INITIATION A LA PHILOSOPHIE CARTESIENNE I- Le Chemin de la vie « Je serais bien
INITIATION A LA PHILOSOPHIE CARTESIENNE I- Le Chemin de la vie « Je serais bien aise de faire voir, en ce discours, quels sont les chemins que j'ai suivis, et d'y représenter ma vie comme en un tableau » Bibliographie : Œuvres de Descartes : l’édition de référence reste l’édition savante établie par Charles Adam et Paul Tannery chez Vrin il y a plus d’un siècle (1897-1913, 13 volumes, rééditée en 11 volumes). Une édition des Oeuvres complètes, bénéficiant des derniers enrichissements de la recherche, est actuellement en cours sous la direction de Denis Kambouchner et de Jean-Marie Beyssade chez Gallimard, dans la collection "Tel" ; elle comportera sept tomes, dont le tome III est pour le moment seul publié (2009, Discours de la méthode, etc.). Pour une édition plus accessible, on peut très bien se contenter des trois volumes de l’édition de Ferdinand Alquié chez Garnier (notes et index). Plus simple encore, l’édition de 1953 par André Bridoux dans la « Pléiade », en un volume (pas la moindre note, appareil critique extrêmement sommaire, mais un choix convenable : Regulae, Discours de la méthode– avec extraits de « Dioptrique », « Météores » et « Géométrie » – les Méditations avec les Objections et Réponses, Les Principes de la philosophie, Les Passions de l’âme, Le Traité de l’homme en entier, La Recherche de la vérité, un choix consistant et bien fait des lettres portant sur la philosophie – la correspondance consacrée aux sciences physiques et mathématiques est pratiquement ignorée – le très remarquable Entretien avec Burman et le récit de la mort de Descartes dans La Vie de Monsieur Descartes par Adrien Baillet). Quand, dans le cours de ces leçons, je précise la pagination d'une référence, c'est à cette édition de la « Pléiade » que je renvoie. Les textes de Descartes sont de lecture difficile et demandent une grande attention, une grande « animadversion » comme il écrivait lui-même en son latin. Pour commencer : Le Discours de la méthode, la lettre préface adressé au traducteur des Principes, La Recherche de la vérité par la lumière naturelle, Entretien avec Burman, l’admirable Correspondance avec Elizabeth (édition J.-M. Beyssade en GF), et peut-être Les passions de l’âme ; ces deux derniers ouvrages composent « la plus haute et la plus parfaite morale, qui présupposant une entière connaissance des autres sciences, est le dernier degré de la sagesse » (lettre-préface), donc le point ultime de la méditation cartésienne. Sur la morale cartésienne, le petit essai de Geneviève Rodis-Lewis, La Morale de Descartes, PUF, est fort utile et instructif. Le texte essentiel, Les Méditations touchant la première philosophie, dites Méditations métaphysiques, avec les Objections et Réponses qui leur sont liées, est aussi le texte le plus difficile. Un admirable commentaire d’une grande exactitude, mais d’une réelle difficulté : Martial Gueroult, Descartes selon l’ordre des raisons, chez Aubier- Montaigne, 1953, en deux volumes. Sur Descartes, il existe évidemment une très vaste littérature universitaire spécialisée, mais ce n’est pas ici, puisque ces leçons entendent se limiter à une simple initiation, le lieu d’en faire mention (les ouvrages d’Henri Gouhier, La Pensée religieuse de Descartes, et La Pensée métaphysique de Descartes sont parmi les plus remarquables). Je m’attacherai plutôt à des textes de lecture agréable, qui peuvent donner le goût de Descartes, l’envie de le lire et une idée générale de sa démarche philosophique : le petit essai de Samuel Sylvestre de Sacy, élève d’Alain, est stimulant et vivant : Descartes par lui-même, au Seuil ; Alain lui-même a consacré une étude à Descartes, intuitive et subtile, dans Idées. Charles Péguy, Œuvres en prose (1909- 1914), « Pléiade » : Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne(« Descartes, ce cavalier français qui partit d’un si bon pas » ; inspiré sans doute, mais sur Péguy plus encore que sur Descartes) ; Valéry se réclamait volontiers de Descartes, et d’une aventure de la raison qu’il jugeait héroïque et même épique, mais ici encore il s’agit sans doute davantage de Valéry que de Descartes lui-même ( Variétés : II : « Descartes » ; IV : « Une vue de Descartes » et V : « Seconde vue de Descartes »). On lira aussi avec plaisir et instruction La Vie de Monsieur Descartes, par Adrien Baillet, premier biographe du philosophe, 1691 (deux volumes qui font six cents pages), ouvrage dont l’auteur a tiré un abrégé bien commode, republié à La Table Ronde en 1946, et qu’on trouve aujourd’hui en poche (difficilement). Pour une biographie plus savante et actualisée, et par ailleurs fort bien faite : Geneviève Rodis- Lewis, Descartes, « Biographie », Calman-Lévy, 1995. Une bonne présentation d'ensemble, à