L'AGRICULTURE DE DESTRUCTION MASSIVE Les conséquences sociales et écologiques d

L'AGRICULTURE DE DESTRUCTION MASSIVE Les conséquences sociales et écologiques de l'agriculture intensive Les renseignements généreux – octobre 2006 Pourquoi cette brochure ? Epidémies de ''vache folle'', pollutions par les pesticides, légumes et fruits insipides, poulets à la dioxine, dumping dans les pays du Sud*... Partout sur la planète, la course au rendement et la recherche du profit maximal produisent des effets dont il n'est pas sûr que nous mesurions l'ampleur. Nous sommes tellement bombardés d'informations éparses au sujet de l'agriculture intensive qu'il est bien difficile d'en saisir les mécanismes globaux, et, mieux encore, de pouvoir les expliquer simplement. L'objectif de cette brochure est précisément celui-là : fournir des points de repères pour qui souhaite appréhender les conséquences sociales et écologiques de l'agriculture intensive. Ce petit exposé n'est évidemment pas exhaustif, étant donné l'étendue du sujet. Parmi de multiples études et analyses, nous avons sélectionné ce qui nous semblait essentiel. Nous présentons de nombreuses statistiques dans ce texte. Elles sont quasiment toutes issues de rapports d'institutions internationales, en premier lieu la FAO, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (www.fao.org). Cependant, nous sommes dans l'incapacité de vérifier ces données officielles. Il convient donc de conserver, malgré tout, un regard critique à leur égard. C'est pourquoi nous avons généralement arrondi les chiffres sélectionnés, afin de nous concentrer sur les tendances qu'ils mettent en évidence. Fructueuse lecture PLAN I L'agriculture intensive page 3 II Impacts sur les pays du Sud page 14 III Impacts écologiques : le cas des pesticides page 22 * Par l'expression pays du Sud nous ferons référence aux pays dits ''en développement'' (en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud) ainsi qu'aux pays de l'Est. Par pays du Nord, nous désignerons les pays occidentaux industrialisés (en premier lieu l'Amérique du Nord et l'Europe des 15). Ces conventions, certes simplistes, épousent cependant assez fidèlement la bipolarisation de l'agriculture mondiale. 2 I L'agriculture intensive L'ensemble de ce chapitre est un peu fastidieux (beaucoup de graphiques et de chiffres). Mais il nous semble indispensable de comprendre les mécanismes de l'agriculture intensive pour en expliquer ensuite les conséquences. 1. Une productivité incomparable L'agriculture intensive désigne des techniques agricoles permettant d'atteindre un maximum de rendement avec un minimum de main d'oeuvre. La planète compte environ 1,3 milliards d'agriculteurs. Seuls quelques millions pratiquent l'agriculture intensive, dans les pays du Nord et dans quelques secteurs limités des pays du Sud. Par la motorisation, la mécanisation, la sélection animale et végétale, l'utilisation d’engrais et de pesticides, un agriculteur ''intensif'' peut cultiver plus de 100 hectares de céréales et obtenir des rendements proches de 10 tonnes par hectare. Cette productivité est sans commune mesure avec celle des autres paysans sur la planète. En effet, si deux tiers des agriculteurs du monde utilisent des engrais, des pesticides et pratiquent la sélection animale et végétale, ils ne disposent pas de motorisation*. En conséquence, bien que les rendements soient comparables à l'agriculture intensive, les surfaces cultivées par travailleur sont plus faibles : environ cinq hectares pour ceux qui disposent de la traction animale, un seul pour ceux qui ne disposent que d’un outillage strictement manuel. Enfin, le dernier tiers des agriculteurs ne dispose que d’un outillage manuel, sans engrais ni produit de traitement, sans sélection animale ou végétale. Leurs rendements dépassent rarement la tonne par hectare. Moyen mécanique utilisé manuel traction animale moteurs Population agricole concernée (millions) ~ 860 ~ 430 ~ 25 Productivité par travailleur (tonnes) 1-10 10-50 500-1000 Source : M.MAZOYER, sommet de la FAO, juin 2002 * En 1999, sur un parc mondial d'environ 26 millions de tracteurs, 45% étaient utilisés aux États-Unis et en Union Européenne, 28% en Asie, 15% en Russie et dans les pays de l'Est, 5% en Amérique du Sud et 2% en Afrique. Rapporté à la population agricole active, cela représentait deux tracteurs pour un agriculteur américain, un tracteur pour 150 agriculteurs asiatiques et un pour 400 agriculteurs africains. Source : statistiques FAO (FAOSTAT) 3 2. Des subventions massives Dès le début des années 60, les gouvernements des pays du Nord ont développé une importante politique de soutien agricole afin d'augmenter :  la production, pour l'autosuffisance alimentaire.  la productivité, afin de favoriser l'afflux de main-d'œuvre vers l'industrie.  