jusqu’à prendre au XVIIIe siècle le sens de " plan de gouvernement imaginaire " souvent en référence à 3 Platon. C’est a posteriori qu’on a appliqué le terme d’utopie à des œuvres anciennes. En effet, ce dernier bien que formé d’une racine et d’un préfixe grecs n’est pas attesté en tant que tel dans la littérature grecque. More, esprit de la Renaissance prend implicitement Platon pour modèle en utilisant la forme du dialogue, des mots formés à partir du grec et en proposant globalement une organisation anti-féodale qui rappelle celle de la Polis. Mais pourquoi attribuer a posteriori la qualification d’utopie à des œuvres appartenant au passé ? Peut-on y desceller une unité d’esprit ? Quel rapport peut-on établir entre des œuvres rédigées depuis l’Antiquité jusqu’à la création de ce terme au début du XVIe siècle ? Un bref récapitulatif des traces propres à l’ " utopie " dans les légendes et les mythes des sociétés gréco-latines puis de son développement jusqu’à la Renaissance nous permettront peut-être de capter ce qui a pu amener à rassembler toutes ces œuvres sous une même dénomination. L'ANTIQUITE Dans le chapitre VII de l’Odyssée, Homère fait pénétrer Ulysse dans les jardins d’Alkinoos, où les arbres fruitiers portent des fruits toute l’année. Hésiode parle d’une race d’or pour laquelle les soucis, les misères, la vieillesse sont des maux inconnus et dont tous les biens sont en commun. On trouve trace dans les écrits d’Homère, d’Hésiode et plus tard de Pindare d’une île des Bienheureux aux extrémités de la terre, île ou règne l’abondance, d’où la guerre est bannie. Diodore de Sicile, nous parle d’un certain Iamboulos qui aurait au cours de ses périples connus des Héliopolites ou habitants des îles du soleil. Un autre, Evhémère aurait abordé sur une île sacrée, au large de l’Inde, regorgeant des produits de la terre et habitée par les Panchaiens. Plutarque célèbre les îles fortunées au large de l’Afrique, l’île d’Ogyvie, à cinq journées de route de la Bretagne. Théopompe de Chio narre un continent inconnu et magnifique habité par des Méropiens. Un autre compilateur, Cédrenos, s’inspire des conquêtes d’Alexandre le Grand pour camper l’île des Méropiens, hommes à la longue vie. Les voyages d’Apollonios de Tyane, narrés par Philostrate, conduisent aux Indes ou en Egypte : on y trouve la vie miraculeuse des Brachmanes ou des Gymnophysistes. Strabon fait une compilation de ces voyages dans l’ailleurs enchanté. L’héritage utopiste passe ensuite à Rome. Ovide dans Les Métamorphoses, réédite l’utopie hésiodique de la race d’or, société sans contraintes, sans armes, vouée à l’économie de la cueillette et vivant dans un printemps éternel : " Alors coulaient des fleuves de lait, des fleuves de nectar, et le miel fauve, goutte-à-goutte sortait de l’yeuse verdoyante "3. Horace incite à quitter Rome, abandonnée des Dieux pour rejoindre les îles fortunées. Virgile enfin, dans la IVe Egloge, met en scène une incantation à un enfant qui bientôt sera l’initiateur d’un âge d’or. Toutes ces légendes ou mythes ont en commun de s’inscrire dans une pensée imaginaire qui exprime la nostalgie d’un passé heureux en des lieux où régnait l’abondance et qui sont désormais perdus suite à une sorte de chute de l’espèce humaine coupée de sa perfection originelle. Humanité à laquelle les Dieux semblent avoirs ôtés leur protection et qui s’efforce de récupérer la pureté première perdue. LE MOYEN-AGE Durant tout le Moyen Age, période où on lit intensément Aristote mais pendant laquelle d’autres écrits de l’Antiquité semblent oubliés, le champ de l’imagination utopique se trouve déplacé par le champ de l’imagination religieuse non sans laisser quelques traces cependant. Ainsi les populations millénarisantes pré augustiniennes 4 s’apparentent aux utopies de l’abondance, de la paix et des restitutions universelles à travers l’image du royaume de Dieu sur terre auquel elles aspirent. Le millénarisme au contraire de l’utopie se situe dans une visée prospective. Il regarde vers le futur et non vers le passé si ce n’est pour se souvenir d’un paradis perdu qu’il faut reconquérir. Il s’inspire de certains textes clés des Evangiles qui annoncent la destruction du monde actuel et son remplacement définitif après maintes tribulations par le royaume de Dieu à la fin des temps. L’Epître à Barnabé donne d’amples détails : le monde doit durer six mille ans qui correspondent aux six jours de la Création. Au début du septième millénaire (ou mois sabbatique) apparaîtra le fils de Dieu qui détruira les impies et qui après avoir combattu et vaincu l’Antéchrist (emblème du mal absolu) renouvellera le soleil, la lune et les étoiles, puis régnera mille ans au sein de la société humaine unifiée sous son égide. Ce sera l’avènement du Christ ou uploads/Geographie/ histoire-de-l-x27-utopie.pdf
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- Publié le Sep 25, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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