Préparation de la XI e Semaine de la langue française et de la francophonie (17

Préparation de la XI e Semaine de la langue française et de la francophonie (17-26 mars 2006) en Rhône-Alpes Journée de rencontre régionale “ Le français en partage… pour quoi faire ? ”, Lyon, 15 novembre 2005 Contact : Espace Pandora - 04 72 50 14 78 – espacepandora@free.fr 1 “ LE FRANÇAIS EN PARTAGE… POUR QUOI FAIRE ? ” Rencontre régionale Rhône-Alpes Mardi 15 novembre 2005 — MJC Monplaisir (Lyon) Langue française et francophonie Jack Batho directeur de l’évaluation et de la programmation (Agence intergouvernementale de la Francophonie – Paris) La francophonie, communauté linguistique ou système de valeurs ? Bonjour, Trois préambules très rapides : 1/ D’abord un jeu – vous aviez à l’instant une carte sur l’écran derrière moi… eh bien, elle est fausse ! Et je vous poserai à la fin la question de savoir quelle est l’erreur… 2/ Le titre que l’on m’a confié, “ La francophonie, communauté linguistique ou système de valeurs ? ”, est une question à laquelle je ne vais pas répondre. Je vais répondre à cette question par d’autres questions. Je vais en réalité accumuler les questions pendant cet exposé. 3/ Et puis, troisième préambule, j’ai entendu tout à l’heure quelque chose qui m’a un peu gêné dans l’un des exposés… que la francophonie soit porteuse de valeurs, cela fera partie des questions que je vais poser. Que la langue française porte des valeurs, là ça me met un petit peu mal à l’aise ; ça a été l’un des vieux refrains de ces vingt dernières années que de dire que le français avait une essence particulière qui en faisait LA langue de la démocratie, LA langue des droits de l’homme ; certains ont même dit que c’était la langue de l’intelligence… quelle prétention ! Quelle prétention, et quel mépris à l’égard des autres langues ! Chaque langue porte une vision du monde particulière. Je ne suis pas sûr qu’il y ait une différence considérable entre les visions du monde portées par l’italien ou portées par le français ou l’espagnol ; en revanche, une langue bantoue ou asiatique porte vraisemblablement une vision du monde très différente. Mais que les langues portent des valeurs, méfions-nous de ces affirmations qui, je crois, nous portent tort à l’étranger. Une langue peut porter beaucoup de choses, des plus merveilleuses et formidables aux plus épouvantables. On peut dire l’horreur du monde dans une langue et on peut dire sa beauté. Je crois qu’il faut, là-dessus, se débarrasser d’un discours prétentieux qui nous a porté tort. J’en viens à ma propre introduction, qui consiste à dire qu’il faudrait faire le ménage. Et je crois que puisque vous préparez l’année 2006, il est important de faire un peu le ménage des mots et des idées, et je suis un peu embarrassé de voir que nous vivons sur ce terrain, celui de la langue française et de la francophonie, dans une espèce de confusion assez peu digne d’un pays comme la France, qui se pique d’une très grande clarté dans sa vision du monde, dans les concepts qu’il utilise… “ Tout ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ” etc. Or, dans le cas présent, on est pris en flagrant délit de supercherie, de confusion. Un exemple : on utilise un même mot, francophonie, pour désigner deux choses très différentes. Préparation de la XI e Semaine de la langue française et de la francophonie (17-26 mars 2006) en Rhône-Alpes Journée de rencontre régionale “ Le français en partage… pour quoi faire ? ”, Lyon, 15 novembre 2005 Contact : Espace Pandora - 04 72 50 14 78 – espacepandora@free.fr 2 Francophonie, le mot désigne à la fois un concept linguistique – le fait de parler français, tout le monde peut le comprendre – mais également, depuis déjà une cinquantaine d’années, un concept politique. Et j’ai presque envie de demander, chaque fois que quelqu’un parle de “ francophonie ” : “ Mais de quoi parlez-vous ? De quelle francophonie parlez-vous ? Comment l’entendez vous ? ”. Il se trouve que dans la Francophonie multilatérale, au sein de laquelle je travaille (je vais donc plutôt parler en tant qu’“ international ” qu’en tant que français) nous mettons un F majuscule à “ Francophonie ”, pour éviter les contresens, et nous donnons à ce mot-là un sens autre que celui qui consiste à dire “ parler français ”. Il se trouve que cette Francophonie multilatérale a pris comme mot-support un concept linguistique ; c’est bien embêtant, et nos amis britanniques