HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE DU XVIIIème SIÈCLE À NOS JOURS Jean-Charles As
HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE DU XVIIIème SIÈCLE À NOS JOURS Jean-Charles Asselain TOME 1 : DE L’ANCIEN RÉGIME À LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE INTRODUCTION - Le développement économique français présente un caractère intermédiaire en Europe : en retard par rapport à la Grande-Bretagne, en avance par rapport au continent, persistance de l’agriculture, industrialisation inégale selon les régions françaises. - Un modèle de croissance original, entre le modèle britannique et celui des pays à industrialisation tardive rattrapant leur retard initial. Industrialisation modérée, centrée sur l’industrie du textile, rôle secondaire des banques, retard dans le processus de concentration (comme en Grande-Bretagne). Mais dépendance technique et rôle majeur de l’État, comme dans les pays d’industrialisation tardive. - On parle parfois d’ « étapes de la croissance », par exemple pour la révolution industrielle anglaise, à partir de 1770 : transformation des structures, croissance des industries dominantes, « take-off » d’une vingtaine d’années selon ROSTOW, progression du taux d’investissement, accélération de la croissance, essor des secteurs produisant des biens de production… En France, rien de tout cela, « croissance sans take-off », pas de réelle datte du décollage industriel : les trois décennies de l’Ancien Régime (émergence de la croissance, naissance de l’industrie), la période napoléonienne (modernisation industrielle), la monarchie de Juillet et le second Empire (accélération de la croissance industrielle), 1895-1914 (essor de nouvelles industries, rattrapage de la France) ? Processus d’industrialisation étalé sur très longue période, croissance progressive. - Processus irrégulier, phases d’arrêt ou de ralentissement (Révolution de l’Empire, « grande dépression » de la fin XIXème siècle…). - Limite des comparaisons des « performances » économiques des pays au moment de leur décollage, différences de « potentiel de croissance », démographie, divers facteurs d’infériorité. ROEHL (1976) voit en la France la première nation industrielle du monde, et non pas la Grande-Bretagne : les difficultés que la France a connues seraient celles des nations pionnières, le recul rapide de la natalité témoignerait de l’avance française, l’ensemble de l’économie ne peut se réduire à l’industrie et à ses progrès techniques, la France exportait relativement plus de produits manufacturés vers la Grande- Bretagne que réciproquement. - Selon O’BRIEN et KEYDER (1978), la France et la Grande-Bretagne ont suivi des chemins différents, mais parallèle jusqu’au XXème siècle. Pas de retard donc, mais des différences (qualité des produits, spécialisations différentes, « avantage comparatif » différent). On retrouve ce parallélisme de la croissance dans la comparaison avec l’Allemagne, pourtant également jugée supérieure industriellement. - Relativité de la notion de croissance, et de la signification des taux de croissance du PIB au XIXème siècle (BAIROCH, le « mythe de la croissance »). Ambiguïté du terme de « crise », entre « dépression » (chute brutale de la production) et simple « récession » (ralentissement de la croissance). PARTIE 1 : LE PREMIER ÉLAN DE LA CROISSANCE AU XVIIIème SIÈCLE Introduction - La Révolution Française est l’aboutissement d’une crise profonde de la société et de l’économie française. Le XVIIIème siècle n’a pas été marqué par une révolution industrielle comme en Grande- Bretagne, mais n’a pourtant pas été une période de stagnation. Difficulté d’apprécier le rythme et l’intensité des progrès économiques. - LABROUSSE, en observant le mouvement des prix et des revenus, conclut à une crise de longue durée de l’économie française, impliquant une paupérisation durable des salariés et des masses agricoles. La Révolution Française serait une « révolution de la misère ». - Pour d’autres historiens, au contraire, « les années 1780-1786 marquent l’apogée de la croissance économique sous l’Ancien Régime », et la crise de 1787 n’est que conjoncturelle, de sorte que les changements politiques de 1789 portent la responsabilité de l’interruption du décollage économique émergent. 1. LA « RÉVOLUTION AGRICOLE » EN FRANCE AU XVIIIème SIÈCLE : MYTHE OU RÉALITÉ ? - Importance de l’agriculture dans l’économie française (85% de la population totale), hiérarchie sociale fondée sur la propriété foncière. Travaux de QUESNAY et des Physiocrates dans les années 1750-1760, selon lesquels la prospérité provient des progrès agricoles, rupture avec les mercantilistes. - Pour BAIROCH, le progrès agricole est le facteur déterminant du démarrage de la croissance moderne, comme en Grande-Bretagne, où la « révolution agricole » a précédé la « révolution industrielle », par transmission : la hausse des revenus dans l’agriculture a stimulé la demande de biens industriels, de consommation ou de production. I. LES OBSTACLES AU PROGRÈS AGRICOLE SOUS L’ANCIEN RÉGIME 1) Le régime seigneurial a) Le statut personnel des paysans - Le servage subsiste de fait en France jusqu’en 1789. Néanmoins, la majorité des paysans sont libres, non attachés à la terre, possèdent le droit de possession et de