Mohamed Sifaoui Où va l'Algérie ? ... et les conséquences pour la France LES ÉD

Mohamed Sifaoui Où va l'Algérie ? ... et les conséquences pour la France LES ÉDITIONS DU CERF © Les Éditions du Cerf, 2019 www.editionsducerf.fr 24, rue des Tanneries 75013 Paris ISBN 978-2-204-12797-4 Il est temps pour chaque Algérien de définir clairement sa position, avant qu'il ne soit trop tard. Le silence est pour le pouvoir la meilleure couverture, à l'abri de laquelle il cherche à imposer au pays un régime à sa convenance, fait de contrainte et d'arbitraire. MOHAMED BOUDIAF, Où va l'Algérie ?, 1964 Sommaire Avant-propos Introduction Partie I – Un passé mythifié et un présent humilié 1. Éléments de contexte 2. Au commencement, le « clan d'Oujda » 3. De Ben Bella à Bendjedid (1962-1992) : trois décennies d'errance 4. Octobre 1988 : une émeute n'annonce jamais le printemps ! Partie II – L'utopie démocratique 5. Les islamistes algériens : le danger permanent 6. La « décennie noire » 7. Le faux « sauveur » Partie III – Un avenir incertain 8. Bouteflika a tué la politique 9. Pays riche, peuple appauvri 10. Une société sacrifiée 11. Que voir dans le brouillard algérien ? 12. Le témoin inattendu 13. Multitudes de scénarios en temps d'incertitudes Conclusion Avant-propos Cet ouvrage n'est pas un pamphlet et si, parfois, il risque d'en prendre les allures, il ne s'agit pas non plus d'un texte à charge. Pourtant, il sera perçu comme tel. En vérité, combien est ardue la tâche de trouver des éléments objectifs susceptibles d'atténuer la responsabilité du régime algérien. Le regard sévère porté par ce livre est lié, fallait-il le préciser, à la nature même de ce pouvoir qui s'évertue, sous des airs de sérieux et de respectabilité, à annihiler toute perspective optimiste pour l'Algérie. L'observateur averti pourrait s'interroger : serait-ce une destruction volontaire et programmée de ce formidable pays aux immenses potentialités ou alors le simple résultat d'une incompétence manifeste des dirigeants de cette Nation ? Si je devais citer une œuvre pour illustrer mon propos, ce serait La Dunciade de Charles Palissot qui s'ouvre sur un chant intitulé La Lorgnette : « Le sot a beau se déguiser en sage, le charlatan s'ériger en Canton, on les connaît. Vainement un poltron prendrait les traits d'un homme de courage, En vain Bardus se croirait Cicéron, le masque tombe... » En l'espèce, les responsables algériens, assumant leurs faits et gestes, leurs déclarations et, comme nous le constaterons, parfois leurs délires, n'ont même plus besoin de masques. Ils avancent désormais à visage découvert consacrant la mauvaise gouvernance, l'absence de démocratie et la corruption comme un art de vivre. À travers la nitescence d'une démonstration, on pourrait peut-être y distinguer de la violence. En réalité, la chose est plus simple : le ton de ce livre se veut clair et si d'aventure une colère était perceptible, elle n'est que la conséquence d'une réaction saine et légitime que dégage toute personne ayant un quelconque lien – historique, affectif ou familial – avec l'Algérie. Mais de plus, je ne cesse de le rappeler : on ne peut pas, journalistiquement parlant, aborder la situation d'un pays régi par des règles antidémocratiques comme on traiterait une démocratie. Cela n'est pas faisable pour plusieurs raisons. D'abord, dans ce type de gouvernance on ne communique pas, on excelle dans l'art de la propagande tout en marginalisant les voix discordantes. Difficile, sinon impossible, d'interviewer, sous la lumière et sans langue de bois, de vrais responsables et non pas leurs hommes de paille. Ici, je n'y suis arrivé qu'en garantissant l'anonymat à mes interlocuteurs. Ensuite, les professionnels des médias qui agissent en toute indépendance ne sont pas respectés, ils sont plutôt perçus comme des « ennemis », au mieux comme d'hostiles adversaires. On leur préfère de serviles journalistes susceptibles de faire complaisamment écho aux manipulations du régime. La question relative à la domestication de la presse est d'ailleurs une véritable obsession dans ce type de pouvoir. Avec les réseaux sociaux et l'émergence d'internet, même le blogueur, commentateur de son quotidien, est considéré comme un danger potentiel. Enfin parce qu'il est impossible de parler librement d'un « système{1} » quand celui-ci ne respecte pas lui-même les principes élémentaires de la liberté d'expression, d'opinion et de création et qu'il sanctionne donc, d'une manière ou d'une autre, ceux qui discutent de son caractère inique. Comment évoquer en effet un régime autoritaire ? Comment traiter une gouvernance qui bafoue sa Constitution et ses propres lois fondamentales ? En banalisant son fonctionnement ? En normalisant, avec fatalité, ses agissements au prétexte que, de toute façon, les dirigeants de ce pays balayent les pratiques démocratiques ? En usant d'occultation face aux graves manquements ? En faisant abstraction de la gabegie qui caractérise le système algérien ? Je crois qu'il incombe à chaque auteur, dans une démarche principielle et de manière assumée, de lever, sur le devant de l'estrade, cette anomalie : le sujet abordé est lié à une entité illégitime et il n'est pas possible de traiter intellectuellement un régime réfractaire à la bonne gouvernance comme on traiterait le comportement d'une démocratie. Il est fondamental de le rappeler : tout ne se vaut pas ! Et, de ce point de vue, une administration autoritaire, commandée par un autocrate et sa clique, n'est pas la sœur jumelle, ni même la cousine éloignée, d'un gouvernement légaliste régi par les règles d'un État de droit, par des institutions légitimes, librement élues et garantissant l'exercice, sans entraves, des contre-pouvoirs, au premier desquels : la justice et la presse. Les dirigeants algériens, je le sais pour avoir déjà eu l'occasion de discuter avec un certain nombre d'entre eux, rêvent d'être considérés, par les médias occidentaux notamment, comme les responsables d'un « pouvoir normal ». Eux qui sont constamment branchés sur les chaînes internationales, quand ils ne sont pas présents physiquement à Paris (ou ailleurs en Europe), s'identifient, de temps à autre, à tel ou tel homme politique français ou européen et tentent, à travers des pirouettes langagières ou des contorsions sémantiques, de comparer les « affaires » qui ternissent parfois la vie publique française avec ce qu'il leur est reproché. Au passage, ils s'évertuent à occulter deux sujets essentiels qu'il est nécessaire de leur signifier : d'une part, contrairement à leurs homologues agissant dans des démocraties, certes imparfaites, ils servent un régime illégitime, car n'émanant pas, sinon en apparence, d'une réelle volonté populaire et, d'autre part, la justice algérienne est totalement aux ordres du pouvoir, instrumentalisée par celui-ci et ne peut jouir d'aucune indépendance. C'est dire qu'établir un quelconque parallèle entre la corruption endémique qui frappe une Nation – comme l'Algérie – ne disposant pas de contre-pouvoirs et les scandales qui entachent ponctuellement les démocraties et qui, par ailleurs, sont largement médiatisés, poursuivis et condamnés relèverait sinon d'une malhonnêteté intellectuelle, d'une indécence sans limites. Sans exagération, comme le disent si bien certains Algériens, « dans ce pays, il est plus facile de compter les responsables honnêtes que les corrompus ». Je fais ces précisions à l'adresse de tous ceux qui ont eu l'amabilité de me rencontrer et qui, au détour d'une question portant sur les malversations financières ou d'autres fraudes, ont voulu minimiser ces faits en s'essayant à de risibles comparaisons entre les « affaires » reprochées à plusieurs caciques du régime algérien et les cas d'un Jérôme Cahuzac en France par exemple ou celui d'un Luca Parnasi, entrepreneur romain accusé d'avoir distribué des pots-de-vin dans le cadre de la construction du nouveau stade de la capitale italienne. Affaire qui avait, durant l'été 2018, ébranlé le gouvernement transalpin et notamment les populistes du Mouvement « 5 étoiles ». À l'un de mes interlocuteurs qui justement a osé brandir devant moi, comme un argument tranchant, le cas de l'ancien ministre socialiste qui mentait « les yeux dans les yeux », j'ai rappelé que ce « pauvre » Cahuzac n'avait plus aucun avenir politique et qu'il a été jugé et condamné, alors que les corrompus, parmi les responsables algériens, étaient toujours en mesure d'obscurcir l'avenir de ceux qui oseraient dénoncer leurs agissements et même d'emprisonner leurs accusateurs, y compris lorsque ceux-ci sont juges ou journalistes. Je crois donc qu'il est nécessaire, dans chaque approche visant à étudier la nature d'une entité politique, d'insister ex abrupto sur la réalité de ce même régime pour poser le sujet et définir ses contours. Ceci pour rappeler qu'en termes de gouvernance, la Chine n'est pas la Norvège, la Russie n'est pas l'Australie, la Syrie n'est pas le Danemark et l'Algérie n'est pas le Canada. En l'espèce, de quoi allons-nous traiter ? D'hommes s'étant approprié les attributs de la souveraineté, ayant indûment confisqué une terre et ses richesses et non pas du fonctionnement d'un pouvoir légitime démocratiquement et librement élu. Que la chose soit dite ! Aussi, s'il s'agit d'évoquer la motivation qui a animé l'écriture de ce livre, et puisque les questions autour de « l'objectivité » et « l'honnêteté » des journalistes sont régulièrement mises en avant, je pense que celles-ci doivent se manifester en préambule pour préciser que c'est justement dans un esprit d'objectivité et uploads/Geographie/ mohamed-sifaoui-ou-va-l-x27-algerie-et-les-consequences-pour-la-france.pdf

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