Etudes A cta P o lo n iae H isto ric a 54, 1986 PL, IS SN 0001-6829 Andrzej Dzi
Etudes A cta P o lo n iae H isto ric a 54, 1986 PL, IS SN 0001-6829 Andrzej Dziubiński LA FABRICATION ET LE COMMERCE DU SUCRE AU MAROC AUX XVIe ET XVIIe SIÈCLES La culture de la canne à sucre et la fabrication du sucre re montent au Maroc au IXe siècle, mais leur plus grand développe ment correspond au règne de la dynastie saadienne 1 . La principale région de la culture de la canne à sucre au Maroc était la vallée du Sous longue d’env. 150 km. Elle est fermée à l’Est par le massif volcanique du Siroua, à l’Ouest elle est baignée par l’océan Atlan tique. Sa largeur moyenne d’env. 30 km est déterminée par les chaînes montagneuses du Haut Atlas et de l’Anti-Atlas. Grâce aux eaux phréatiques et à la fonte printanière des neiges dans le Haut Atlas, la vallée a une bonne irrigation, compte tenu des conditions marocaines. Les sols y sont fertiles. Selon A. Bernard, « ce n’est plus le Tell, mais ce n’est pas encore le Sahara. Avec son atmo sphère sèche et ses eaux abondantes, c’est, si l’on veut, une petite Egypte, mais c’est un bien pauvre Nil que l’Oued Sous » 2 . C’est que les proportions doivent être gardées dans cette comparaison. 1 La prem ière étude sur le sucre au Maroc, très succincte, est de A. B e r b r u g g e r , La canne à sucre et les Chérifs du Maroc au X V Ie s., « Revue A fricaine », vol. VI, Paris 1862, n° 32, pp. 116-119. Depuis, c’est P. B e r t h i e r qui, il y a une trentaine d’années, a entrepris des recherches archéologiques dont les résultats ont été publiés sous le titre : Les anciennes sucreries du Maroc et leurs réseaux hydrauliques, vol. 1-2, Rabat 1966. 2 A. B e r n a r d , Le Maroc, Paris 1932, p. 164. www.rcin.org.pl 6 A N D R Z E J D Z IU B IŃ S K I Toute l’étendue de la vallée n’était pas cultivée. A la fin du XIXe siècle, le voyageur Ch. de Foucauld avait remarqué que dans une bande seulement d’une largeur totale d’env. 7 à 10 km de part et d’autre de l’Oued Sous s’étendaient des cultures, principalement depuis la ville de Taroudant jusqu’à l’océan, soit sur une distance de 80 km. Au déclin du Moyen Age, l’irrigation de la vallée était, il est vrai, plus abondante du fait du boisement plus important qu’aujourd’hui des versants montagneux, mais une grande partie des sols précédemment cultivés avait été changée en pâturages restant aux mains des tribus nomades. Au XVIe siècle, sous les Saadiens qui avaient fait de la vallée du Sous le berceau de leur domination, les nomades avaient dû quitter les terrains agricoles qu’ils occupaient3 . Malgré cela, les agriculteurs qui, à l’époque présaadienne, cultivaient principalement l’orge, avaient dû rendre, après 1516, une grande partie du sol pour les plantations de la canne à sucre. De la canne dont la culture n’a pas disparu depuis son introduction au Maroc par les Arabes, quoiqu’elle ait connu diverses vicissitudes. On plantait autrefois aussi la canne à sucre dans les régions du Maroc situées plus au nord. Au début du XIVe siècle, Al Omari citait les environs de Marrakech, donc la vallée d’Asif Nfis creusée dans les versants nord du Haut Atlas, où il devait se trouver un nombre plus important de moulins à sucre que dans le Sous. Il mentionne aussi des plantations dans les environs de Salé et de Ceuta 4 . Au XVIe siècle, des moulins à sucre et des plantations se trouvaient aussi dans la province maritime du Haha sur l’Oued Qsob. L’Espagnol Luys del Marmol et Jean-Léon l’Africain citent en outre les plantations de la canne à sucre de Khemis Matghara 3 A. D z i u b i ń s k i , Les Chor ja Saadiens dans le Sous et à Marrakech jusqu’en 1525, « Africana Bulletin », Varsovie 1969, n° 10, pp. 31 - 51. 