SAVOIRS La Chine dans l'espace : un monde à part 27/09/2018 (MIS À JOUR À 07:29

SAVOIRS La Chine dans l'espace : un monde à part 27/09/2018 (MIS À JOUR À 07:29) Par Maxime Tellier    La Chine fête ce 27 septembre le dixième anniversaire de la première sortie d'un taïkonaute dans l'espace. Autrefois à la traîne, le programme spatial chinois a rattrapé une partie de son retard mais s'est développé à l'écart des autres pays. Le taïkonaute Zhai Zhigang lors de la première sortie d'un Chinois dans l'espace le 27 septembre 2008 • Crédits : CCTV - AFP La Chine fait aujourd'hui partie du cercle très fermé des principales puissances spatiales : capable comme les Etats-Unis et la Russie d'envoyer des humains dans l'espace de manière autonome. Mais au-delà de ce symbole au fort impact médiatique, l'objectif du programme spatial chinois demeure terre à terre : LE DIRECT Actualités Savoirs Art et Création Fictions Documentaires Conférences accompagner le pays dans son essor économique et sa volonté de souveraineté. En 2018, le pari est réussi mais au prix d'un certain isolement. La Chine a développé son propre complexe industriel en marge des autres pays et de la plupart des collaborations, un monde à lui tout seul. À LIRE AUSSI Cosmonaute, spationaute, taïkonaute ou astronaute : quel est le bon mot ? L'époque du "grand rattrapage" La première mention d'un projet spatial chinois remonte à 1957, après le lancement de Spoutnik par l'URSS. Mao Zedong lance alors à ses concitoyens : "Nous aussi, nous fabriquerons des satellites !" L'objectif est atteint treize ans plus tard, en 1970, quand Pékin lance Dong Fang Hong 1 (littéralement "L'Orient est rouge"), au sommet d'une fusée Longue Marche. C'est un satellite de propagande qui diffuse l'hymne national en vigueur à l'époque, "L'Orient est rouge". La route est plus longue pour réussir l'étape suivante, envoyer un homme dans l'espace. Mission accomplie le 15 octobre 2003, quand Yang Liwei devient le premier taïkonaute ("homme de l'espace" ou "homme du grand vide" en chinois). Il accomplit quatorze révolutions autour de la Terre en vingt et une heures. Actualités Savoirs Art et Création Fictions Documentaires Conférences Le direct  Mais la conquête ne s'arrête pas là : le 27 septembre 2008, Zhai Zhigang, commandant de la mission Shenzhou 7, enfile son scaphandre et sort une vingtaine de minutes dans le vide spatial ; c'est la première sortie extra véhiculaire effectuée par un Chinois. Zhai Zhigang célèbre l'événement en brandissant le drapeau rouge étoilée de la Mère patrie pour la postérité (voir photo ci-dessus). Les exploits s'enchaînent ensuite : lancement de la première station Tiangong 1 (littéralement "Palais Céleste 1") en 2011, avec un cours de physique très médiatisé en Chine. Il est diffusé en direct à la télévision en 2013 par Wang Yaping, deuxième taïkonaute chinoise dans l'espace (voir vidéo ici). Après quelques missions habitées, la station est abandonnée et la Chine en perd le contrôle : Tiangong 1 est désintégrée lors de sa rentrée atmosphérique le 2 avril 2018 et certains morceaux finissent dans l'océan Pacifique. Après la Lune, objectif Mars Entre temps, la Chine a tout de même réussi à rejoindre le club des puissances lunaires en faisant débarquer un robot motorisé baptisé "Lapin de jade" (Yutu en version originale) en 2013. Ce rover parcourt la surface lunaire mais rencontre un problème mécanique qui le plonge dans de longues phases d'inactivité et il rend l'antenne définitivement en 2016. Le robot de la sonde chinoise Chang'e 3 sur la Lune en décembre 2013 • Crédits : China National Space Administration Actualités Savoirs Art et Création Fictions Documentaires Conférences Le direct  En 2016, Pékin lance le successeur de sa première station, Tiangong 2. Un laboratoire censé être la première brique d'une grande station spatiale qui devrait être habitée à l'horizon 2022, date à laquelle la Station spatiale internationale devrait arriver à la fin de son existence. Des équipes européennes ont d'ailleurs pris contact avec le gouvernement chinois pour y mener des expériences scientifiques. Une fois habitée, la station devrait prendre le nom de Tiangong-3 et pourrait être la première station spatiale chinoise ouverte à une collaboration internationale. Au rayon des projets, Pékin veut aussi construire une base lunaire (peuplée de robots dans un premier temps, puis d'humains dans un second temps d'ici 2030). Un simulateur de base lunaire, le Palais Lunaire, a même été construit à Pékin par l'université de Beihang, spécialisée dans la recherche astronautique, pour reconstituer des séjours de longue durée avec quatre taïkonautes. Pour arriver à ses fins, l'industrie spatiale chinoise se doit de maîtriser des techniques de pointe dont les applications sont précieuses : en matière de systèmes de propulsion, de jeep lunaire, de moyens de télécommunications, etc. "Quand on mène des opérations aussi complexes qu’envoyer des hommes dans l’espace ou une sonde capable d’alunir, on affiche un niveau d’organisation très élevé", explique Philippe Coué, spécialiste du programme spatial chinois, dans un entretien au Monde, "cela prouve la maîtrise d’un ensemble de technologies très sophistiquées, et projette l’image d’un pays très moderne. Ce genre de programme sert aussi un objectif de cohésion nationale (...). Démontrer de telles capacités permet de fixer les meilleurs étudiants chinois, enclins à partir à l’étranger (...)