2. - QUESTIONS CULTURELLES LA TOPONYMIE DE LA TUNISIE APERÇU L enquête que nous

2. - QUESTIONS CULTURELLES LA TOPONYMIE DE LA TUNISIE APERÇU L enquête que nous avons menée sur la nomenclature toponymique de la Tunisie dans notre Essai sur les noms de lieux d'Algérie et de Tunisie (Tunis، 1949), encore qu'elle ne soit qu'une esquisse d'un sujet très ample et assez obscur, nous a permis de préciser dans une certaine mesure, le ca­ ractère des apports linguistiques et ethniques qui ont posé leur empreinte successive sur le paysage africain. La méthode Sans vouloir innover le moins du monde en la matière, nous nous som­ mes toujours inspiré de principes rigoureux afin de réduire au minimum les chances d'erreur, qui ne peuvent d'ailleurs être absolument évitées. Soit par la méthode comparative, soit par la méthode des aires, en partant de don­ nées géographiques et linguistiques précises, et en s'aidant de l'histoire et de l'ethnographie, on a essayé de dégager l'origine, l'étymologie et la signifi­ cation des noms des sources, rivières, montagnes, villages et cités, qui sont comme la parure humaine du sol tunisien. Ce travail n'est pas toujours aisé„ car la nomenclature tunisienne a été, dans son ensemble, profondément arabisée : les toponymes antéreurs à la conquête arabe, qui sont très nombreux, ont subi des modifications pho­ nétiques importantes, tandis que le nouvel occupant tissait autour de ces vocables qu'il ne comprenait pas, des légendes et des étymologies fantaisis­ tes pour les expliciter en langue arabe. Nous aurons l'occasion de dire com­ ment et pourquoi. Le fonds méditerranéen ou pré-berbère A la base, il semble bien que nous soyons en présence d'un fonds topo­ nymique antérieur à l'arrivée, en Afrique du Nord, des peuples de langue berbère, dont certains paraissent être venus d'Asie Mineure si l'on s'en ré­ fère aux données récentes de la linguistique. Marcel Cohen dans son Essai comparatif sur le vocabulaire et la phonétique du chamito-sémitique, Paris 1947, a confirmé la parenté du berbère avec l'ancien égyptien, le conchiti- que et les langues du groupe sémitique : « il s'agit bien# dit cet auteur qui fait autorité, d'une famille cohérente, avec un système linguistique bien défini ». Ce qui laisse supposer que la séparation des groupes éthniques correspon­ dants n'est pas si éloignée dans le temps qu'on pourrait le croire, comme l'avait déjà présumé G. Marcy. Il est probable que les Berbères — ou du moins certains groupes ethni­ ques qui les représentent actuellement — ont envahi le Nord-Afrique par va­ gues successives, et se sont peu a peu fondus avec les autochtones ou les peuples méditerranéens qui les avaient précédés sur le sol africain, et aux­ quels ils ont imposé le berbère tout en en leur empruntant beaucoup de ter­ — ٠87 mes. C'es ؛pourquoi !'élucidation des toponymes pré-berbères est difficile et délicate. Des interférences viennent constamment brouiller la piste. D'après les données de la toponymie — données a s s e z précises puis- qu'elles sont déduites de vocables présents dans la nomenclature géogra- phigue actuelle — les peuples ayant précédé les Berbères parlaient une lan- gue apparentée à un fonds méditeronéen très archaïque, si Ion compare cer- tains toponymes africains avec ceux analogues relevés dans les pays rive- rains de la Méditerranée. Des hydronymes tels que : Aïn Isser, ©ued Isseri, Oued Lisseri, Oued Issar, ©ued Bassar, etc... sont ةrapprocher de certains noms de cours d'eau de France, d'Italie, d'Espagne، etc... : Isère, Yser, Vézère, Esaro, etc... O'est ce substrat que le berbère, s est semble-t-il, assimilé sous le nom d'ighzer < t ri- viere ». D'autre part, Gsell, Mercier et Berthoion admettent l'identité de souf « ri- vière », très commun en toponymie nord-africaine, avec les cours d'eau d'Eu- rope appelés Save ou Sava. Le thème oronymique tuk ou kuk fréquemment relevé en Tunisie et en Algérie pour désigner un endroit un peu surplombant : Dougga (nom antique Thugga), Kouka, Tekoukia, etc., est connu en Europe où il a été mis en éviden- ce par A. Dauzat, la Toponymie Française, p. 71. Le terme magura, que l'on rencontre en Europe pour désigner les monta- gnes, se retrouve dans les ! ^؟ ٠ ٥ des Djebels Madjour, Magra, Gour, etc..