4 A 1 O m a r i , Masalik el Absar fi Mamalik el Amsar. L’Afrique, moins l’Egypte, trad, et annoté par Gaudefroy-Demombynes, Paris 1927, pp. 176, 196. Cf. G. D e v e r d u n , Marrakech des origines à 1912, vol. I, R abat 1959, pp. 47, 284 - 286. Al Omari avait des inform ations contradictoires sur la qualité du sucre m arocain au XIVe s. D’après lui, le raffinage perm ettait d’obtenir des dem i-produits nommés qand et sukkor mukarrar qui servaient à la fabrication du sucre d’une qualité moyenne. Cependant il semble con naître le sucre blanc marocain égal en qualité au sucre d’Egypte. www.rcin.org.pl FABRICATION ET COM M ERCE D U SUCRE 7 (Hamiz Metagara), relativem ent près de Fès, en bordure de la route allant de cette ville dans la province du Tadla 5 . Ces plan tations avaient été créées en 1492 par des émigrants musulmans de Grenade. Elles ont cependant été détruites en septem bre 1545 sur l’ordre du chérif Mohammed ech Cheikh et les planteurs, env. 300 Morisques, massacrés. Bien que cet acte de terreur, commis par le Saadien pendant la guerre menée en ce temps par lui pour Fès avec le dernier sultan ouattaside, ait été dicté, comme l’affir m ent les sources, par le désir d’exercer une pression sur l’adver saire, nous pouvons y voir aussi une m otivation économique. Probablement, la destruction des cultures de la canne à sucre dans les frontières de l’Etat des Ouattasides dans le nord du Maroc était 5 L’Afrique de Marmol de la traduction de Nicolas Perrot sieur d’Ablan- court (dans la suite cité Marmol), vol. II, Paris 1667, p. 155. Le chroniqueur turco-égyptien Mustafa Djennabi appelle cette localité Ain el Khemis (E. F a g n a n, Extraits inédits relatifs au Maghreb, Alger 1924, p. 343) www.rcin.org.pl 8 A N D R Z E J D Z IU B IŃ S K I due à la crainte de l’éventuelle concurrence de ces plantations pour les cultures analogues du Sous saadien. Après la conquête du Maroc par la dynastie saadienne (1549), il manque pour la seconde moitié du XVIe siècle d’informations sur les plantations de la canne à sucre au nord de la rivière d’Oumm er Rbia. Les débuts de la culture intense de la canne à sucre dans le Sous, dans les environs de Taroudant, menée sous le patronage de l’Etat des Saadiens, datent de 15166 . Ces débuts et la première étape de la fabrication du sucre dans cette région sont attachés à la personne du chérif Mohammed ech Cheikh. Sans doute l’observation de la culture de cette plante, menée en ce temps principalement par les habitants entreprenants de Tiout et de Tidsi, deux villes situées à env. 30 km au sud-est et au sud-ouest de Taroudant, avait donné au chérif l’idée de développer les plantations sur une grande échelle. En ce temps, la vente du sucre brun (mélasse), malhabilement purifié, se faisait essentielle ment dans les frontières du Maroc, à Marrakech et à Fès, mais certaines quantités allaient même au-delà du Sahara, parvenant par l’intermédiaire des marchands noirs jusqu’au Soudan7 . A Tiout, l’unique moyen de paiement était la poudre d’or (tibr), et bien que les marchands soudanais y aient acheté non seulement le sucre, cette marchandise devait constituer un important pourcentage des revenus de la ville dans le commerce avec le Soudan. Tidsi et Taroudant avaient reconnu le pouvoir saadien dès 1514, et comme Tiout était resté encore un certain temps indépendant, les efforts de Mohammed ech Cheikh s’étaient concentrés sur l’agrandissement de Taroudant destiné à devenir capitale de la province et centre des plantations. Caractéristique sous ce rapport est la phrase de Diego de Torres : « y juntamente plantaron [les Saadiens — A.D.] por la comarca muchas canas de açúcar y hizieron un ingenio que fue el f undamento de perseverar en aquella pobla- 6 D. d e T o r r e s , Relación del origen y suceso de los xarifes y del estado de los reinos de Marruecos, Fez y Tarudante, elaboré et annoté par Mme M. G a r c i a - A r e n a l , Madrid 1980, p. 66 (édition originale : Se ville 1586). 7 J. L. l’ A f r i c a i n , Description de l'Afrique, nouvelle édition trad . de l’italien par A. Epaulard et annotée par A. Epaulard, T. Monod, H. Lhote et R. Mauny, Paris 1956, vol. I, pp. 89, 93. www.rcin.org.pl F A B R IC A T IO N E T C O M M ERCE DU SU C R E 9 ción » 8 . En instaurant dans le Sous la sécurité publique, inconnue dans la province depuis la chute des Mérinides dans le sud du Maroc au milieu du XIVe siècle, et en se soumettant les nomades dont une uploads/Geographie/ la-fabrication-et-le-commerce-du-sucre-au-maroc.pdf
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- Publié le Dec 29, 2021
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