ont plus de chance avec leur “ Commonwealth ” (l’équivalent de “ communauté ”). Si la Francophonie multilatérale s’appelait dans le texte “ La Communauté ”, on n’aurait pas ce malentendu. Dans le cas présent, on est un peu piégé par les mots, et je reviendrai là-dessus à plusieurs reprises. En réalité, je vous encourage à débusquer en permanence ce malentendu. Et je fais de même avec mes collègues de l’Agence. Quand nous parlons de nos pays membres, on a parfois des glissements de sens un peu embêtants, on finit par dire “ les pays francophones ”. Alors je leur dis non, ce sont “ les pays membres de la Francophonie ” ! Ce n’est pas la même chose. Si vous dites que la Bulgarie est un pays francophone, c’est un petit peu embarrassant quand même, alors que si vous dites que c’est un pays membre de la Francophonie, il n’y a aucun problème. J’ai vécu, il y a quelques années, comme je suis à moitié britannique, une occasion assez inouïe de faire un exposé en anglais à l’ENA devant de jeunes diplômés américains du Département d’Etat en tournée en Europe. Il fallait que je leur explique en anglais ce que c’est que la Francophonie. Alors vous avez le choix, quand vous devez parler anglais, ou bien vous dites “ the Francophonie ”, ce n’est pas très courageux, mais vous ne traduisez pas et ils se débrouillent, ou bien vous traduisez. Et si vous traduisez, vous direz “ the French-Speaking Countries Organization ”, c’est-à-dire “ l’Organisation des pays où on parle français ”. Alors, ils avaient leur liste sous les yeux et, hilare, l’un d’entre eux me dit : “ La Bulgarie est donc un pays où on parle français ? Vraiment, je ne savais pas ! C’est inouï, les choses qu’on ignore ! ”. Autrement dit, il se moquait de moi. Et on se trouve là exactement au cœur de ce malentendu qu’on a tout à fait intérêt à démolir, à démonter, si l’on veut construire pour demain quelque chose qui soit viable, porteur, pour ne pas raconter d’histoires, ne pas se mentir. Justement, pour ne pas raconter d’histoires, je voudrais d’abord faire un petit passage par l’histoire, faire un tout petit peu de préhistoire, et là on trouve un acteur principal, dans notre affaire, qui n’est pas l’histoire de la Francophonie, mais qui est la France. La France, qui est un peu la mère de toutes les francophonies. Et le rôle que joue la France dans cette préhistoire francophone est assez curieux. En effet, dès le départ, la France conduit deux histoires parallèles, autour de sa langue et de son pouvoir sur le monde : une histoire qui est celle de la conquête des esprits, et une autre histoire qui va être celle de la conquête des territoires. Et ces deux histoires ne se confondent pas. La conquête des esprits, c’est l’expansion de la langue française. Essentiellement en Europe d’abord, souvent d’ailleurs dans un premier temps par des conquêtes territoriales, la dernière en date, qui a failli marcher, mais a finalement échoué, étant celle de Napoléon. Mais, de manière générale, c’est la conquête des esprits qui a dominé en Europe depuis le XVIIIe siècle, sous l’effet du siècle des Lumières et du positivisme par la suite, enfin de tous les grands mouvements de l’intelligentsia française. Préparation de la XI e Semaine de la langue française et de la francophonie (17-26 mars 2006) en Rhône-Alpes Journée de rencontre régionale “ Le français en partage… pour quoi faire ? ”, Lyon, 15 novembre 2005 Contact : Espace Pandora - 04 72 50 14 78 – espacepandora@free.fr 3 Parallèlement à cela, dès le XVIe siècle, il y a une deuxième histoire qui se conduit, qui est beaucoup moins intellectuelle, qui est une conquête des territoires, et donc des corps, une conquête militaire, avec cette aventure coloniale en deux temps : une première conquête coloniale qui donne l’Amérique, la Caraïbe, l’océan Indien, tout ce qui donne aujourd’hui une partie de la Francophonie ; puis une deuxième histoire coloniale qui commence au XIXe siècle et qui dure jusqu’à la décolonisation des années 1960. Et dans laquelle l’esprit, la culture, la langue, jouent un rôle relativement mineur et secondaire. Il faut quand même savoir qu’on parle aujourd’hui français en Afrique infiniment plus qu’on ne le parlait à la fin de l’épisode colonial. On parle aujourd’hui certainement plus français en Algérie qu’on ne l’a jamais parlé à l’époque de l’Algérie uploads/Geographie/ la-langue-francaise-pour-quoi-faire.pdf

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