Jeudi 2 mars 2006 L'Express du 16/05/2005 Sahara Des ennemis de trente ans par

Jeudi 2 mars 2006 L'Express du 16/05/2005 Sahara Des ennemis de trente ans par Dominique Lagarde Déclenché en 1975 avec la «Marche verte», le conflit entre le Maroc et le Front Polisario - soutenu par l'Algérie - est dans l'impasse. Malgré les efforts déployés par l'ONU, les plans de règlement successifs se heurtent à l'intransigeance de l'une ou l'autre partie C'est une guerre vieille de trente ans qui pourrait bien continuer à s'ensabler longtemps encore. Le 28 avril dernier, le Conseil de sécurité de l'ONU a, comme il le fait deux fois par an depuis 1991, prorogé pour six mois le mandat de la Minurso (Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental). Personne ne sait quand se déroulera ce scrutin, ni même s'il pourra un jour se tenir. Mais les quelque 250 observateurs de la Minurso surveillent une trêve que nul, heureusement, ne menace sérieusement de rompre, du moins tant qu'ils sont là. Et les Nations unies préfèrent continuer à payer - elles déboursent tous les mois 3,7 millions de dollars - plutôt que de courir le risque de voir le conflit réactivé. Car les efforts entrepris pour tenter de parvenir à une amorce de règlement ont jusqu'ici échoué. Chargé en 1996 par les Nations unies de relancer un processus de paix au point mort, l'ancien secrétaire d'Etat américain James Baker a multiplié, pendant sept ans, les rencontres et les réunions, élaboré deux projets de règlement et, finalement, jeté l'éponge. Soutenu par Washington et Paris, son premier plan organisait, pour une période de cinq ans, une autonomie sous souveraineté marocaine et prévoyait ensuite un référendum «sur le statut définitif du territoire». Accepté du bout des lèvres par les Marocains, il fut aussitôt rejeté par le Polisario et son mentor algérien. Deux ans plus tard, le même James Baker présentait une nouvelle mouture de son plan, avec une période transitoire réaménagée pour donner plus d'autonomie aux Sahraouis. Une «solution politique» Ceux-ci y étaient appelés à gérer le territoire avec l'aide de l'ONU, y compris la sécurité qui, dans le premier projet, restait aux mains des Marocains. Le Polisario donnait, cette fois, son accord… mais le Maroc opposait une fin de non-recevoir à un scénario impliquant le retrait de ses forces de sécurité. Soucieux de ne pas heurter Rabat, le Conseil de sécurité de l'ONU se contentait, le 31 juillet, d'adopter une résolution (la 1495) «appuyant» et demandant aux parties de travailler à son «acceptation» et à son «application». «Les parties, constatait James Baker dans son ultime rapport-bilan, manquent toujours de la volonté nécessaire pour parvenir à une solution politique du conflit.» Avant de rendre, le 11 juin 2004, son tablier à Kofi Annan. Un an plus tard, rien n'a changé. «Il n'existe pas d'accord quant aux mesures qui pourraient être prises pour surmonter l'impasse actuelle», déplorait le secrétaire général de l'ONU, le 22 octobre dernier, dans un énième rapport au Conseil de sécurité. Quelques jours plus tard, le Conseil adoptait, comme il le fera de nouveau le 28 avril, une résolution prorogeant le mandat de la Minurso et réaffirmant son attachement à «un règlement juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l'autodétermination du peuple du Sahara occidental». Sans illusions… En réalité, ni le Maroc ni le Polisario ne sont prêts à accepter un référendum qu'ils ne seraient pas assurés de gagner. «Ni moi ni le peuple marocain n'accepterons jamais de renoncer à notre souveraineté sur ces provinces», réaffirmait le roi Mohammed VI à la mi-janvier dans une interview au quotidien espagnol El Pais, avant de prôner une «solution politique» qui «consisterait à permettre à la population concernée de gérer ses affaires dans le cadre de la souveraineté du Maroc». Une sorte d'accord tacite Soutenu par l'Algérie, le Polisario, de son côté, exige toujours un référendum d' «autodétermination». Il espère que celui-ci puisse déboucher sur l'indépendance du territoire. Alors, de temps à autre, la polémique enfle entre Alger et Rabat, qui s'accusent mutuellement d'être responsables de l'impasse. Puis le soufflé retombe… jusqu'à la prochaine crise. La visite à Alger du roi Mohammed VI, à l'occasion du Sommet arabe des 22 et 23 mars derniers, semble avoir amorcé un dégel entre les deux pays. Le 2 avril, le président Abdelaziz Bouteflika a, en effet, annoncé que les ressortissants marocains pourraient désormais se rendre en Algérie sans visa, répondant ainsi à une mesure similaire prise au début de l'année par le souverain chérifien. En revanche, la rencontre d'Alger ne semble pas avoir permis d'avancer sur le dossier du Sahara. Sinon une sorte d'accord tacite pour que cette question reste du domaine des Nations unies et qu'elle n'entrave pas