Considérations sur l'objet Jomard, E.−F. A propos de eBooksLib.com Copyright En
Considérations sur l'objet Jomard, E.−F. A propos de eBooksLib.com Copyright En écrivant les réflexions qu'on va lire, nous n'avons pas eu pour but de répondre aux objections élevées contre la formation d'une collection géographique spéciale , mais bien plutôt de saisir une occasion de développer des vues qui nous paraissent utiles : puissent−elles contribuer à propager des idées trop peu répandues, et à étendre le cercle des connaissances qui sont d' une utilité sociale et pratique ! Il n'est que trop vrai que quelques personnes ont eu le courage de nier l'utilité du dépôt scientifique, spécialement consacré aux productions de la géographie , et placé à la grande bibliothèque royale, sous les ordres du ministère de l'intérieur. Il est possible que les personnes qui ont affecté de mettre en avant un tel paradoxe soient animées de vues de bien public ; mais comme elles paraissent croire que cette science consiste uniquement dans les livres qui en traitent, et qu'une erreur si forte ne doit pas s' enraciner, il est indispensable d'examiner attentivement cette question. Admettre leur opinion, c'est supposer apparemment que cette science est encore, après cinquante ans d'immenses progrès , au point où l'ont laissée les Crozat et les Expilly. Nier aujourd'hui l'importance des productions géographiques proprement dites, sous le rapport des besoins du commerce, et des arts utiles à la société, c'est, selon nous, ignorer complètement et l'état de la science, et sa fin et ses moyens . Nous osons avancer qu'une pareille thèse ne peut Considérations sur l'objet 1 être soutenue que par des personnes, ou étrangères aux sciences exactes, ou dont le jugement est obscurci par des vues étroites et par des motifs intéressés, ou bien enfin dont le but est de se jouer des lecteurs trop crédules. En premier lieu, nous demanderons si les connaissances géographiques sont aussi répandues en France qu'elles devraient l'être, et qu'elles le sont en effet chez nos voisins. L'Angleterre, la Prusse, l' Autriche, la Russie même, et presque toute l'Allemagne, font rougir la France de son incurie à cet égard. Qui peut voir, sans la déplorer, l'ignorance de la plus grande partie de la population française en matière de géographie ? Nous voyons dans ces contrées le commerce intérieur et extérieur profiter chaque jour de l'extension des notions élémentaires, et particulièrement des connaissances géographiques, et l'on négligerait de les répandre chez nous ! Et l'on entretiendrait ce dédain qu'elles excitent encore trop souvent, au lieu de travailler à détruire un préjugé honteux et invétéré ! Et cela, dans un temps où la géographie s' enseigne partout dans certains pays, jusques sous les chaumières ! Qu'a−t−on fait depuis deux siècles en France pour l' encouragement des sciences géographiques et surtout pour l' enseignement de la science ? Rien, ou à peu près. Et de nos jours , même incurie ! Comment a−t−on perdu sitôt de vue les hautes pensées et même les actes du guerrier illustre qui, placé par son génie sur le premier trône de l'Europe, appelait la géographie à prendre rang entre les sciences les plus importantes pour la société ? On a déjà oublié qu'il lui avait consacré plusieurs chaires Considérations sur l'objet 2 spéciales dans le plus savant et le plus ancien de nos colléges. Tout ce que la géographie a fait de progrès, tout ce qu'elle a obtenu de succès, elle le doit à des hommes de génie ou d'un rare mérite, mais hommes isolés et sans secours, qui ont devancé l'époque actuelle, époque où elle commence enfin à acquérir une juste considération et à gagner la place qui lui appartient. Chez nous, ni l'autorité, ni l'opinion n'ont été favorables, soit à la science, soit aux hommes recommandables qui l'on fait avancer, et qui ont même contribué à la gloire de la patrie, comme à son insu et sans sa participation. Et qu'on ne dise pas que les N Sanson, les De Lisle, les D'Anville, les Cassini et d'autres encore, ou bien quelques illustres voyageurs et navigateurs français, les Fleurieu, les Bougainville, les Lapérouse, et un grand nombre d'hommes habiles qui leur ont succédé, et qui honorent le temps présent, que ces hommes ont obtenu, dans un peu de renommée, le prix de leurs travaux. Leur dévoûment à la cause des sciences et des découvertes devait avoir pour véritable fruit l'avancement de la géographie en France, les progrès de l'enseignement géographique, et l'extension des connaissances, et c'est ce qui n'est pas arrivé : leur mérite n'en est que plus grand ; mais il n'appartient qu'à eux, et il n'a pas eu sa digne récompense . La révolution de I 789 a trouvé la jeunesse et les hommes faits aussi peu avancés dans