la fois approfondie et accessible: Ferdinand Alquié, La Découverte métaphysique de l'homme chez Descartes, Presses Universitaires de France, 1950. Un commentaire éclairant et fort savant du texte le plus connu de Descartes : Etienne Gilson, René Descartes: Discours de la méthode, texte et commentaire, Vrin, 1976. *** Descartes est un auteur difficile, et rien n’est plus paradoxal que cette difficulté. Le philosophe débutant croit volontiers que les auteurs les plus ardus sont ceux qui sont, en première lecture, les plus obscurs. S'il se lance par exemple dans La Phénoménologie de l'Esprit, il sera d'emblée rebuté par le style singulier de Hegel et renoncera peut-être à décrypter ce logogryphe. Il aurait tort pourtant de ne pas insister car, l'obstacle du langage une fois passé, il découvrira une immense philosophie, et s'y sentira vite chez lui. Descartes est d'une difficulté supérieure : ce n'est pas l'obscurité de son style qui fait obstacle, c'est son extrême clarté. Le lecteur qui ouvre pour la première fois le Discours de la méthode a le sentiment réconfortant, mais parfaitement illusoire, de tout comprendre. Descartes nous prévient lui-même dans la préface aux Méditations : « Je crains qu’il n’y ait encore guère personne qui ait entièrement pris le sens des choses que j’ai écrites, ce que je ne juge pas néanmoins être arrivé à cause de l’obscurité de mes paroles, mais plutôt à cause que, paraissant assez faciles, on ne s’arrête pas à considérer tout ce qu’elles contiennent ». C’est en raison de sa parfaite facilité que Descartes est difficile. Lui seul nous permet de comprendre que le plus simple, en philosophie, est toujours et nécessairement le plus difficile. On sait que la philosophie cartésienne se fonde sur un certain sentiment d’évidence, une intuition spirituelle, la clarté d’un certain regard intérieur qui illumine l’âme attentive à sa seule aperception. Mais il faut aussitôt ajouter que rien n’est moins évident que l’évidence cartésienne. Nos esprits sont en effet encombrés de préjugés, de savoirs ou prétendus tels qui nous viennent des autres et ne sont pas issus de notre propre fonds, et qui nous font préférer, par précipitation (manque d’attention, de patience spéculative) et prévention (les préjugés nous font imaginer ce que nous ignorons), l’obscur indistinct au clair et distinct, et le complexe mêlé au pur et simple. L’évidence selon Descartes n’est jamais immédiate (c’est au contraire toujours l’erreur qui vient d'abord à l'esprit : il n’y a pas de vérités premières, il n’y a que des erreurs premières), elle est le fruit d’une longue et méthodique attention métaphysique qui conduit l’esprit vers l’intuition de sa propre existence, vers une sorte d’illumination originaire qui lui fournit un point fixe, un point d’Archimède (« Archimède, pour tirer le globe terrestre de sa place et le transporter en un autre lieu, ne demandait rien qu’un point qui fut fixe et assuré. Aussi j’aurais droit de concevoir de hautes espérances, si je suis assez heureux pour trouver seulement une chose qui soit certaine et indubitable » : Méd. III) grâce auquel je peux me sauver de la dépression du doute, rétablir mon appui, « pour voir clair en mes actions et marcher avec assurance en cette vie » (Disc. I). Parce que toute sa métaphysique se fonde sur l’intuition, non sur la déduction, sur la pureté du regard de l’esprit prenant conscience de lui-même, et non sur l’enchaînement mécanique des propositions, Descartes, on le devine, n’est guère cartésien. C’est ainsi que nous lisons, dans le Trésor de la langue française : « un esprit cartésien : un esprit sec, trop systématique, par opposition à un esprit intuitif » (art. « Cartésien »). C’est là en effet le sens courant de l’adjectif, exemple patent de prévention et de précipitation. L’intuition est au contraire chez Descartes l’unique source de l’expérience de vérité, et la déduction n’est jamais l’entraînement systématique des conséquences, mais bien davantage une succession d’évidences qui s’enchaînent dans la lumière spirituelle qui naît de l’attention de l’esprit pour lui- même. La déduction cartésienne n’est en fin de compte qu’une intuition recommencée et toujours accrue. Ainsi ce qui nous empêche de comprendre Descartes, c’est précisément le Descartes que nous croyons connaître, un esprit étroitement rationnel, sèchement déductif. Pour nous corriger de ce défaut, nous aborderons Descartes de façon radicalement opposée, non toutefois par l’intuition intellectuelle du « je pense » (il faudra attendre la deuxième leçon, « Le doute, uploads/Geographie/ initiation-a-la-philosophie-cartesienne.pdf
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- Publié le Jui 25, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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