la reprise de la coopération bilatérale. Comme si chacun avait, finalement, intérêt au statu quo. Fin 2001, L'Express s'était rendu dans les provinces sahariennes (1), c'est-à-dire dans la région contrôlée par le Maroc - 80% du territoire - entre l'océan et la ligne de défense érigée par les forces armées royales. Cette fois, notre correspondante en Algérie, Baya Gacemi, a visité les camps de réfugiés du Polisario, où de nombreux militants associatifs, notamment espagnols, apportent leur aide aux Sahraouis. Nous avons également rencontré, à Alger, Mohamed Yeslem Bissat, ambassadeur de la République arabe sahraouie démocratique et, à Rabat, Ahmed Snoussi, ancien représentant permanent du Maroc à l'ONU. (1) Voir L'Express du 18 octobre 2001. L'Express du 16/05/2005 Des Sahraouis très entourés de notre envoyée spéciale Baya Gacemi Nourriture, médicaments, culture... dans les camps de réfugiés du Polisario, la vie continue grâce aux ONG européennes, très présentes De notre envoyée spéciale L'aéroport de Tindouf, à 2 000 kilomètres au sud-ouest d'Alger, grouille de monde en cette fin du mois de février. Six avions viennent de s'y poser. Espagnols, Néerlandais ou Italiens, des centaines de militants associatifs, membres d'organisations non gouvernementales (ONG), en débarquent. Ces «amis du peuple sahraoui» vont aussitôt prendre la route pour rejoindre les camps de réfugiés qui les accueilleront. Ils ont fait de l'aéroport de Tindouf le deuxième d'Algérie pour la fréquentation étrangère. «C'est comme cela toute l'année, lance un employé de l'aéroport, en tout cas, de septembre à juin.» Animation insoupçonnée, même pour ceux qui viennent d'Alger. Et qui seront encore plus étonnés lorsqu'ils prendront la route qui les mènera aux camps. Une route droite, bordée de palmiers, bien éclairée et bien entretenue, conduit au check point qui délimite la frontière entre les territoires algérien et sahraoui. Le paysage, ensuite, change. C'est la désolation, une vision de fin du monde. Ici, le mot «désert» prend tout son sens. Un décor plat et de la rocaille brune, à perte de vue. On est loin des dunes chatoyantes vantées par les tour-opérateurs lorsqu'ils décrivent le Sahara. Les vents - précoces cette année - soulèvent le sable en tornade. Il envahit tout, s'infiltre dans les yeux, les oreilles, la bouche, à l'intérieur des vêtements. Comme chaque année, les Sahraouis quittent pour quelques mois leurs maisons en terre et se réfugient dans les tentes en toile, plantées au milieu du sable. A l'intérieur, on a l'impression que le vent, amorti par les pans de toile, se fait moins violent. Image insolite dans un tel décor: devant chaque habitation trône un panneau solaire, offert par une ONG espagnole. Grâce à cette initiative, tous les foyers reçoivent de l'électricité. Même les lampes torches fonctionnent avec cette énergie venue du soleil. Il n'y a pas que les panneaux solaires. Ce sont les ONG qui fournissent aux Sahraouis pratiquement tout: une partie de la nourriture, les vêtements, les médicaments, les soins. Les visites et les séjours réguliers des militants associatifs sont essentiels pour ces populations très isolées. Maria, médecin espagnole, est là depuis deux semaines. Cette spécialiste de gastro-entérologie est venue pour un mois avec une équipe pluridisciplinaire de 20 personnes. Infirmiers, anesthésistes, techniciens de la santé, cardiologues, ophtalmologistes et gynécologues essaient de répondre à la demande de soins d'un groupe de Sahraouis. Les besoins ont été répertoriés auparavant par une autre équipe de la même association. Une ouverture sur le monde D'autres missions médicales font la même chose, dans d'autres camps. Ce qui fait des Sahraouis des gens relativement bien soignés, malgré les conditions de vie très rudes et l'état de misère visible dès le premier abord. Cette année, des opérations chirurgicales ont été réalisées par le biais de la télémédecine, grâce à une liaison par satellite avec le centre de Barcelone. Fait remarquable: le planning familial fonctionne très bien grâce, d'une part, à une prise en charge médicale correcte, mais aussi à la place importante qu'occupe la femme dans la famille. Dans la majorité des cas, le nombre d'enfants ne dépasse pas quatre. Les Sahraouis sont même étonnés d'apprendre que les familles sont souvent bien plus nombreuses dans les campagnes marocaine ou algérienne. La liberté qui caractérise les relations entre les hommes et les femmes est de nature à faire rêver bien des Algériens… Peut-être parce que les associatifs apportent aussi une ouverture sur le monde. La veille de notre arrivée, deux appareils s'étaient posés sur l'aéroport de Tindouf, avec, outre une mission autrichienne de uploads/Geographie/ l-express-dossier-sahara-occidental.pdf

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