legs. b) Le régime de la propriété - Le régime féodal se caractérise par une superposition de droits de propriété. Le seigneur exerce un droit de « propriété éminente » (il perçoit des redevances de tous les paysans. La communauté villageoise détient des droits collectifs (terrains communaux…). Propriétés nobiliaires, bourgeoises et de l’Église représentaient 60% de la propriété foncières, le reste étant possédé par des paysans tenanciers (quasi-propriétaires, car ils payaient des droits seigneuriaux). c) Le système de prélèvements - Multitude de prélèvements et de « droits seigneuriaux », en nature et en travail, très rigides (contrairement au fermage, qui s’ajuste à la valeur des récoltes). Poids de la dîme, assise sur la récolte brute (et donc impôt plus lourds quand les révoltes sont mauvaises) ; impôts royaux (taille, vingtièmes). Absence d’administration financière, crises financières. - Ces charges viennent réduire les capacités de modernisation agricole. d) Les modes d’exploitation - Prédominance de la petite exploitation paysanne de métayers et fermiers travaillant sur les domaines fonciers des nobles. Le progrès agricole ne peut donc venir que des « seigneurs éclairés », propriétaires bourgeois, gros fermiers, « laboureurs », tous suffisamment aisés et entreprenants pour développer les exploitations. - Clivage important entre exploitation traditionnelle et progressive ; entre régions de petite culture et de grande culture. 2) Systèmes agraires, inégalités, cloisonnements régionaux - Grande diversité régionale des systèmes agraires en France, par comparaison avec l’Angleterre. Dans le Nord de la France, système de l’openfield (« champs ouverts »). Exploitation individuelle soumise à des contraintes collectives (assolement triennal, division du terroir imposée…), mais bénéficiant de droits collectifs (vaine pâture, utilisation des terrains communaux…). Les agronomes anglais reprochaient à ce système sa faible productivité (problème des jachères) et sa faible progressivité (les contraintes collectives freinent l’expérimentation et l’innovation), et préconisaient les enclosures (constitution de propriétés individuelles d’un seul tenant et encloses), symbole de la révolution agricole britannique. Cependant, l’openfield est facteur de cohésion de la communauté villageoise, soutien pour les paysans les plus pauvres. En France, c’est le système des régions les plus développées de « grande culture ». - Dans le reste de la France, infinité de variantes, souvent plus extensives (assolement biennal, ou même aucun assolement régulier). Mêmes différences régionales dans les techniques et l’outillage (la faux ne s’utilise que dans les régions de grande culture, remplaçant la faucille encore très utilisée ailleurs ; l’usage de la charrue est exceptionnel). - Faiblesse de la productivité, seules l’Artois et la Flandre ont atteint le stade de l’agriculture intensive. Difficile évaluation des rendements, « à la semence » (nombre de grains récoltés par grain semé), de l’ordre de 4 ou 5 : la semence prélève donc une part importante des récoltes. Faible degré de spécialisation régionale, la polyculture sert à atténuer les risques. Prédominance des exploitations céréalières, peu de prairies, entraînant un manque de fourrage ; peu d’élevage, donc manque de fumure, imposant une jachère abondante (« cercle vicieux de la jachère »). - Fortes fluctuations de l’agriculture française, agriculture encore largement de subsistance : la consommation paysanne subit directement les variations des niveaux de récolte, encore amplifiées par les prélèvements fixes et les exigences de semence. Crises de subsistances, « mortalité de pointe » des années 1739-1743. - L’économie rurale est déjà monétarisée, et les prix réagissent très fortement aux variations des récoltes, quantitatives et saisonnières (période de la « soudure », précédant les récoltes, marquant une forte hausse des prix, des disettes). Cloisonnement régional de l’agriculture, faiblesse des moyens de transport et coûts élevés, douanes intérieures faisant obstacle à la libre circulation des grains, régions enclavées. II. LES PREMIERS TÉMOIGNAGES D’UNE CROISSANCE AGRICOLE 1) L’agriculture française n’est plus au XVIIIème siècle une agriculture stagnante - Succès du mouvement physiocrate, de l’agronomie. - L’agriculture est encouragée par la monarchie. Amélioration des routes, Turgot souhaite instaurer la libre circulation du grain, les grands propriétaires obtiennent un certains nombres d’ « édits de clôture » mettant fin à l’openfield, des partages des terres communales. Mais mouvements de résistance des paysans hostiles à ces « progrès agricoles ». Politique d’encouragement aux défrichements, hausse des superficies cultivées, mais problème des rendements décroissants. - Quelle évolution de la production ? Le montant des baux en témoigne indirectement, mais dépend à la fois de l’évolution des rendements, des conditions de la demande et de la concurrence : sa hausse peut traduire à la fois une prospérité agricole croissance et la pression démographique. uploads/Geographie/ jean-charles-asselain-histoire-economique-de-la-france-tome-1.pdf
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- Publié le Fev 24, 2022
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