." L'espace : une ambition stratégique Actualités Savoirs Art et Création Fictions Documentaires Conférences Le direct  La Chine a maintenu ses ambitions malgré les échecs : la perte de la station Tiangong 1 en 2018 mais aussi le lancement raté d'une fusée Longue Marche 5 à l'été 2017. Ce lanceur lourd devait mettre en orbite un satellite de communications ; une déconvenue qui a entraîné le report du lancement de la sonde Chang'e 5, qui devait ramener des échantillons du sol lunaire en 2017. Cette mission ne se posera finalement sur la Lune qu'en 2019, a annoncé l'agence officielle Chine nouvelle. En revanche, la mission du robot de Change 4 est maintenue : il doit se poser sur la face cachée de la Lune en décembre 2018. Au delà de la Lune, les Chinois visent Mars : ils veulent envoyer un vaisseau autour de la planète rouge aux environs de 2020 avant d'y envoyer un robot téléguidé par la suite. Mais si la Chine a fait d'énormes progrès pour combler son retard, le pays ne peut pas prétendre à la première place. "Les Etats-Unis continuent de faire la course en tête à la fois au niveau qualitatif et quantitatif. Les Américains lancent beaucoup de fusées ainsi que des satellites extrêmement sophistiqués", précise Jean-Yves le Gall, "En 2e ex-æquo, je mettrais l'Europe et la Chine. L'Europe d'un point de vue qualitatif car elle lance des satellites à la pointe au niveau technologique et la Chine d'un point de vue quantitatif car le pays en lance énormément. Il se pourrait qu'en 2018, la Chine soit le pays qui en lance le plus au monde... La raison est simple : ses satellites ont une durée de vie limitée par rapport aux nôtres, cela nous permet d'en lancer moins". Les Etats-Unis freinent le développement de la Chine Pékin a très bien compris que l'espace permet de jouer dans la cour des grands, comme disait le général de Gaulle. Après la terre, la mer et l'air, l'espace est le quatrième élément qu'il faut maîtriser lorsque vous voulez compter sur la scène mondiale. Aujourd'hui, il y a six puissances spatiales : les Etats-Unis, l'Europe, la Chine, l'Inde, la Russie et le Japon... Ce sont ces mêmes pays qui ont un poids très fort au niveau de la diplomatie internationale parce que le spatial permet une palette gigantesque d'applications ; il est donc très important d'être présent dans l'espace ! Jean-Yves le Gall, président du Centre national d'études spatiales (Cnes)  Actualités Savoirs Art et Création Fictions Documentaires Conférences Le direct  • Crédits : Forrest Anderson / The LIFE Images Collection - Getty Mais dans le monde de l'espace commercial, la Chine doit surtout faire avec un gros handicap par rapport à ses concurrents : "Pékin n'a pas le droit de lancer de satellites qui contiennent des composants américains", explique Jean-Yves le Gall, "on appelle cela la réglementation Itar". Cette législation américaine (dont l'acronyme signifie "International traffic in arms regulations", réglementation sur le trafic d'armes au niveau international) est un outil précieux détenu par Washington dans la guerre commerciale qui l'oppose à ses rivaux : la réglementation Itar permet aux Etats-Unis de contrôler les importations et exportations de biens jugés sensibles pour la sécurité nationale du pays. "La Chine est un monde spatial à part, elle fabrique des satellites, les lance mais ne peut pas lancer de satellites occidentaux, sauf s'ils sont Itar free, sans composants américains". Ainsi, Pékin n'est pas un concurrent sérieux pour l'Europe et pour la fusée Ariane, leader mondial dans le lancement de satellites... "Une situation qui n'est pas près d'évoluer vu l'état des relations politiques entre la Chine et les Etats-Unis". L'isolement de Pékin dans le domaine spatial "tient essentiellement à la politique nord-américaine vis-à-vis de la Chine", complète Isabelle Sourbès-Verger, géographe et spécialiste du programme spatial chinois, "à la fin des années 1990, le Rapport Cox a uploads/Geographie/ la-chine-dans-l-x27-espace-un-monde-a-part.pdf

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