les exportations, afin d'améliorer le commerce extérieur. Pour atteindre ces objectifs, diverses aides publiques ont été mises en place : subventions, crédits à l’exportation*, protection vis-à-vis des importations, etc. Ces mesures nécessitent d'importants financements publics. Actuellement, l'Union européennne y consacre la moitié de son budget, soit environ 50 milliards de dollars, au titre de la Politique Agricole Commune (PAC). Dans l’ensemble de la zone OCDE**, le soutien total à l’agriculture s’est élevé à plus de 300 milliards de dollars en 2002. En moyenne, cela représente plus de 30 000 dollars par agriculteur américain en activité, près de 14 000 dollars par agriculteur européen. A titre de comparaison, les exportations agricoles des pays dits ''en développement'' s'élevaient la même année à 190 milliards de dollars environ. source : OCDE, cité dans le magazine BMA de janvier 2003 L'essentiel des subventions est destiné aux gros producteurs. Ainsi, la moitié des subventions européennes est versée à seulement 5% des exploitations agricoles (si on exclut la Grèce), 80% des aides vont à 20% des paysans***. Ces aides placent les agriculteurs du Nord dans une situation de dépendance. Pour la période 1999- 2001, le soutien aux agriculteurs des pays de l'OCDE représentait environ 37% du total de la valeur de leur production agricole en sortie exploitation****. En simplifiant, lorsqu'un quintal de céréales rapporte 100 euros à un exploitant agricole, 60 euros proviennent des ventes de sa récolte et 40 euros des aides directes. * Un crédit à l’exportation est un prêt à conditions favorables pouvant être accordé aux pays acheteurs. ** L'Organisation de Coopération et de Développement Economique rassemble 29 pays parmi les plus industrialisés de la planète (voir site http://www.oecd.org). *** Sources : Commission européenne, Confédération paysanne **** Source : OCDE 4 Exportations agricoles des pays dits en développement Aide à l'agriculture dans les pays de l'OCDE 0 25 50 75 125 175 225 275 325 milliards de dollars 3. Des mécanismes de protection Les pays du Nord ont toujours redouté l'impact des importations sur leur agriculture. Ils ont développé toute une gamme de mécanismes de protection. Citons par exemple :  Les mécanismes d'intervention La Politique Agricole Commune est un exemple significatif : tout produit importé à l'intérieur de l'Union européenne subit un prélèvement variable, sorte de ''taxe'' qui correspond à la différence entre son prix d'entrée et le niveau des prix européens. Inversement, pour vendre et compenser la différence entre le prix mondial et le prix européen, il est versé une subvention à l'exportation, appelée restitution. Parallèlement, les pouvoirs publics interviennent pour l'achat et le stockage quand le prix européen se situe en-dessous d'un prix dit « d'intervention », afin de provoquer une remontée des cours. Les stocks sont écoulés quand les prix remontent au-dessus d'un prix dit « d'orientation ». Les produits périssables, dont le stockage est impossible, sont détruits.  La substitution de produits ou l'utilisation des biotechnologies Certaines denrées, dont les pays du Sud étaient les seuls producteurs, sont maintenant fabriquées industriellement par des biotechnologies ou remplacées par des produits de substitution. Ainsi, en mai 2000, l'Union européenne a voté une directive modifiant la définition de la composition du chocolat pour permettre à diverses huiles végétales de remplacer partiellement le beurre de cacao. Citons également la vanille, dont les exportateurs étaient Madagascar et l'Indonésie. Elle est actuellement produite artificiellement à partie d'essence de pin. Les coûts de production seraient 40 fois inférieurs aux coûts des cultures traditionnelles.  Des droits de douane élevés ou progressifs La protection aux frontières dont bénéficie l'agriculture dans huit des dix pays de l'OCDE était plus forte en 1996 qu'en 1993. Les droits de douane demeurent de l'ordre de 35% pour les produits agricoles (contre environ 4% pour les produits industriels). De plus, ils augmentent généralement à mesure du niveau de transformation des produits. Par exemple, les États-Unis taxent l’importation de la tomate chilienne à 2,2% pour le fruit brut, mais à 8,7% pour la tomate séchée ou mise en boîte et à 11,6% pour la sauce tomate. Cela permet de contribuer à cantonner les pays du Sud dans l'exportation de produits primaires. 5 4. De moins en moins de paysans En France, on recensait 7 millions de paysans après la seconde guerre mondiale. On en compte aujourd'hui moins de 700 000, représentant à peine 4% de la population active. Cet exode rural a touché tous les paysans du Nord. Actuellement, ils ne représentent qu'environ 1% des 1,3 milliards agriculteurs du monde. Population agricole active* (en millions) % / population active du pays % / population agricole active mondiale Union européenne 7,6 4,5 % 0,5 % dont France 0,7 3,5 % < 0,1 % États-Unis 3 2 % 0,2 % Asie 1 040 56 % 80 % dont Chine 511 67 % 40 % Afrique 197 57 % 15 % Russie et pays de l’Est uploads/Geographie/ l-x27-agriculture-de-destruction-massive.pdf

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