،, et s'apparente également au berbère magûra « bien élevé ». On pourrait aisément multiplier de tels exemples, mais nous en aurons assez dit, dans le cadre de cet article, pour montrer que des peuples préhis- toriques, venus probablement d'Europe, ont sé}ourné assez longtemps en Tu- nisie et dans les autres pays nord-africains pour y laisser des traces indéli- biles de leur présence. L'apport berbère Les Berbères appartiennent à des groupes ethniques différents, mais qui ont en commun la langue berbère, c'est-à-dire des dialectes très apparentés. On rappellera ici que le terme Berbère vient du latin barbari « barbares », que les Romains donnaient aux tribus réfractaires à la culture latine, et que les Arabes de la conquête reprirent à leur compte en le transformant en Beraber sing. Berbrî. Les Berbères entre eux se donnent le nom d'Imazighen, c'est-^dire < les nobles ou hommes libres » pour se distinguer évidemment, ةl'origine, de ceux qui, ةleurs yeux, ne l'étaient pas, c'est-à-dire les peuples qu'ils avaient vaincus et asservis. Ils appellent leur langue tamazigh * la no- ble (langue ». Comme l'attestent des inscriptions hiéroglyphiques datant de trois mille ans avant J.-C., et plus tard les géographes et historiens grecs et latins, les tribus berbères ou libyennes occupaient tout le sol tunisien. Cette occupation est confirmée par les noms de lieux d'origine berbère épars sur l'ensemble du territoire. Des hydronymes berbères justifient : Ellil (Oued), Thala, Sbeïtla contrac- tion du nom ant. Sufetula, Tatahouine mis pour sou ؛n titawine, £'ل ظ هه con- traction de Sufibus latinisation de souf, Tindja, Smindja, Tebournouk (Aïn)/ Mactar, Muthul, etc... Des termes de relief ont servi à désigner : Djouggar, Rhilane, El-Aghir, Takrouna, etc... On reconnaît des noms de plantes dans Lemsa » fenouil — 38 sauvage »; Zama « jonc »; Béja mis pour waqha « ronces », etc...,; et des noms d'animaux dans Bou-Arada « ل و lion »; Fkiline (Djebel) « les serpents ». Le thème ء être grand » justifie : Medjerda arabisation du nom ant. Ba- grada « la grande rivière », ainsi que le nom célèbre de ]uguitha « le plus grand » des princes numides, qui ont ainsi la même origine éthymologique. L'habitat est représenté par des thèmes ayant le sens de « camper, s'arrê- ter à, passer la nuit , ةdescendre de monture, etc... »; thèmes auxquels on peut rapporter : Tunis « lieu où l'on passe la nuit, bivouac ». Cf. Ténès (Algérie). Mateur ء lieu où l'on veille ». Douz « l'abri ». Sers « lieu où l'on descend ». Tabedit « l'arrêt ». Zaghouan, du verbe ezzeg ء habiter ». Beaucoup de ces noms que les Arabes de la conquête ne comprenaient point furent traduits par eux sous forme de calembours : Oued-Ellil signifie- rait « la rivière de la nuit », ce qui est tout au plus poétique. Tunis aurait été ainsi appelée par les Arabes d'après un thème verbal bien connu en arabe enis signifiant « être affable, accueillant » .?our dissiper cette erreur, il suffira de rappeler que Tunis portait son nom actuel quand elle fut prise par Agathocle, tyran de Syracuse, en 3 3 0 7 /هل avant J.-C., soit mille ans avant qu'elle ne tût occupée par les Arabes vers l'An 700 de notre ère. L'apport- phéni،؛en Les Phéniciens s'implantèrent très tôt en Tunisie, dès le XII“ siècle avant J.-C., et grôce ةla puissance de Carthage, leur influence s'étendit sur une grande partie de l'Afrique Septentrionale durant un millénaire. ¡1 est assez difficile de déceler les noms de lieux issus du phénicien ou du punique, qui était le phénicien parlé à Carthage, parce que l'on sait peu de chose sur ce dialecte issu du cananéen, langue sémitique comme l'hébreu et l'arabe. C'est ةl'aide de l'hébreu que l'on parvient à elucider les noins de lieux d'origine phénicienne ou punique, tels que : C arthage=gar ؛hadasht « la ville nouvelle ». U tique=a؛i؟a « l'ancienne, la noble ». Gafour=icafor ء hameau ». Sedjoumi=agam « marais, étang ». Chikli (îlot)=sal؛aia ٠ tas de pierre, écueil ». D jebba=gebâ « colline ». Hadrum ète=^a darom « celle du Sud » (?). Bizerte¿ d'après l'arabe Benzeit, est un contraction de l'appellation antique Hippo Diarrhytus composée de Hippou « observatoire, point de vue » en pilé- nicien, croit-on, et du latin/grec diarrhytus ء traversé par les eaux. L'apport latin Les Romains qui prirent la suite de C a rth a g e en 146 avant J.-C., et occupé- rent le pays jusqu'en 535 de notre ère, soit pendant sept siècles, n'ont pas pour autant beaucoup latinisé la nomenclature africaine, parce que celle-ci était déjà en grand® ^arti* fixée avant leur arrivée. On mettra à leur actif, entre autres noms : fîadès=M axula (nom libyen) per raies « maxula par les bacs », parce que le trajet de Maxula à Carthage se faisait en barque. Hergla est une contraction arabe de Horrea ccelia < ، uploads/Geographie/ la-toponymie-de-la-tunisie-questions-culturelles.pdf

  • 26
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager