La Géomancie : Mise ‘aux points’ Par Melmothia 12 janvier 2006 La géomancie est

La Géomancie : Mise ‘aux points’ Par Melmothia 12 janvier 2006 La géomancie est une technique divinatoire basée sur le tirage au hasard de figures, chacune composée de quatre étages pouvant comporter un ou deux points. Tandis que le cousin Yi-king admet 64 hexagrammes sur le même principe -des figures composées de lignes d’un ou deux points [1], la géomancie n’en compte que 16. On ignore cependant à quelle époque ni comment ce nombre s’est fixé. Le terme vient du bas latin geomantia, lui-même issu du grec guéo-mantéia, et signifie littéralement « divination par la terre ». Une confusion, imputable aux missionnaires chrétiens parcourant la Chine au XIXe siècle, a consisté à nommer géomancie l’art ancestral du feng-shui. Si les termes sont désormais distincts dans le lexique français depuis les années 70, il n’en est pas de même dans toutes les langues, notamment chez les anglo-saxons où geomancy tend à désigner indifféremment les deux domaines. Cette confusion vient s’empiler sur une première : Paul Tannery, qui s’est attaché le premier à retracer l’histoire du mot, souligne que, bien que d’étymologie grecque, le terme géomancie n’apparaît dans aucun manuscrit en grec ancien pour désigner cette forme de divination. Les Arabes emploient raml (sable) tandis que les auteurs byzantins utilisent rabolion. Le terme geomantia, quant à lui, désigne dans l’Antiquité l’interprétation des signes naturels liés à la terre : éruptions volcaniques, tremblements de terre, etc. Son emploi pour désigner « l’art de faire des points dans le sable » daterait du Moyen Age, époque où l’on s’efforce de faire rentrer le rabolion dans la classification élémentaire des arts divinatoires, toujours très en vogue depuis Varron. Puisqu’on a l’hydromancie, la pyromancie et aéromancie, il peut sembler commode de ranger la géomancie dans le tiroir du quatrième compère avec rime en – mancie. A la fin du Moyen Age, le terme géomancie ne s’appliquera désormais plus qu’à la technique orientale de divination par les points. Exit les secousses sismiques. Si je vous parle de ces glissements lexicaux, a priori anecdotiques, c’est que des générations entières d’auteurs s’appliquent à aborder la géomancie par l’étymologie du terme. Or, penser que celle-ci est susceptible de livrer une vérité sur l’objet est déjà hasardeux ; dans le cas de la géomancie, l’étymologie étant d’emblée capricieuse, la démarche est doublement erronée. Erronée, mais pas innocente. Le flou idéologique qui s’ensuit va servir cette manie de sacralisation très à la mode dans le domaine divinatoire. On lit ainsi que la géomancie permet la connexion avec les esprits profonds de la terre, les énergies du sous-sol, notre grande mère Gaïa, ou d’autres salades du genre. Elle ne moud pas encore le café mais ça devrait venir. Or le fait de travailler, les mains dans le sable ou avec des cailloux, n’implique en rien que les forces telluriques soient convoquées à la fête. D’autant que si l’on considère les figures, celles qui sont liées à l’élément Terre ne sont pas les plus sympathiques. Si Cauda draconis a en effet le pouvoir de vous ramener à la Terre-Mère, c’est de préférence en transitant par la racine des pissenlits. Je vous suggère donc de laisser Gaïa tranquille. Non qu’il soit impossible de travailler avec les Eléments ou les archétypes, cependant la plupart des affirmations visant à attribuer des super pouvoirs aux supports divinatoires sont des envolées lyriques purement décoratives, un peu comme si je vous disais que de mettre des glaçons dans votre martini allait vous mettre en contact avec les Dieux inhuits. Si la géomancie utilise parfois de la terre ou du sable, elle n’est en aucun cas un vecteur de forces transcendantes ou primordiales. Elle se contente d’être une technique divinatoire, et c’est déjà pas si mal. 1. La science du sable Les origines de la géomancie continuent à alimenter les querelles d’historiens, certains la souhaitant chinoise, indienne, perse ou grecque. S’il n’est pas exclu que les premiers théoriciens aient pu trouver ailleurs les bases permettant d’élaborer ce système, il n’en reste pas moins que cet art s’est développé sous la forme que nous lui connaissons dans le monde arabe. Outre que les premiers traités qui nous sont parvenus sont en langue arabe, le sens de construction des figures et leur placement dans l’Ecu, de droite à gauche, laisse supposer que la géomancie est née ou a été transformée au sein d’un peuple maniant une langue sémitique. Les textes grecs et latins, dont aucun n’est antérieur au XIIIe siècle, sont tous tributaires des œuvres arabes et se donnent souvent comme des traductions. Quant aux différentes formes contemporaines, présentes notamment sur le continent africain, elles dérivent toutes de la géomancie arabe médiévale véhiculée par les conquêtes de l’Islam : « L’expression arabe traditionnelle est « Khet’t er Remel », « écriture sur le sable »; cette racine « Rmel », ou « Raml », se retrouve au Soudan où le procédé est nommé « Ramouli », aux Comores où nous avons « Ramli », à Byzance, avec « Ramplion » ou « Rabolion ». L’appellation Bambara «laturu» viendrait de l’arabe « al teret », la terre. Mais par ailleurs, les Sara –sud du Tchad- nomment la géomancie « Gara » de « qr’ » qui désigne en arabe le fait de lire, d’étudier (Koran a la même origine). A Madagascar, la géomancie se dit « Sikidy », de « sikl» qui est « figure » en arabe. Etc. » [2]. Au XIIe siècle, la géomancie arrive en Europe avec les sarrazins. Les figures prennent alors des noms latins. Ces appellations demeurent, parallèlement avec leur traduction dans la langue en usage dans chaque pays : fortuna, cauda draconis, etc. (prononcez fortouna et caoda draconiss pour faire savant). Désormais, les textes se multiplient, des traités souvent recompilés à partir des mêmes sources qui seront imprimés et traduits dans presque toutes les langues européennes. Aux textes arabes va ainsi s’ajouter un énorme corpus de traités en latin et en langue vulgaire. A la renaissance la géomancie connaît un grand succès, avant de tomber en désuétude supplantée par d’autres arts divinatoires, plus accessibles aux classes populaires notamment l’astrologie. Elle subira aussi la montée du rationalisme qui la relègue au rang des superstitions. Il faudra attendre les cercles occultistes du XIXeme et du début du XXe siècle pour la voir revenir à la mode et finalement, gagner le grand public. 2. De nos jours L’avantage de la géomancie, par rapport à d’autres supports de divination comme les Tarots ou les runes dont les vocations premières sont toujours sujettes à débat, c’est qu’elle a été d’emblée conçue pour la voyance. Ce constat n’en fait pas un meilleur outil, plus performant ou calibré, mais contribue à diminuer considérablement la consommation d’aspirine des chercheurs. Car s’il demeure des points encore sujets à discussions, ils ne sont pas susceptibles de bouleverser le regard que nous avons sur cet art dont l’histoire et les techniques sont plutôt bien connus. L’étude des traités d’origine arabe a été inauguré à la fin du XIXeme siècle par Paul Tannery et Carra de Vaux (Mémoires scientifiques, 1920), puis poursuivie par des chercheurs contemporain comme Thérèse Charmasson (Recherches sur une technique divinatoire: la géomancie dans l’occident médiéval, 1979). Par ailleurs, tandis qu’elle déclinait au XVIeme siècle en Occident, des voyageurs observent en Afrique des pratiques de géomancie qu’ils décrivent dans leurs ouvrages. A ce corpus s’ajouteront les observations d’éthnologues contemporains comme Robert Jaulin (La géomancie, analyse formelle, 1966) ou Wim van Binsbergen. A l’heure actuelle, la géomancie est, de tous les arts divinatoires, le plus répandu en Afrique et dans la péninsule Arabique, avec des variations d’appellations et de pratiques selon les cultures. Au cours des siècles, se sont ajoutés des innovations, transformations, enrichissements. Chacun y est allé de sa petite réforme et les bâtonnets ont pris la couleur locale. Carte extraite de Géomancie, Pratiques et interprétations Philippe Dubois, Albin Michel 1987. Il n’y a donc pas une ni même dix formes de géomancie, mais des centaines de variations autour de quelques principes communs, auxquelles s’ajoutent des prescriptions étrangères au système lui- même, de nature culturelle ou religieuse. Les techniques comme le matériel utilisé vont donc énormément varier d’une culture à une autre: graines jetées sur un support à Madagascar, noix de kola ou de palme en Afrique occidentale et équitoriale. Au bas Dahomey, ce sont des demi noyaux de mangue qui sont utilisés. Le tirage peut se faire à même le sol ou sur un support (planche à sable des Comores, plateau de Fa du Dahomey), etc. En Europe, si les premiers ouvrages ‘modernes’ sur la géomancie divinatoire datent des années 30, avec notamment le livre d’Hadji Khamballah, La géomancie traditionnelle, cet art connaît surtout un essor dans les années 80, en même temps que d’autres techniques divinatoires. A l’heure actuelle, l’Occident contemporain connaît deux façons d’aborder la géomancie: - Soit en tirant une ou plusieurs figures isolées, méthode en cours dans la tradition africaines et adoptée notamment par Maud Kristen dans son ouvrage La pratique des arts divinatoires. - Soit en suivant la tradition médiévale qui uploads/Geographie/ la-geomancie-mise-aux-points.pdf

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