cette étude, et même dans les notions les plus élémentaires, qu'au milieu du dix−huitième siècle. On Considérations sur l'objet 3 connaît les saillies de Voltaire sur l'ignorance des français en géographie, passée presque en proverbe, et sur les plaisans quiproquos de nos diplomates. Rien n'est plus simple : on n'avait pas songé aux moyens d'instruction, et il n'y avait point de bonnes méthodes. On ignorait ou l'on négligeait l' usage de l'analyse dans l'enseignement de cette branche scientifique, qui est si compliquée. Enfin l'on n'avait à l' usage de la jeunesse que des cartes médiocres ou mauvaises, sans attrait comme sans fidélité ; les belles productions de nos savans étaient au−dessus des ressources des quatre−vingt−dix−neuf centièmes des étudians. Enfin il n'y avait pas non plus la centième partie de ceux−ci qui entrât dans le monde avec des connaissances positives en ce genre. Nous défions les sophistes les plus déterminés de nier cette vérité, quelque triste qu'il soit de l'avouer pour l'honneur de la France ; cela serait d' autant plus difficile qu'il suffit à chacun de consulter ses souvenirs, ou de voir ce qui est encore . Est−ce là un état de choses tolérable, et que l'honneur ou l'intérêt du pays doivent maintenir ? Non, sans doute. Voudrait−on persévérer dans une routine aussi funeste ? Trouve−t−on bien que les anglais, les russes, les américains, les allemands, et presque toutes les nations du nord de l'Europe soient mieux partagés que nous en institutions et en connaissances géographiques ? Dans ce cas, il n'y a rien de mieux à faire que de laisser les productions de la géographie au degré d'estime dont elles ont joui ici pendant plusieurs siècles, de continuer à les rendre inaccessibles au public studieux, et à faire en sorte Considérations sur l'objet 4 qu'elles ne puissent entrer que dans les mains des amateurs fortunés qui ne s'en servent pas toujours utilement ; qu'en un mot, les cartes soient l'objet d'un monopole scientifique, et seulement affectées à l' usage d'un très petit nombre d'individus. Alors, pour être conséquent, qu'on enfouisse ou qu'on relègue dans quelques coins des bibliothèques les cartes géographiques utiles aux affaires, au commerce, aux sciences ; qu'on n'en ait nulle part en France une suite régulière et complète, même un catalogue faisant connaître le nombre, l'espèce, la valeur et le degré de mérite de ces travaux utiles ; enfin, qu'elles soient traitées comme les vers de Pompignan ; alors le but qu'on semble se proposer sera atteint complètement. Mais plus nous développons ces évidences, et plus il semble que c'est faire injure à la raison publique. Ce qui importerait plus ici serait de montrer quelle est la nature, le véritable objet d'une collection de géographie, et à quelle place appartiennent les cartes géographiques parmi les productions des sciences ; on en conclura mieux la nécessité d'en former une réunion, un ensemble, une suite aussi méthodique, aussi complète que possible. Qu'est−ce qu'une bonne carte géographique ou topographique, sinon la représentation complète d'un certain ordre, et souvent d'une multitude considérable de faits scientifiques, rassemblés dans un seul cadre ; de résultats, d'observations positives, rapprochés sous la forme la plus commode et la plus claire ? D'un seul coup d'oeil en effet, vous y embrassez plusieurs systèmes entiers ; l'aspect physique, les distances des lieux, les rapports d'état à état, de Considérations sur l'objet 5 province à province, les divisions politiques ; la forme, l'origine et l' issue des bassins, soit de premier, de second ou troisième ordre, les moyens ouverts ou les obstacles opposés aux communications intérieures et extérieures, circonstances qui règlent tous les rapports du commerce et de l'industrie, qui président aux questions de paix ou de guerre, en un mot, presque tous les élémens des rapports sociaux. Si une carte est exacte, elle apprend toutes ces choses et bien d'autres encore qu'un oeil clairvoyant y trouve, et y lit, à l'instant même où la carte lui est soumise. Bien plus, la destination vraie et finale des cartes géographiques commence à se révéler, depuis une vingtaine d' années, par l'apparition des cartes historiques, et la faveur dont elles jouissent dans l'opinion, à juste titre, quoique encore imparfaites. L'on a senti que, puisqu'une carte fait connaître le théâtre des faits et le nom des peuples, il est naturel et nécessaire aussi d'y rattacher la date des événemens et les noms des personnages uploads/Geographie/ jomard-e-f-considerations-sur-l-x27-objet.pdf
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- Publié le Mar 04, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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